Mercato : Au Borussia Dortmund, c’est le flou artistique

A Dortmund, la balance des paiements affiche un solde positif de plus de 30 millions depuis l’ouverture du mercato estival. Evidemment, les 37 millions d’euros liés à la vente de Mario Götze sont passés par là. Sauf que si la caisse est pleine à Dortmund, les joueurs en approche, eux, se font rares. Sans avoir la folie des grandeurs, "Il est l’or mon Seignor" de s’activer.

Ce que je craignais dans un billet précédent est en train d’arriver. Alors que la politique du Borussia Dortmund, ces dernières saisons, fut de se concentrer sur le centre de formation et de rechercher de jeunes talents à un prix encore abordable, cette stratégie a du plomb dans l’aile. La raison en est la suivante : le changement de standing du club de la Ruhr lié à la finale de la Ligue des champions.

De ce fait, les jeunes pousses ne trouvent plus le moyen de s’épanouir au BVB. Alors, comme prévu, Moritz Leitner a été prêté pour deux saisons au VfB Stuttgart. Julian Koch s’est envolé pour Mayence tandis que Daniel Ginczek va renforcer l’attaque du FC Nuremberg. Qui plus est, le transfert de Leonardo Bittencourt à Hanovre 96 n’est plus qu’une question d’heures. Il s’agit de quatre joueurs âgés de 19 à 22 ans qui ont déjà fréquenté les U21 allemands, un gage d’une certaine qualité made in Germany. Quant à Lasse Sobiech, lui aussi membre éminent des espoirs teutoniques, il se pose de légitimes questions à un an de la fin de son contrat. Enfin, Santana est passé chez l’ennemi de Schalke 04, tandis que l’ancien international allemand Owomoyela ne portera plus le Schwarz-gelb Trikot.

Depuis l’ouverture officielle du mercato, Dortmund ne peut s’enorgueillir que d’une seule arrivée. Celle du polyvalent défenseur international grec Sokratis, en provenance du Werder Brême, capable de jouer dans l’axe mais aussi d’être décalé à tribord. Un excellent choix soufflé à la barbe du Bayer Leverkusen lequel ne décolère pas. Le prix de 9,5 millions d’euros vaut son pesant d’or. Mais est-ce vraiment un renfort à partir du moment où l’arrière latéral droit Lukasz Piszczek est out jusqu’à la fin décembre 2013, suite à son opération de la hanche ? Non ! C’est juste, tout au plus, un remplacement poste pour poste. En aucun cas, Dortmund n’augmente la quantité ni la qualité de son banc, axiome de la nouvelle politique du président-délégué, Hans-Joachim Watzke.

Alors doit-on s’inquiéter de ne rien voir venir lorsque la préparation pour la nouvelle saison se rapproche dangereusement ? Surtout qu’à l’heure où j’écris cette bafouille, le meneur de jeu de l’Ajax d’Amsterdam, Christian Eriksen, est, selon les médias néerlandais, en route vers la Ruhr. L’international danois de 21 ans a, au passage, souvent clamé son désir de rejoindre le Verein allemand. Mais, encore une fois, ce transfert ne ferait que se substituer à celui de Götze. En aucun cas, on n’augmenterait la densité de l’effectif. Qui plus est, le directeur sportif des Schwarzgelben, Michael Zorc, "a été stupéfait par ce qu’il a lu"… On peut donc raisonnablement penser qu’Eriksen n’est pas encore à Dortmund.

Tout cela n’empêche pas le BVB de travailler en profondeur et surtout de conserver son effectif actuel. D’ailleurs, Watzke vient d’annoncer que la masse salariale augmentera de 40 % l’exercice prochain passant de près de 50 millions d’euros à un peu moins de 70 millions. Un chiffre, on peut le supposer, qui ne prend pas en compte les primes diverses mais reflète, bien entendu, le nouveau statut des Borussen. Et, in fine, c’est plutôt un bon signe. Car, finalement, excepté le prodige Mario Götze, aucun joueur du noyau n’est parti. La charnière centrale Subotic-Hummels va rester, tout comme Gündogan dont la prolongation va bientôt être confirmée après le retour de vacances de ce dernier.

La problématique interne réglée, reste l’extérieur et c’est là que le bât blesse. "Nous recevons des propositions ahurissantes", affirme Watzke. En résumé, les joueurs pistés par le Borussia Dortmund prennent subitement de la valeur. Une conséquence des recettes issues du parcours en Ligue des champions, du transfert de Götze, et des parutions économiques d’un club en pleine santé financière. Un petit exemple ? Depuis quelque temps, le très prometteur international brésilien Bernard, 20 ans, est mis en relation avec le BVB. Et, alors que circulait la somme déjà rondelette de 10 millions d’euros afin de s’attacher les services du chétif ailier auriverde, il se murmure que l’Atletico Mineiro, l’employeur, vient de doubler la somme.

Le cas Lewandowski empoisonne l’existence du club de la Ruhr, c’est un fait. Et même si le président Watzke a sifflé la fin de la récré, les rapports entre l’international polonais et son Verein se sont durablement dégradés. Je passe sur les différentes péripéties des derniers jours, notamment un supposé document signé par les responsables du Borussia dont s’est fait l’écho le Stuttgarter Zeitung. Une rumeur rapidement dégonflée par la direction dortmundienne.

Donc résumons l’affaire. Robert Lewandowski souhaite partir au Bayern Munich. Jusqu’à maintenant on suit. Soit en 2013 ou en 2014 au plus tard. Cela passe encore. Puis tout s’emballe… A tour de rôle les agents du Polonais demandent de libérer l’attaquant, toujours pour la destination bavaroise. L’attaquant, lui-même, refuse des appels du pied d’autres clubs huppés et se focalise encore et toujours sur le FC Bayern. Enfin,  le frère d’Uli Hoeness, Dieter, annonce sur un plateau télé, qu’une offre a été transmise à Watzke tandis que le Borussia Dortmund affirme, depuis le début, qu’il n’y a aucune proposition écrite et que le joueur restera donc en Westphalie.

Qui croire ? Une information importante me semble de nature à éclaircir le mystère. Le Borussia Dortmund est un club coté en bourse. Il a donc l’obligation d’informer ses actionnaires en cas d’offre officielle pour un joueur sous peine de risquer le délit d’initié et donc en conséquence une manipulation possible du cours de l’action. Si l’on estime que le danger juridique encouru par la direction est trop grand, c’est donc qu’il n’y a pas de proposition de la part du club bavarois. Il existe des appels téléphoniques entre les deux Vereine, mais sans matérialisation. Alors pourquoi les agents du Torjäger s’obstinent-ils à vouloir faire partir dès cet été leur poulain ? A moins qu’ils ne soient, eux-mêmes, persuadés qu’il y a une offre ! A qui profite le crime ? Et qui manipule qui ? Dans mon esprit, c’est très clair. Dortmund doit se dépatouiller avec cette affaire, perdre du temps à trouver un potentiel successeur. Lewandowski a été très mal conseillé et a perdu beaucoup de sa crédibilité auprès du public et des médias notamment. Et le grand gagnant est…

Surtout si, comme il se dit, Karl-Heinz Rummenigge a appelé les agents du joueur pour les réconforter et confirmer que l’attaquant sera un membre de l’effectif munichois…en 2014. La saignée attendue n’a pas eu lieu. On peut même penser que la menace intérieure, malgré la fuite des talents, s’est éloignée. Mais à la même époque, il y a un an tout juste, le successeur de Shinji Kagawa parti à Manchester United était déjà connu de tous, Marco Reus. Aujourd’hui le groupe compétitif ne comporte qu’une quinzaine de membres tout au plus. Le compte à rebours a commencé sur un air d'Ennio Morricone.