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Le Giro 100, une fête en pleine "crisi" pour le cyclisme italien

Benoît Vittek

Mis à jour 04/05/2017 à 18:34 GMT+2

TOUR D’ITALIE - L’édition historique du Giro qui s’avance doit permettre au cyclisme italien d’oublier la crise qui l’étreint depuis plusieurs années.

Vincenzo Nibali, l'arbre qui cache la forêt du cyclisme italien

Crédit: Getty Images

Pays de contrastes, l’Italie n’est évidemment plus à un paradoxe près. Celui qui anime le cyclisme transalpin ces derniers temps culmine à l’approche du départ du Giro 100. De la Sardaigne, où le peloton s’élancera vendredi, jusqu’aux cafés perchés dans les Dolomites, le débat met aujourd’hui en parallèle la formidable histoire cycliste d’une Italie qui s’apprête à accueillir un centième Tour et la “crisi” dans laquelle la Petite Reine transalpine est plongée.
Sur la ligne de départ, on pourra observer quelques symboles forts. Le centième Giro se disputera avec seulement deux formations italiennes, Wilier Triestina-Selle Italia et Bardiani CSF. Aucune d’entre elles n’est issue des rangs du World Tour, la Lampre ayant rendu son tablier de sponsor cet hiver pour passer sous pavillon émirati. C’est également en ambassadeur d’une monarchie du Golfe qu’évoluera le seul véritable prétendant italien à la victoire finale, Vincenzo Nibali, leader des Bahrain-Merida après avoir remporté deux Giro et une Grande Boucle sous les couleurs d’Astana.
Bref, ce Giro pourrait n’avoir d’Italien que son organisation, menée par RCS Sport. Le pendant transalpin d’Amaury Sport Organisation, lui aussi tourné vers les opportunités de développement extérieur, a parfois de bonnes initiatives (saluons l’hommage à Michele Scarponi sur le mythique Mortirolo, rebaptisé du nom du coureur italien), d’autres plus contestables (ce classement des descentes, finalement annulé devant les protestations du peloton, avait tout de l’idée foireuse). Ces dernières semaines, le directeur du Giro Mauro Vegni s’est surtout mis à dos ce que le peloton compte encore de formations italiennes en invitant les Polonais CCC et les Russes Gazprom pour cette 100e édition.

Décrépitude financière et affaires sordides

Quand je l’ai croisé sur les routes du Tour de Langkawi, fin février, Gianni Savio faisait encore mine de croire à un soudain alignement des planètes cyclistes permettant à sa formation Androni-Giocattoli de participer au Giro. Le truculent dirigeant d’équipe a tenté un recours devant les instances du sport italiennes, proposé de présenter une équipe mixte avec Nippo Vini Fantini, elle aussi snobée par RCS, dont les dirigeants n’ont pas manqué de tacler le “mauvais modèle” sur lequel vivraient les équipes domestiques. Un activisme vain.
Aujourd’hui, Gianni Savio ne peut que se résoudre à suivre la grande fête rose de loin. De très loin même, suspendu pour un trimestre après de longs mois d’enquête dans l’affaire “paye et cours”, dans laquelle un dirigeant de Willier a également été sanctionné. Ou quand le cyclisme italien ajoute le sordide - une longue enquête et une procédure obscure sur des histoires de contreparties financières pour permettre à certains coureurs de faire ce métier - à la décrépitude financière.
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Gianni Savio, directeur de la formation Androni-Giocattoli

Crédit: Getty Images

La situation inquiète jusqu’aux anciens rois du peloton italien. L’an dernier, le double champion du monde Paolo Bettini disait de la crisi qu’elle est “en train de tuer le cyclisme italien”. Cette année, c’est Mario Cipollini qui, du haut de ses 50 ans et 42 victoires sur le Giro, a flingué :
Le cyclisme italien n’existe plus, nous sommes le quatrième monde. Nous n’avons que Vincenzo Nibali, le seul vrai talent à notre disposition. Les autres ne sont que des figurants.
L’attaque est tranchante. Elle rappelle les sorties de Bernard Hinault il y a une dizaine d’années sur les coureurs français fainéants, incapables de se hisser au niveau de l’adversité. Il y avait peut-être une part de vérité, mais c’était trop grossier pour traduire la réalité.

Voir la vie en rose

À 32 ans, Vincenzo Nibali sera effectivement bien seul face aux Quintana, Pinot, Thomas, Dumoulin, Yates, Kruijswijk… Cette fois, il n’y aura pas d’alliances transalpines pour contrer les prétendants étrangers. Mais Cipollini oublie que l’Italie compte un autre vainqueur de Grand Tour, Fabio Aru, dont le genou prive le Giro d’un talent incontestable.
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Colombia's Nairo Quintana, wearing the best young's white jersey (R) and Italy's Vincenzo Nibali, ride in the last hill during the 178,5 km fourteenth stage of the 102nd edition of the Tour de France cycling race on July 18, 2015, between Rodez and Mende,

Crédit: Getty Images

La culture cycliste reste forte, suffisamment pour enthousiasmer les foules et nourrir un vivier de talents toujours considérable, à l’image d’un Gianni Moscon auteur d’une brillante campagne de classiques (finalement ternie hors course avec ses insultes racistes envers Kevin Reza). Le circuit amateur reste extrêmement riche et promet des lendemains souriants.
Quant à la fête de mai, elle s’annonce grandiose. Pendant trois semaines, l’Italie va célébrer l’un de ses plus beaux rendez-vous, un grand cirque ambulant, reliant le Sud au Nord dans un événement qui sait ajouter la grandeur historique à la simplicité de la fête populaire. Gino Bartali, Fausto Coppi, Marco Pantani, Francesco Moser... Le parcours de l'épreuve convoque des noms de légende. Si le Tour de France domine la Petite Reine de très haut, le Giro, né en 1909, dégage une aura unique. Une aura qui devrait suffire à garantir encore quelques belles années au cyclisme italien.
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