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"Le hold up du siècle"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 02/04/2011 à 16:50 GMT+2

Dimanche 5 avril 1992. Jacky Durand a tout juste 25 ans. Ce jour-là, le Mayennais de chez Castorama signe un exploit majuscule en remportant le Tour des Flandres. De cette journée historique, Jacky n'a rien oublié. Il vous raconte tout. Pour vous faire revivre ce Ronde comme si vous y étiez.

1992 Tour des Flandres Jacky Durand

Crédit: From Official Website

"Pour moi, le Tour des Flandres, c'était un truc inaccessible. Ce n'était pas une course que je rêvais de gagner. Je ne pensais pas en être capable, ni en 1992 ni un autre jour. Je n'en rêvais même pas. Je rêvais juste de finir la course. C'était ma deuxième participation et pour ma première, j'avais abandonné au deuxième ravito. Autant finir Milan-Sanremo ou même Paris-Roubaix, ça me paraissait faisable, autant le Ronde avait un côté totalement hors de portée pour quelqu'un comme moi.
Je ne dis pas ça parce que je l'ai gagnée, mais pour moi, c'est la plus grande course du monde. Elle a tellement de spécificités, elle est tellement dure physiquement. C'est la course la plus dure, beaucoup plus dure que Paris-Roubaix. Il y a des mauvais pavés, comme à Roubaix, mais il y a en plus tous ces monts qui s'enchainent tous les 10 ou 15 kilomètres. Puis il y a le public. Quand on sort du début de saison, qu'on a fait l'Etoile de Bessèges ou le Tour Med, où on compte les spectateurs sur le bord de la route, et qu'on arrive au départ du Tour des Flandres avec des dizaines de milliers de personnes rien que pour assister au départ, on comprend que c'est un truc unique. T'en prends plein les yeux. Tous ceux qui sont là, même s'ils ne pèsent pas sur la course ensuite, ils garderont un souvenir très fort. Alors quand tu gagnes...
Ça fait presque 20 ans, mais je n'ai rien oublié de cette journée. Autant je n'ai pas une grosse mémoire, autant là, je me rappelle de tout, du réveil jusqu'au soir. L'échappée est partie après une quarantaine de kilomètres. Nous étions quatre. Quand j'attaque, ce n'est pas pour gagner, ça c'est clair ! Je voulais juste finir. A ce moment là, mon ambition, c'est surtout d'éviter de passer le Vieux Quarémont avec tout le peloton. Je savais que ça frottait beaucoup à cet endroit là. Je voulais passer là-bas avec un peu d'avance, disons 5-6 minutes. Mais au pied du Vieux Quarémont, on n'avait pas 5, mais 20 minutes d'avance. Ça changeait beaucoup de choses, mais je ne pensais pas du tout à la victoire pour autant. Sur beaucoup de courses, 20 minutes d'avance ça suffit. Pas sur le Tour des Flandres. Ça peut revenir très vite quand les gros se mettent à rouler.
J'ai vraiment commencé à penser à la victoire à une dizaine de kilomètres de l'arrivée. Dans le Bosberg, nous n'étions plus que deux avec Wegmuller, et il a lâché. Le problème, c'est que nous n'avions pas d'informations sur les écarts derrière. On savait juste que Van Hooydonck et Fondriest avaient attaqué. Et le peu d'infos que nous avions étaient contradictoires. On ne savait plus si on avait une minute, deux minutes ou trois minutes d'avance. Et dans un final, quand tu as fait 200 kilomètres d'échappée, tu roules beaucoup moins vite que des gars comme Van Hooydonck.
Puis, à 5 bornes de l'arrivée, alors que j'étais tout seul, Eddy Merckx est venu à ma hauteur. Il était directeur de course à l'époque. Il m'a dit "petit, tu vas gagner le Tour des Flandres". C'est vraiment là que j'ai compris que c'était dans la poche. Je me suis dit "Jacky, tu as réussi le hold up du siècle". Dans la dernière ligne droite, j'ai le souvenir de la tête des spectateurs, complètement hébétés de me voir là, en train de gagner. Wegmuller, à la rigueur, ils auraient compris. C'était un gros rouleur, il avait gagné les Nations. Il n'était pas dans les favoris, mais il avait quand même un statut d'outsider, on l'avait déjà vu. Mais moi...
Un Français qui gagne le Tour des Flandres, c'était improbable. Les gens ne savaient même pas qu'il y avait des Français dans cette course ! Ils espéraient Van Hooydonck, et ils me voient arriver. Et je vois à leurs têtes qu'ils ne comprennent pas. Et moi non plus, je ne comprends pas. Je sais que je gagne, mais je ne réalise rien. J'étais jeune mais rien de ce que j'ai connu après ne peut égaler ce que j'ai vécu ce jour-là. J'ai connu de belles victoires. Mais que ce soit Paris-Tours, le Championnat de France ou les étapes du Tour, tout ça, je savais dans un coin de ma tête que je pouvais le faire. Alors qu'avec le Tour des Flandres, j'ai atteint l'inaccessible."
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