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Wout Van Aert, on en redemande

Benoît Vittek

Mis à jour 11/04/2018 à 15:32 GMT+2

PARIS-ROUBAIX - C'était l'un des paris les plus fous de ce début de saison : le novice Wout Van Aert pouvait-il briller sur les plus grandes classiques au sortir d'un hiver consacré au cyclo-cross ? Le Belge a relevé le défi avec brio, signant un petit conte de fées avant de voir son partenaire Michael Goolaerts perdre la vie dimanche.

Wout van Aert (Verandas Willems - Crelan) lors du Tour des Flandres 2018

Crédit: Getty Images

Ils ont beau être traîtres, les pavés peuvent aussi sourire aux novices. Tanguy Turgis en a apporté une belle preuve dimanche en devenant à 19 ans le plus jeune coureur à rallier le vélodrome de Roubaix depuis près de huit décennies d'Enfer du Nord. En fin d'après-midi, sourire plus éclatant que le modeste soleil qui réchauffait l'enceinte mythique, l'insouciance du gamin de Seine-et-Marne, 42e, tranchait avec le masque de Wout Van Aert, le plus jeune coureur parmi ceux qui ont devancé Turgis à l'arrivée.
Une invraisemblable palette d'émotions devait bouillonner sous le crâne du grand gaillard flamand, qui disputait lui aussi son premier Paris - Roubaix. La fierté d'avoir été un acteur déterminant de la course de ses rêves, le soulagement d'être enfin en vacances après des mois et des mois sur la brèche, la frustration née de l'incident mécanique qui l'a empêché de défendre ses chances de podium après une journée entière à la bagarre avec les meilleurs… Les aspects les plus sportifs de l'Enfer du Nord ont finalement été balayés par une histoire de vie et de mort, avec l'accident dramatique de son coéquipier, compatriote et ami Michael Goolaerts (qui découvrait lui aussi l'épreuve mythique).
Treizième à l'arrivée, Van Aert n'a pas commenté sa performance en public. Il a attendu, mortifié, l'annonce tant redoutée et rendu hommage à son jeune alter ego : "Goolie, né comme moi en 94. Résultat, on a été ensemble dans le peloton pendant des années. Je ne peux toujours pas réaliser que c'est fini. Ton sourire éternel restera toujours une inspiration pour moi. Repose en paix." Un épilogue sombre pour une campagne de classiques par ailleurs brillante.

"Il sera le Belge le plus fort sur les Classiques l'an prochain"

Avant ce drame, les dernières semaines de Van Aert tenaient plutôt du conte de fée. Les premières incursions sur la route du triple champion du monde de cyclo-cross ces dernières années avaient montré un potentiel intéressant, surtout aux yeux des suiveurs belges. Samedi, à Compiègne, pour la présentation des équipes avant Paris-Roubaix, son changement de statut sautait aux yeux. Sollicité de toutes parts, Van Aert est désormais "the next big thing", le champion de demain pour prendre la relève des Boonen, Gilbert, Van Avermaet.
Son palmarès dans les sous-bois laissait déjà peu de doute sur l'alliage dont ce champion est fait. Mais, avec tout le respect que j'ai pour le cyclo-cross et ses héros, quand il s'agit de se frotter aux Monuments du cyclisme sur route, on entre dans une autre dimension. Les interrogations étaient plus que légitimes. Exploser tout le monde pendant une heure dans le froid et la boue, Van Aert sait faire, ok. Et être à la bagarre pendant six heures, face à de nouveaux pièges et des experts des classiques qui ont préparé leurs rendez-vous tout l'hiver quand lui se payait la saison de cyclo-cross ? Il a relevé le défi, et avec brio !
Un portrait pour CyclingNews à l'approche du Tour des Flandres relevait un authentique exploit réalisé par Wout Van Aert dans les Strade Bianche, début mars : "Il doit être le premier coureur à impressionner Roger de Vlaeminck depuis Roger de Vlaeminck", écrivait le journaliste flamand Jan-Pieter de Vlieger. "Un chien fou. Mais il sera le Belge le plus fort sur les Classiques l'an prochain", annonçait ainsi l'orgueilleux Monsieur Paris-Roubaix, vainqueur des cinq Monuments et lui aussi champion du monde de cyclo-cross (en 1975). Plus que l'image saisissante de ses crampes dans les rues de Sienne, Van Aert apportait la confirmation qu'il est à la hauteur de son pari.

Madiot en rêve, et il n'est pas le seul

Après les Strade Bianche et avant l'Enfer du Nord, il y a eu deux belles places dans les 10 premiers de Gand - Wevelgem et du Tour des Flandres. Plus que les résultats, le guerrier Van Aert impressionne par la place qu'il tient dans la course, saignant sur le mur de Grammont, jamais avare de ses efforts comme lorsqu'il est sorti avec Jasper Stuyven en poursuite de Peter Sagan dimanche. Souhaitons juste qu'il ne percute plus de commissaire de course comme lors d'À travers les Flandres (mais bon, Chris Froome en est aussi passé par là).
Avec son profil, la nouvelle sensation flamande séduit les suiveurs, mais aussi les directeurs sportifs du World Tour. Ces derniers jours, la rumeur se concentrait sur l'intérêt de Marc Madiot pour Van Aert, sous contrat avec Vérandas Willems-Crelan jusque fin 2019. Le patron de la Groupama-FDJ est loin d'être le seul à avoir flairé le gros potentiel, conforté par les récentes réussites de Zdenek Stybar et Lars Boom. Champion du monde en 2015, Mathieu van der Poel suscite aussi des convoitises naturelles mais le Néerlandais, petit-fils de Raymond Poulidor, a un solide contrat pour cumuler cyclo-cross et VTT jusqu'aux JO de Tokyo 2020.
D'ici là, Wout Van Aert devrait nous avoir gratifiés de nouveaux exploits sur la route. "Est-ce que je peux gagner Paris-Roubaix un jour ? J'en saurai plus demain, c'est ma première participation. Mais c'est un de mes rêves depuis que je suis gamin", m'expliquait-il samedi à Compiègne. Dimanche soir, ses pensées se tournaient certainement vers "Goolie" plutôt que que son potentiel sur l'Enfer du Nord. D'autres se sont fait la réflexion pour lui : Wout Van Aert est un cador en puissance, promis à la gloire sur les pavés de Roubaix ou ailleurs.
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