Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

La Coupe Davis, paradis tennistique du solitaire Pioline

ParLe Mag

Publié 19/08/2015 à 12:03 GMT+2

-

129769-cedric-pioline-lors-de-la-coupe-davis-orig-1.jpg

Crédit: Le Mag

Dans son autobiographie qui sort aujourd’hui en librairies, Cédric Pioline se dévoile et explique les raisons de ses réserves face aux médias et au public tout au long de sa carrière. Après un premier extrait consacré à son émancipation et à ses débuts de joueurs professionnels, Cédric Pioline revient ci-dessous sur l’importance de la Coupe Davis dans sa carrière.
Une compétition qui lui a offert les plus beaux souvenirs de sa vie de joueur. Pourtant, les débuts de son histoire avec l’équipe de France n’avaient pas été simples. L’encadrement français refusant de céder face à la demande insistante de son entraîneur de l’époque, Henri Dumont, qui tenait à être présent à ses côtés en équipe de France (une requête qui allait à l’encontre des principes de fonctionnement de l’équipe, laquelle interdisait la présence des entraîneurs personnels des joueurs pendant les stages de préparation), Cédric Pioline avait dû attendre 1994 pour effectuer ses véritables débuts en Coupe Davis face à la Suède de Stefan Edberg. Malgré de bons résultats dans la compétition, le numéro un français a longtemps trainé une image de joueur individualiste. Une étiquette qui ne l’a jamais véritablement quitté malgré trois finales disputées dont deux remportées avec ses coéquipiers à Malmö en 1996 et à Melbourne en 2001. C’est justement lors de cette finale face aux Australiens que Cédric Pioline a vécu ce qu’il considère comme le plus beau moment de sa carrière.
Nous sommes le samedi 22 septembre 2001, la France et l’Australie sont à égalité 1-1 après les deux premiers simples du vendredi. Cédric Pioline et Fabrice Santoro s’apprêtent à entrer sur le court pour affronter la paire Hewitt-Rafter…
Notre responsabilité avec Fabrice Santoro est totale. Nous sommes de plus en plus proches. Une réalité bien différente de ce qui peut se dire : ces deux-là ne s’aiment pas, mais c’est leur intérêt de s’associer afin d’évoluer en équipe de France. Ce qui aurait été totalement impossible pour deux raisons : Guy n’aime pas évoluer dans la tension et le conflit latents. Et surtout, par mon caractère, si je suis en froid avec mon partenaire, impossible de donner mon meilleur.
Symbole de cette entente retrouvée, le docteur de l’équipe, Bernard Montalvan, nous a concocté une surprise : pournotre déjeuner d’avant-match, il a dressé une petite table, avec une nappe et une jolie vaisselle. Dans le cadre assez austère d’un vestiaire, nous avons droit à un vrai coin restaurant. D’habitude, on mange comme ça, en posant notre assiette sur un coin de la table de massage. Rien de très romantique. Cette mise en scène, assez décalée il faut bien le dire, est en même temps très touchante. À quelques minutes de disputer un double décisif en finale de la Coupe Davis, Fabrice et moi sommes attablés comme deux amoureux pour avaler notre plat de pâtes. Il ne manque que les bougies et les fleurs.
J’ai beau avoir accumulé de l’expérience en près de dix ans de carrière, j’ai beau avoir disputé deux finales de Grand Chelem, ce double de Melbourne est le moment de ma vie de joueur où j’ai été le plus impressionné. Si j’arrivais souvent à faire le vide pour ne pas entendre le bruit qui descend des tribunes, là, je suis complètement pris par l’ambiance, absolument magistrale. A-t-on déjà vu des supporters entonner leur hymne national, à tour de rôle, alors que les joueurs sont en train de s’échauffer ? J’en ai encore des frissons rien que d’y repenser.
Côté australien, Lleyton Hewitt et Patrick Rafter ont été préférés à Todd Woodbridge, numéro 1 mondial de la spécialité, et Wayne Arthurs. Un vrai coup de poker signé John Fitzgerald, le capitaine australien. Mais ça ne nous perturbe pas plus que ça. Mon début de match est catastrophique. Je n’arrive pas à chasser ma tension et je rate tout ce que j’entreprends. Je perds deux fois mon service et nous offrons le premier set aux Australiens.
Seule respiration : à la suite d’un lancer de balle raté, j’ai parodié Pat Rafter en lançant son célèbre “Sorry ‘mate” (“excuse-moi, partenaire”), ce qui a fait marrer l’assistance.
Fabrice, lui, est dans son match et, malgré mes défaillances, ne panique pas. Puis, alors qu’il demeure magnifique de constance, notamment à la relance, je vais progressivement réussir à hisser mon niveau de jeu. Le tournant de la partie se situe au troisième set, alors que nous sommes à une manche partout : à 4-5, 15-40, nous devons écarter deux balles de set. Deux volées sur le premier point, puis un retour de Hewitt dans le filet sur le deuxième nous tirent de ce mauvais pas. La route est désormais dégagée. Les Australiens ne nous reverrons plus et nous nous imposons en quatre manches.
Nous n’avons pas encore remporté cette finale mais cette victoire en double, ô combien capitale !, demeure un épisode extrêmement fort de ma carrière. Et je suis plus qu’heureux de l’avoir partagé avec Fabrice. L’Équipe a le mot juste en titrant : “Les complices de l’exploit”. Finalement, ce match nous a rapprochés, Fabrice et moi, à jamais. Qui l’eût cru ?
Après la défaite de Sébastien Grosjean, battu par Hewitt dans le premier match du dimanche, ce qui a permis à l’Australie de revenir à 2-2, j’ai aimé l’assurance de Nicolas Escudé avant d’entrer sur le court pour le cinquième match décisif. Et pourtant, en alignant Wayne Arthurs à la place de Rafter, les Australiens lui mettent une sacrée pression sur les épaules : d’outsider, le voilà favori. Lui qui avait tant rêvé jouer la finale de 1999 a rendez-vous avec l’histoire, avec son histoire. Il sera impeccable, clouant le bec de son adversaire et du central de Melbourne Park en quatre manches. Cinq ans après Malmö, à nous la Coupe Davis, la neuvième de l’histoire du tennis français. Nous sommes des héros du bout du monde !
Ce succès me comble encore plus que celui de Malmö, même si je n’ai oeuvré qu’en double. J’ai 32 ans, et pour reprendre une expression aussi usée qu’une vieille corde en boyau : j’en ai plus derrière que devant moi. Alors je savoure, parce que, après la déroute de Nice face à ces mêmes Australiens, ça rééquilibre les choses ; parce que la portée de cet exploit face à une grande nation du tennis et le numéro 1 mondial n’est pas neutre ; parce que le cadre et l’ambiance splendides de cette finale – même s’il a fallu jouer le toit fermé le dimanche – m’ont littéralement tourné la tête ; parce que l’on était loin d’être favoris. Je sais, ça va étonner, mais, d’une certaine manière, mon paradis tennistique, c’est à Melbourne, ce dimanche 2 décembre 2001, que je l’ai touché.”
Le tennis m’a sauvé, de Cédric Pioline et Christophe Thoreau, 256 pages, 18 euros, Editions de La Martinière. Parution le 2 mai.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité