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Montana, l'oeil de lynx

Eurosport
ParEurosport

Publié 05/02/2010 à 10:00 GMT+1

Suite de notre rétrospective des grandes pages de l'histoire du Super Bowl, avec l'édition 1989. Un Super Bowl XXIII marqué par le talent de Joe Montana. Au terme d'un dernier drive d'anthologie, l'oeil de lynx du quarterback des 49ers allait avoir raison des Tigres du Bengale de Cincinnati.

Joe Montana est au football américain ce que Maradona est au football ou McEnroe au tennis. Un joueur de génie, dont la notoriété a largement transcendé le simple cadre de son sport. Même pour ceux qui sont hermétiques aux choses du foot US, son nom dit quelque chose. Montana, c'est évidemment un palmarès colossal. Quatre Superbowls disputés et tous remportés dans les années 80 avec San Francisco. Seul Terry Bradshaw a fait aussi bien avec Pittsburgh. Ce sont 15 années au plus haut niveau qui ont fait de lui la figure emblématique de la NFL moderne. Si Montana fascine autant, c'est probablement parce qu'il n'avait pas d'aptitudes physiques énormes. Il n'a jamais eu, par exemple, un bras colossal à la Dan Marino. Au sortir de l'Université, il ne fut d'ailleurs drafté qu'au troisième tour, ce qui peut sembler invraisemblable aujourd'hui.
La force de Joe Montana tient dans son exceptionnel mental, sa faculté à ne jamais céder sous la pression, sous le poids de l'évènement. Il était capable de jouer de la même manière un premier quart-temps en pré-saison qu'un drive décisif au Superbowl. D'où ce surnom de "Joe Cool" qui lui sied si bien. Jamais la star des 49ers n'a aussi bien justifié sa réputation que lors du Superbowl XXIII, en 1989. Le troisième des quatre glanés par la franchise californienne avec Montana à sa tête. Le seul, paradoxalement, qui n'a pas valu à ce dernier le titre de MVP de la grande finale, le jury lui préférant Jerry Rice. Mais c'est bien Montana qui demeure dans l'histoire comme l'homme clé de cette finale face à Cincinnati, grâce à un dernier drive d'anthologie. Un drive chirurgical. 11 actions simples, limpides, exécutées à la perfection, comme à l'entrainement. Le symbole ultime de la West Coast Offense de Bill Walsh et de la carrière de Montana.
Quand le temps joue pour Montana
Favoris de ce Superbowl malgré une saison régulière... irrégulière (10 victoires, 6 défaites alors que les Bengals avaient fini à 12-4), les 49ers se retrouvent pourtant en mauvaise posture à un peu plus de trois minutes de la fin après un field goal de 40 yards de Jim Breech, le kicker des Bengals. Jusqu'ici, l'attaque californienne a marché sur courant alternatif, à l'image de Montana plutôt erratique: 15 passes complétées sur 27 et 170 yards. A l'exception d'un drive lumineux en début de quatrième quart-temps (3 passes et à peine une minute pour remonter le terrain et égaliser à 13 partout), la star californienne n'a pas cassé la baraque. Cette fois, Frisco n'a plus le choix. C'est le drive de la dernière chance. "Nous étions, je crois, supérieurs à Cincinnati cette année-là et pourtant, à trois minutes du dénouement, nous étions derrière. Il fallait vraiment que nous passions la vitesse supérieure", admet Walsh. Mais il n'y a rien de plus particulier qu'un drive décisif au Super Bowl. Et aucun autre joueur n'est plus à même que Joe Montana de gérer pareil évènement.
Sam Wyche, le coach de Cincinnati, le sait pertinemment, lui qui durant trois années a été entraineur adjoint à San Francisco… en charge des quarterbacks. "Je me demande si nous n'avons pas laissé trop de temps au numéro 16" souffle-t-il à son coordinateur défensif après le field goal de Breech. Certes, les Bengals mènent de trois points, mais avec Montana disposant de plus de trois minutes devant lui, ils se savent en sursis. Ils ont raison d'avoir peur. A vrai dire, à ce moment précis, tout le monde a peur. Cincinnati a peur de Montana et les 49ers ont peur d'eux-mêmes, peurs de laisser filer ce match qu'ils savent à leur portée. "Il y avait beaucoup d'appréhension au début du drive, confirme le centre Randy Cross, d'autant que l'attente a été très longue à cause d'une page de pub interminable. Tout le monde était tendu. Je l'étais parce que c'était le dernier match de ma carrière. Je me souviens qu'Harris Barton était très nerveux… parce qu'il est toujours nerveux. Joe a senti cette nervosité. Lui était extrêmement calme et il a contribué à détendre tout le monde."
La diversion John Candy
Selon la légende, en arrivant dans le huddle, Joe Cool, au lieu de parler tactique, se tourne vers Barton. "Harris, regarde là-bas, ce ne serait pas John Candy assis au bord de la pelouse? " "Je me retourne, et à 5 bons mètres, j'aperçois effectivement Candy, raconte Barton. Tout le monde se demande ce qu'il fout là. Tout le monde s'est marré. Cela nous a permis de parler d'autre chose. Joe avait tout compris." John Candy, alors célèbre acteur de comédie, fan des 49ers, avait obtenu un passe pelouse, ticket extrêmement prisé le jour du Super Bowl. "Beaucoup de gens ne nous croient pas quand on raconte cette histoire, sourit Barton. C'est vrai qu'à un tel moment, ça peut sembler dingue de parler des personnalités présentes au bord du terrain plutôt que du match, mais c'était la grande force de Montana, ce détachement extrême qui ne l'empêchait pas de rester concentré sur son job. Cela en dit aussi très long sur l'acuité visuelle de ce type. Pas étonnant qu'il trouvait ses receveurs aussi facilement! "
Ses receveurs, Montana va les trouver comme à la parade tout au long de ce drive de 92 yards. En trois passes (8 yards pour Craig, 7 yards pour son tight end John Frank puis 7 autres pour Jerry Rice sur la droite), San Francisco se retrouve déjà sur ses propres 30 yards. Il reste alors deux minutes à jouer. Sur la touche, Wyche commence à se faire du mouron. "J'ai déjà vu cette scène, j'ai déjà vu cette scène", martèle-t-il. Une séquence immortalisée par le film officiel de la NFL. Montana n'en est effectivement pas à son coup d'essai. Depuis plus de dix ans, il s'est taillé une réputation de finisseur redoutable. Montana ou l'art de transformer des défaites probables en victoires certaines. A l'Université, sous le maillot de Notre-Dame, comme avec les 49ers, il a multiplié les retournements de situation. Alors, chaque séquence de ce drive final dessine une issue inéluctable. Chaque passe de Montana est indissociable des autres, donnant à l'ensemble une cohérence. En ce sens, le quarterback se rapproche du chef d'orchestre.
La géniale option Taylor
La symphonie montanienne se poursuit. Rice (17 yards) puis Craig (13 yards) captent deux ballons déterminants. San Francisco est maintenant à portée d'un field goal qui lui permettrait d'arracher la prolongation. Mais Frisco joue la gagne. Sauf que Montana est au bord de la syncope. Il fait chaud dans le Joe Robbie Stadium. La moiteur, ajoutée au bruit qui oblige le QB à hurler ses consignes pour se faire entendre et la vitesse à laquelle ce drive est mené prive le numéro 16 d'oxygène. Montana fait signe à Bill Walsh. Il veut un temps mort. Son coach lui fait non de la tête. Alors Joe Cool décide de lancer suffisamment haut son ballon pour que Jerry Rice ne puisse le capter. La balle sort. Passe incomplète. Le chrono s'arrête. Montana peut souffler. Sur le jeu suivant, une pénalité repousse les 49ers à 45 yards de l'en-but des Bengals. Il reste à peine plus d'une minute à jouer. C'est le tournant. Montana et Rice se connectent pour un gain de 27 yards. L'action clé de ce drive. Puis Craig est trouvé par son quarterback. Les Niners sont à 10 yards de la ligne et prennent leur deuxième temps mort. Il reste 39 secondes.
Les Tigres du Bengale, estourbis par les huit premières banderilles de Montana, ont la tête qui tourne. C'est l'heure de la mise à mort. Cincinnati met en place un plan anti-Rice. Le receveur vedette de San Francisco a déjà capté 11 passes pour 215 yards et un touchdown. Des stats hallucinantes. C'est sûr, Montana va jouer sur lui. Ou, à la rigueur, sur Craig (huit passes, 101 yards). John Taylor, lui, n'a pas effectué la moindre réception de la soirée. C'est justement pour cette raison que Walsh choisit de dessiner la prochaine action pour lui. La double couverture sur Rice laisse Tyalor face à un seul défenseur, un linebacker. Les leurres se multiplient sur le flanc droit. Après le snap, Montana jette un coup d'oeil vers Rice pour tromper son monde. Puis il se tourne vers sa gauche et ajuste sa passe pour Taylor. Touchdown. San Francisco s'impose 20 à 16. L'action est d'une simplicité et d'une limpidité sidérantes. Tout le génie de Montana est là. Pas de coups de pokers, de passer impossibles à la desperado. Juste l'art de réussir les choses les plus ordinaires dans un contexte extraordinaire.
Au terme de ce match, Joe Montana change de dimension. Certes, avec ses deux titres et sa glorieuse carrière, il était déjà considéré comme un très grand. Mais à 32 ans, sa carrière, perturbée par des blessures de plus en plus fréquentes, semblait sur la pente descendante. Beaucoup ne croyaient plus vraiment en lui et demandaient sa tête, lui préférant sa doublure, le gaucher Steve Young, de cinq ans son cadet. Au soir de la victoire contre Cincinnati, il n'y a plus d'anti-Montana. Comme les pauvres Bengals, qui ne se remettront jamais vraiment de cette défaite (ils n'ont plus gagné un seul match de playoffs depuis !), ils doivent se rendre devant le talent, le charisme et le sang-froid d'un joueur unique. "Ce drive, conclut Bill Walsh, lui a donné une forme d'immortalité. Il a créé la mystique Joe Montana. Je crois qu'à Miami, il est devenu un autre aux yeux du public. Mais lui avait juste l'impression d'avoir fait son job, comme n'importe quel autre jour."
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