Tour de France 2023 | David Gaudu et Romain Bardet : Adieu podium ?

Thibaut Pinot s'arrache pour son leader David Gaudu sur les pentes d'un mythe oublié. L'image a tout du passage de témoin et renvoie au Tourmalet 2019 quand le Breton essorait le groupe des favoris pour son pote. Quatre ans plus tard, la Groupama-FDJ n'essore plus personne et même l'objectif podium semble hors de portée. Car sur les pentes du Puy de Dôme, Gaudu mais aussi Romain Bardet ont été asphyxiés non seulement par Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar mais aussi par d'autres, Jai Hindley, Carlos Rodriguez, Simon Yates ou Tom Pidcock.

L'un comme l'autre n'avaient qu'une idée en tête au départ de Bilbao. Quatrième en 2022, Gaudu ne pouvait que viser mieux. Quant à Bardet, il ne vibre plus à se battre pour une sixième place. L'opération avait déjà pris du plomb dans l'aile avec le joli coup réussi par Hindley, vainqueur du Giro 2022, à Laruns. L'Australien semblait être une cible bien difficile à atteindre, surtout qu'il avait confirmé à Cauterets être supérieur aux Français en haute montagne. Le Puy de Dôme n'a en rien infléchi l'impression.

Tracté par Pinot, le leader des Groupama-FDJ a lâché 1'15'' aux meilleurs des "autres" pendant que Bardet concédait 17 secondes de plus. Simon et Adam Yates, Jai Hindley, Sepp Kuss, Felix Gall et Pello Bilbao ont tous terminé devant Gaudu et il faut ajouter Louis Meintjes à la liste pour son acolyte français. "La vitesse au pied avec la chaleur, ça nous a complètement asphyxiés, a reconnu Bardet au sommet. La marmite a surchauffé, le couvercle a sauté. Je savais que ce serait de la survie et dans ces pentes-là, c'est impossible de se refaire. Il n'y a pas eu de secret, les meilleurs étaient devant."

Même constat au sein d'une Groupama-FDJ où les lieutenants ont pris le relais médiatique du leader. "Ça a tiré très, très fort, dit Valentin Madouas. David nous a dit de rester à notre rythme. On a essayé de monter à nos valeurs records. Devant, c'était plus fort." Pinot confirme : "il ne fallait surtout pas exploser. Mais c'est sûr qu'on aurait espéré mieux". Le plus inquiétant pour l'un comme pour l'autre, c'est qu'ils sont parmi les premiers à craquer depuis les Pyrénées.

A ce constat de la réalité du terrain, il faut ajouter celui des chiffres. Implacable puisque David Gaudu navigue à 3'21'' de Jai Hindley et du podium quand Romain Bardet en est séparé par quatre minutes et dix-huit secondes. Pour espérer y monter, le duo tricolore doit donc espérer reprendre beaucoup de temps… et à un certain nombre de coureurs, cinq pour le premier, sept pour le second. Difficile à imaginer dans une course au scénario "classique", sauf à miser sur une immense montée en puissance dans le Jura, les Alpes et les Vosges.

"Ça peut être compliqué pour le podium, reconnaît Thibaut Pinot. Mais la route du Tour est encore longue, comme on le répète souvent. Le podium reste jouable et sinon le Top 5, ce n'est pas ridicule. Dans un Tour de France aussi rapide, il ne faut pas cracher dessus." Personne en effet ne ferait de ce résultat un immense échec mais premièrement il serait en-deçà de l'objectif de la Groupama-FDJ et deuxièmement il n'est pas évident, au soir de la 9e étape, d'imaginer Gaudu dans les cinq meilleurs de ce Tour alors qu'il ne l'a jamais été sur la route.

"L'objectif d'un bon classement général, pourquoi pas mais je veux courir différemment", tente Bardet de son côté dans un drôle d'écho à sa situation d'il y a douze mois. En 2022, il avait fallu attendre la 16e étape et Foix pour le voir dégringoler au classement général et promettre une autre course. L'Auvergnat avait essayé, sans succès. Le pourra-t-il cette fois ? "Ça ne sera pas évident mais j'ai perdu beaucoup de temps, j'espère avoir quelques libertés pour me porter à l'avant avec l'équipe et jouer des victoires d'étape."

La journée de repos sera particulière pour lui qui va inviter tous ses coéquipiers à la maison. "On va essayer d'oublier le Tour, lâche-t-il avant de se reprendre. Enfin non pas oublier parce que c'était un super moment (l'ascension du Puy de Dôme devant son public, NDLR). Il n'y a rien à regretter, j'étais loin du niveau des meilleurs, il faut l'accepter. Il n'y a pas d'excuse. C'est monté trop vite pour moi aujourd'hui. Je suis quand même déterminé à bien en profiter et à repartir sur de bonnes bases mardi matin."

Trop vite pour ce qui est de Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar ? Évidemment mais si Bardet et Gaudu ne sont pas dans la course au podium, c'est aussi peut-être parce qu'ils n'évoluent pas à leur meilleur niveau. Le leader des DSM a avoué avoir déjà monté le Puy de Dôme plus vite et le Breton était clairement le quatrième homme en montagne en 2022.

La première semaine a livré son verdict et David Gaudu comme Romain Bardet n'ont pas ce qu'il faut dans les jambes pour peser sur la course à la pédale avec les meilleurs. Leur position, ni assez proche, ni assez lointaine, leur ouvrira-t-elle des opportunités ? Rien n'est moins sûr et encore faut-il le vouloir. Avec son âge avancé et son expérience, l'un est déjà prêt à basculer sur une autre course. L'autre, plus jeune évidemment, ne l'est semble-t-il pas encore. Rendez-vous dans huit jours pour un nouveau bilan.