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“Mettez tout sur ce gamin” : Le jour où Nike a pris tous les risques et tenté le pari Michael Jordan

ParLe Mag

Publié 19/08/2015 à 12:11 GMT+2

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Jordan 1984

Crédit: Le Mag

Michael Jordan était ce week-end à Paris où il célébrait les 30 ans de la première Air Jordan. Cette association, qui a fait la richesse du joueur et le bonheur de la firme Nike, n’aurait jamais pu voir le jour. Ce que raconte, entre autres, “Michael Jordan : The Life”, ouvrage de Roland Lazenby, dont nous nous sommes procurés les bonnes feuilles.
Extraits du chapitre 15
Jordan adorait tous les articles Adidas et plus particulièrement les chaussures parce qu’elles étaient prêtes à l’emploi dès qu’on les sortait de leur boîte. On n’avait pas besoin de les “casser” pour qu’elles soient opérationnelles. Il portait des Adidas à l’entraînement puis enfilaient consciencieusement les Converse pour les matches. Vaccaro (ndlr : cadre de Nike) vit que le charisme de Jordan allait lui donner une grande force en termes de marketing. Il voulait que Nike fasse signer un contrat à Jordan et conçoive une gamme de produits autour de lui. Vaccaro le fit savoir à Rob Strasser et à d’autres dirigeants de Nike lors d’une réunion en janvier 1984. À cette époque, Jordan était encore junior et il n’avait pas encore décidé de sauter son année senior.
Les cadres de la firme disposaient d’un budget de 2,5 millions de dollars pour les contrats de sponsoring de chaussures chez les pros et envisageaient de le répartir sur plusieurs jeunes joueurs, dont Charles Barkley, qui avait acquis une certaine notoriété grâce à son style de jeu et au charisme de sa personnalité excentrique, à Auburn, et Sam Bowie, qui serait drafté par Portland, si proche qu’il se trouvait pour ainsi dire sur le ” campus ” de Nike en Oregon. C’était cohérent de répartir le budget de Nike sur un panel de jeunes joueurs riches en devenir au sein de la draft très dense de 1984. “Ne faites pas ça, dit Vaccaro à Strasser. Mettez tout sur ce gamin. Mettez tout sur Jordan. ” Il s’est ensuite enflammé à propos de l’attractivité de Jordan, expliquant qu’il serait la figure emblématique qui porterait le marketing de la chaussure de sport à un tout autre niveau. Plus important : Vaccaro assura que Jordan était le meilleur joueur qu’il ait jamais vu. Jordan pouvait voler, dit-il à Strasser.
(…)
La première impression n’a pas été très bonne, de part et d’autre. Jordan trouvait que Vaccaro avait l’air louche. Vaccaro trouvait que Jordan était un enfant gâté. Cela lui apparut évident lorsque Michael, semblant ignorer la conversation à propos de la gamme de produits, lui demanda une voiture. “Si tu signes ce deal, tu pourras t’acheter toutes les voitures que tu voudras, lui dit Vaccaro. Je veux une voiture”, insista Jordan. “Michael était un vrai chieur, ajouta Vaccaro. D’abord, il ne calculait pas l’argent. Deuxio, c’était encore un gamin tout droit sorti de Caroline du Nord. Peu importe. Un contrat pour des chaussures ne voulait rien dire dans les années 1980. Donc, ça le laissait complètement indifférent. Il ne voulait pas venir chez nous. Il voulait signer chez Adidas. Dans les années 1980, Adidas avait les plus beaux survêts.”
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“Vous savez, Michael a ce sourire…”
Jordan posa la question de l’argent et Vaccaro lui répondit de ne pas s’inquiéter pour ça. Si le deal se concluait, Michael serait millionnaire. L’intérêt principal de Jordan restait la voiture. Vaccaro a fini par comprendre que si c’était une voiture qui allait faire venir Jordan, alors il devait lui en fournir une. “Nous te trouverons une voiture”, lui promit-il. Jordan sourit mais cela ne rassura pas pour autant Vaccaro. “Vous savez, Michael a ce sourire, dit-il. Il vous regarde. C’est un sourire énigmatique. Vous ne savez jamais ce qu’il signifie.”
Le lendemain de la victoire du Team USA pour la médaille d’or, Falk, Strasser et Vaccaro se sont réunis pour négocier le montant du contrat de Michael. Nike plaça tout son budget sur lui, un package de 2,5 millions de dollars sur 5 ans, avec un ensemble de garanties, un bonus à la signature et des annuités. Nike s’engagea également à s’investir pleinement pour promouvoir Air Jordan. En termes de contrat professionnel de chaussures de basket, c’était un accord sans précédent. Cela était dû au fait que Jordan toucherait 25% de royalties sur chaque paire d’Air Jordan vendue. En vérité, Falk aurait sans doute pu obtenir jusqu’à 50% de royalties pour Michael, confia Vaccaro en 2012. “David voulait plus de cash sur la table. En 1984, il n’y avait aucune garantie qu’une seule paire de ces chaussures se vende.”
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Cette montagne d’or était offerte à un Afro-Américain de 21 ans qui n’avait jamais joué une seule minute de basket professionnel. L’Amérique avait été témoin de l’émergence grandissante d’athlètes noirs élevés au rang d’icône, de Jackie Robinson à Willie Mays en passant par Bill Russell, Wilt Chamberlain, Jim Brown et Mohamed Ali. Ils s’étaient créé un destin à travers le défi de la lutte de la nation pour les droits civiques. À aucun moment, Madison Avenue n’avait envisagé que l’un de ces hommes soit un bon candidat en tant que pièce centrale d’une campagne comme celle que Nike prévoyait pour le jeune Michael Jordan.
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“Voici tes voitures, Michael”
Ces premières négociations avec Nike apporteraient à Michael Jordan les prémices d’un pouvoir économique qui changeait la vie. Toutefois, avant que cela n’arrive, les dirigeants de Nike et Deloris Jordan devaient encore persuader son grognon de fils que ce deal était dans son intérêt. Sa réponse immédiate fut de rester muet comme une tombe. Puis il regarda Vaccaro et lui renouvela sa demande d’une voiture. Vaccaro tira deux voitures miniatures de sa poche et les fit rouler sur la table, en direction de Michael. Des années plus tard, Vaccaro était sûr que l’une d’entre elles étaient une Lamborghini. “Voici tes voitures, Michael”, lui répondit-il. Il lui répéta que cet accord lui permettrait d’acheter toutes les voitures qu’il désirait.
En fait, Jordan allait être payé plus cher par l’entreprise de chaussures de sports que par les Bulls. Tout le monde dans la pièce avait le sourire, sauf Jordan lui-même. Phil Knight plaisanta en disant que la firme achetait des voitures à Jordan avant même qu’il n’ait donné son accord pour le deal. Puis le PDG s’excusa de devoir s’absenter. Vaccaro se rappela lui avoir dit “Michael, à un moment donné, tu dois faire confiance aux gens.”“À ce moment-là, par ces mots, je voulais lui dire – et il le savait : “Nous parions autant sur toi que tu paries sur nous.””
(…)
Les dirigeants de Nike ne le réalisaient pas à l’époque mais ils venaient de faire un premier pas irréversible en faisant de Michael Jordan un associé à part entière de l’entreprise. “Il est autant une image qu’il est un symbole“, dit David Falk à l’automne après avoir annoncé que Jordan avait signé des contrats avec Nike, Wilson Sporting Goods et la Chicagoland Chevrolet Dealerships Association. Le contrat Nike, en particulier, avait suscité une vague d’étonnement – et de ressentiment – dans le basket pro. Jordan lui-même l’avait ressenti avant d’avoir rencontré le moindre adversaire. Cependant, jeune comme il l’était, il n’avait aucune idée de ses proportions. “Je sais que tous les regards sont braqués sur moi, dit-il au moment de commencer sa saison de rookie, et certaines des choses que je fais me surprennent moi-même. Elles ne sont pas toujours planifiées. Elles arrivent, tout simplement.”
Pendant ce temps, Vaccaro se réjouissait de la réalisation proche de sa grande idée. “Nous aurions pu disparaître s’il avait échoué, dit-il avec le recul, trois décennies plus tard. Nous avions mis tout notre argent sur lui. Que se serait-il passé s’il avait été un joueur comme un autre ? Personne n’en savait rien à l’époque. Nous aurions été très mal. Je veux dire que je ne sais pas ce qui se serait passé. Mais je sais ce qui n’est pas arrivé. Il n’était pas un joueur comme un autre. Il était quelqu’un qui dépassait les frontières. Et qui a fait des millions de dollars.”
Michael Jordan : The Life – Robert Lazenby – Editions Talent Sport – 726 pages – 24 euros – Sortie le 17 juin
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