Le Tour en questions : Quelle est la meilleure carte française pour le podium ?

Il y a un mois, j'aurais dit Thibaut Pinot (FDJ). Son début de la saison sur les courses par étapes (top 5 à Tirreno-Adriatico, au Pays Basque et en Romandie, vainqueur du Critérium International) et son statut de "nouveau cador" sur l'épreuve chronométrée - à l'image de son succès sur le Tour de Romandie devant Tom Dumoulin (!) - me bluffait véritablement. Mais le Dauphiné m'a fait changer d'avis. Sur les routes du Rhône-Alpes, Romain Bardet m'a surpris, surtout par sa capacité à tenir face aux tous meilleurs en haute montagne, lui qui semblait un peu juste ces dernières années.

Son sens tactique, sa capacité à partir de loin et son absence de complexe face aux Froome, Contador et autres stars du peloton le rendent imprévisible, une vraie qualité pour aller chercher un top 5. Surtout que, cette année, le grimpeur d'AG2R La Mondiale se montre très régulier dans ses résultats, avec des top 10 sur Paris-Nice, le Tour de Catalogne, le Tour du Trentin et donc le Dauphiné. Une constance encore supérieure à l'année passée, malgré l'absence de victoire. Enfin, contrairement aux autres chances tricolores, Bardet pourra compter sur son équipe, impressionnante sur la Dauphiné, et à laquelle il faudra rajouter sur les routes du Tour de France deux lieutenants de luxe en montagne que sont Alexis Vuillermoz et Domenico Pozzovivo. Et c'est non négligeable…

Sans hésitation, je pencherai vers Thibaut Pinot. Warren Barguil, Pierre Rolland et Romain Bardet s’avancent en candidats crédibles à un bel accessit mais le coureur de la FDJ a les faveurs de mon pronostic. Pour plusieurs raisons. La première ? Il suffit de voir ses résultats cette saison sur les courses étapes (je vous épargne ses performances sur le GP de la Marseillaise, sur l’Etoile de Bessèges ou sur le Tour d’Algarve) : 5e sur Tirreno-Adriatico, vainqueur du Critérium International, 4e du Tour du Pays basque et pour finir Dauphin de Nairo Quintana sur le Tour de Romandie. Rien que ça.

La seconde, c’est le profil. Ce Tour est montagneux, je ne vous apprends rien. Pinot fait partie du gotha des grimpeurs. Il n’a pas l’explosivité d’un Bardet, le style aérien d’un Contador à sa grande époque. Non, lui monte au train. Quand la route s’élèvera, après avoir bénéficié de l’aide de ses coéquipiers suisses Steve Morabito et Sébastien Reichenbach, il devra probablement se débrouiller tout seul. Mais ça ne lui fait pas peur. A 26 ans, Pinot a toutes les cartes en main pour changer de dimension.

En 2016, il a mis en place certaines choses censées l’emmener (plus facilement) vers les sommets. Plus sérieux sur son alimentation, plus appliqué dans sa récupération, Pinot n’a lésiné aucun détail. Ses nets progrès sur l’effort solitaire affichés en Romandie et aux "France" me laissent aussi imaginer le meilleur. Les deux chronos du Tour sont difficiles. Et il en est presque devenu le spécialiste. Une raison supplémentaire de croire en lui.

Aucun Français ne constitue une assurance tous risques pour un podium à Paris. Mais incontestablement, avec Thibaut Pinot et Romain Bardet, la France dispose de deux atouts enviables. Lequel des deux est le mieux armé ? La tendance des dernières semaines pourrait inciter à répondre Romain Bardet. Et c'est d'ailleurs tout sauf absurde. Sa performance sur le Dauphiné et, au-delà de sa place de dauphin de Chris Froome, la manière dont il a couru laisse entrevoir sa capacité à jouer un rôle majeur sur trois semaines. Malgré tout, je vais miser sur Thibaut Pinot, en essayant de garder en tête non pas les trois ou quatre dernières semaines, mais plutôt les trois ou quatre derniers mois.

Oui, Pinot a été un ton en-dessous des cadors sur le Dauphiné, mais je ne suis pas sûr qu'il faille y trouver matière à douter de lui. Tout casser sur le Critérium n'est pas forcément le meilleur moyen de briller en juillet. J'ai d'ailleurs aimé sa capacité de réaction et la manière dont il a remporté l'étape-reine. Pinot a géré ce petit coup de moins bien semble avoir pris encore un peu de caisse, et son bilan global sur les courses par étapes cette année est quand même celui d'un prétendant au podium du Tour. Pinot est aujourd'hui un coureur plus complet qu'il y a quelques mois, à l'image de ses énormes progrès contre la montre, et sans doute plus complet que Bardet. Je ne serais pas étonné de le retrouver au niveau de 2014. Ce qui ne veut pas dire forcément sur le podium, Froome, Contador et Quintana étant soient absents soit rapidement hors course il y a deux ans.