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Triche mécanique - Christophe Bassons : "Il peut y avoir un moteur n'importe où"

Benoît Vittek

Mis à jour 21/03/2018 à 21:43 GMT+1

"C'est mon travail de toujours avoir le doute", explique Christophe Bassons, réputé pour son engagement contre la triche sous toutes ses formes dans les pelotons. L'ancien coureur, aujourd'hui conseiller régional antidopage, observe que l'UCI agit enfin contre la triche mécanique. Mais il demande plus.

Christophe Bassons

Crédit: Getty Images

Connu pour avoir violé l'omerta des pelotons et s'être opposé à Lance Armstrong à la fin des années 1990, Christophe Bassons n'est pas seulement un "monsieur Propre" engagé contre le dopage biochimique. Aujourd'hui conseiller régional antidopage en Nouvelle Aquitaine, il est l'homme qui a coincé, en octobre dernier, un amateur de 43 ans qui avait équipé son vélo d'un moteur pour de petites courses. Il s'agissait seulement du deuxième cas de fraude mécanique relevé, après la suspension d'une participante aux championnats du monde de cyclo-cross, en 2016. Mais Christophe Bassons, comme beaucoup d'autres, est convaincu que d'autres tricheurs ont réussi leur coup. Et la réponse de l'UCI, si elle est bienvenue, lui apparaît toujours incomplète.
Lorsque vous suivez une course, avez-vous forcément dans un coin de la tête l’idée que certains concurrents peuvent utiliser un moteur ?
Christophe Bassons : Personnellement, oui… Il faut dire que c’est mon travail de toujours avoir le doute, il ne faut pas croire que tout est idyllique. Le premier déclic, ça a été le cas de Cancellara et toutes les interrogations lorsqu'il gagne le Tour des Flandres dans le mur de Grammont (ndlr : en 2010). Mais je ne pensais pas que ça me concernerait au niveau amateur. Aujourd'hui, je pars surtout de l’idée qu’il peut y avoir un moteur n'importe où. On en a déjà trouvés, donc on ne peut pas dire que ce n’est pas possible.
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Un vélo à moteur

Crédit: Getty Images

L'UCI s'est-elle véritablement emparé de ce dossier ?
C. B. : Ils s’en sont saisis, oui, puisqu’il y a des propositions. Là où il faut s’interroger, c’est sur les raisons qui les ont poussés à agir. Est-ce qu’ils ont envie de mettre des moyens pour lutter contre les fraudes ? J’ose espérer que c’est ça. Mais je pense tout simplement que David Lappartient s’est engagé là-dessus pendant la campagne, donc il faut qu’il agisse. Il l’a dit clairement, sa première motivation est de redonner confiance en l’institution. Au final, tant mieux si ça donne des moyens supplémentaires contre la tricherie. Mais attention aux motivations. On est toujours en retard. On a une affaire qui éclate, qui fait du mal à une institution, et l’institution répond pour se redorer le blason et faire en sorte que les gens aient à nouveau confiance. C’est ahurissant. Comme ça, on court toujours après le tricheur.

"À un moment donné, il y a un moteur sur un vélo, il y a des gens qui le savent"

Comment accueillez-vous le nouveau dispositif de lutte contre la triche mécanique présenté mercredi ?
C. B. : Il y a des nouveaux outils, des sanctions renforcées… Plus il y aura de méthodes de détection, plus ça compliquera la triche. Le rayon X semble quand même être la meilleure solution, pour en avoir discuté avec des spécialistes. C’est la technique des douaniers donc ça doit être efficace. On ne peut que se satisfaire de ces décisions-là. Après, je reste sur un manque : quels moyens donne-t-on à l'investigation ? À un moment donné, il y a un moteur sur un vélo, il y a des gens qui le savent.
C'est comme ça que vous avez trouvé votre fraudeur...
C. B. : J'ai eu une info. On parle de sanctionner les équipes, mais comment est-ce qu’on peut faciliter la parole ? Le problème est le même pour le dopage. Je pense qu’il est important de trouver des solutions, des protections pour les personnes qui ont envie de faire bouger les choses. Parce que les gens sont au courant dans le milieu, il faut arrêter de dire "On ne savait pas, on ne voit rien". Boonen, dans le mur de Grammont, si réellement Cancellara avait un moteur, il a de suite compris qu’il y avait quelque chose d’anormal. Après, pour parler, il faut pouvoir être clair aussi et ne rien avoir à se reprocher. C’est peut-être ça aussi qui limite la parole chez beaucoup de coureurs…

"Combien de jeunes ont été sensibilisés aux aspects de la triche ?"

Comment peut-on libérer cette parole ?
C. B. : Il est important de responsabiliser tout le monde et dire que tout le monde peut participer. Tous ces gens qui me contactent régulièrement, me disent "continue, c’est bien ce que tu fais, ne lâche pas on te soutient", j’ai envie de leur dire "allez-y, faîtes. Vous ne vous rendez pas compte mais la moindre information peut mener à quelque chose d’intéressant". Et l’UCI peut facilement mettre en place des opérations d’éducation auprès des jeunes. Allez voir dans tous les clubs combien de jeunes ont été sensibilisés aux aspects de la triche ? Faire passer l’idée de faire du vélo pour progresser et se faire plaisir plutôt que d’être dans la compétition et battre les autres à tout prix, malheureusement ce n’est pas fait. Comment vous voulez qu’à l’arrivée, dans dix ans, ces mêmes jeunes n’aient pas envie de tricher pour gagner des millions ? Une répression ne vaut pas sans prévention.
Deux juges d’instruction français enquêtent, selon les informations du Canard enchaîné, sur un éventuel “pacte de corruption” qui aurait couvert des tricheurs…
C. B. : C’est possible. On l’a vu dans le dopage, donc pourquoi pas pour de la fraude technologique… Dans le code du sport, la fraude sportive couvre le cas de personnes qui s’entendent pour modifier le résultat d’une course, mais la condition pour attaquer via cet article, c’est qu’il y ait des paris sportifs sur ces courses. Ça c’est un problème. On parle du dopage et des moteurs, mais il y a bien d’autres problèmes dans le cyclisme, notamment ces mafias qui s’entendent pour gagner le maximum de prix. Il y a toujours des imperfections. À nous maintenant de jouer avec ces textes.
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Un vélo passé au rayons-X de l'UCI

Crédit: Getty Images

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