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Séville 82 quand l'equipe d'Allemagne de football se trouvait affreuse, ne s'aimait pas

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 05/11/2012 à 18:45 GMT+1

Souvenir d'enfance : il paraît que certaines dates sont cruciales et que chacun sait où il se trouvait lors d'événements frappants. C'est le cas de ce 8 juillet 1982

FOOTBALL 1982 France-Allemagne (Platini et Kaltz)

Crédit: Imago

Souvenir d'enfance : il paraît que certaines dates sont cruciales et que chacun sait où il se trouvait lors d'événements frappants. C'est le cas de ce 8 juillet 1982. J'ai 11 printemps lors de la demi-finale en Espagne. Je suis attablé dans un troquet du Var. Pas de télévision en vacances comme beaucoup de familles françaises à l'époque. J'ai réussi à me faire une toute petite place. L'année précédente, en 1981, j'ai eu le droit avec une association de mon collège, à découvrir le Parc des Princes, un certain France/Pays-Bas et le coup franc de Michel Platini. Je comprendrai plus tard toute l'importance de cette rencontre pour la qualification. En 1986, alors que le football allemand prend de plus en plus de poids dans le champ de mes réflexions, je vis l'autre demi finale dans le même café, au même endroit. Je n'y retournerai plus jamais.
Je n'ai jamais compris cette frénésie au sujet de 82 par rapport à 86. L'irrationnel prédomine alors qu'au Mexique, les Bleus tiennent tête à la superbe équipe soviétique de Belanov, battent les Italiens champions du monde en titre, éliminent lors d'un match dantesque le Brésil de Socrates, avant de s'incliner, épuisés, contre une RFA toujours plus physique. L'épopée de 1982 ne peut s'analyser qu'à l'aune de l'irrationnel. Tout l'inverse de la Realpolitik germanique, laquelle a déjà connu ses tristes soirées, en 1970 contre l'Italie.
Breitner : "Nous ne sommes pas là pour jouer au football, mais pour être champions du monde"
Je relativise immédiatement la phrase susmentionnée de mon idole de jeunesse surtout lorsque l'on se remémore la prestation de l'"Afro" à Séville. Breitner est en position de meneur de jeu alors qu'il occupe tous les postes de la défense ou milieu relayeur la grande partie de sa carrière. Cela vous cadre le niveau du bonhomme et pour les plus jeunes qui voudraient comprendre le football allemand des années 70 et 80, je ne peux que leur conseiller de regarder, à nouveau, cette rencontre du 8 juillet 1982.
Mais tentons de disséquer ce que veut nous signaler le grand Paul. Ce dernier affirme tout simplement que la victoire est plus importante que le spectaculaire, que les sentiments doivent être laissés au vestiaire. La Nationalmannschaft rafle tout, championne d'Europe en titre, il lui a suffit d'un seul échec, le Mundial 78 en Argentine, pour oublier la génération Beckenbauer et de nouveau triompher. Le football allemand est tellement puissant qu'il peut se permettre de gagner sans la participation de ses stars comme Schuster ou Breitner, lesquels quitteront la sélection nationale, définitivement pour le premier nommé, de 1976 à 1981 pour le second.
Le pragmatisme est de rigueur et tout est permis tant que la victoire est au bout. Felix Magath, brillant maître tacticien du Hamburger Sport Verein se retrouve exilé sur le coté gauche en NM. Il sera le plus mauvais joueur de la rencontre. Et qui se rappelle que le Nationalelf débute la demi-finale contre la France avec huit professionnels à vocation défensive. Seuls Fischer, Littbarski et donc Magath sont des joueurs offensifs. A l'inverse, le onze tricolore s'appuie sur Rocheteau, Six, Platini, Giresse et Genghini. Avec Tigana en n°6, l'EDF est d'un modernisme fabuleux.
Derwall : sanctionné en…1984
Le comportement des professionnels allemands est loin d'être irréprochable en Espagne. Entre les beuveries d'après matches, les parties de poker où des sommes astronomiques sont en jeu, la lutte des ego et les traditionnelles tensions entre professionnels de différents clubs (FC Bayern contre FC Köln par exemple), la presse germanique tire le signal d'alarme. Rien n'y fait et sur le terrain l'arrangement entre l'Allemagne et l'Autriche au détriment de l'équipe d'Algérie, finit de discréditer la Nationalmannschaft aux yeux du monde mais aussi sur son propre territoire. L'ancien international Willi Schulz traite les joueurs de "gangsters" tandis que le mot "Schande" (honte) orne les titres des grands quotidiens ouest-allemands. Comme seule réponse les mots du sélectionné Dremmler sont éloquents : "ce n'est pas mon boulot de m'occuper du prestige du football allemand. Je suis un professionnel !" Seules la victoire et la qualification comptent. La méthode et les moyens passent bien après.
Il se développe alors un sentiment de rejet de cette sélection, notamment au pays, chez les intellectuels et les journalistes. Malheureusement l'image de cette Nationalmannschaft se dégrade et la DFB, la fédération allemande, ne prend pas les sanctions nécessaires : la RFA se qualifie pour la finale et le leitmotiv est toujours le suivant : il faut gagner ! Et garder la face. Aussi, le Bundestrainer Derwall ne sera congédié que deux ans plus tard, lors de l'élimination en poule à l'Euro 84…en France. Officiellement pour le manque de résultat. Officieusement, tout le monde sait très bien qu'il paie les débordements de 1982. Et puis il y a le "monstre de Séville"…
Schumacher : "J'étais devenu la cible d'une nouvelle forme de racisme anti-allemand, qui trouvait son humus sur le propre sol national"
Karl-Heinz Rummenigge a beau, selon ses dires, "respecter les Français", il n'a pas toujours tenu le même discours. Et plutôt que de m'arrêter sur une sempiternelle lecture du double ballon d'or allemand, je préfère me souvenir de son entrée en jeu, des poches de glaçons sur son muscle blessé, de son but qui fait si mal aux Bleus. Encore une fois, il y a de la qualité en équipe d'Allemagne, loin des clichés qu'on veut bien véhiculer. Mais lorsqu'il accable Toni Schumacher dans le dernier France Football paru le 6 juillet 2012 en déclarant : "30 ans après, je tiens encore à m'excuser que notre gardien de but ait eu une telle attitude", je m'empresse de rajouter, chers lecteurs, qu'il faut remettre dans le contexte de l'époque cette phrase. Ce qui nous rassure en tant que Français a peut-être une autre connotation de l'autre côté du Rhin…les luttes intestines en sélection, l'opposition entre Cologne et Munich…entre "Toni" et "Kalle".
La collusion entre Battiston et le gardien de la sélection allemande aurait bien entendu dû être sanctionnée par une expulsion mais je rejette plutôt la faute sur l'arbitre, monsieur Corver, l'un des meilleurs arbitres de l'époque pourtant très mauvais ce soir là. Je ne suis pas un défenseur de l'ancien portier de Cologne mais je tente ici d'expliciter et surtout d'analyser les conséquences médiatiques de son geste. Je rappelle qu'au sortir de cette demi-finale extraordinaire de stress et de tension contre la France, un journaliste allemand, dans les couloirs, le tance : "Tu sais que Battiston a perdu deux dents ?". Toni qui est encore dans la bulle liée à sa performance réplique : "Si ce n'est que cela, je suis prêt à lui payer deux couronnes".
De cette phrase la presse internationale se délecta. Le "sale boche" était de retour. Dans le contexte socio politique de l'époque, la RFA redevient un partenaire riche. Le Wirtschaftswunder, le miracle économique, est en marche. L'arrogance présumée de Schumacher passe pour une provocation. Certains écrivains français préfèrent louer l'autre Allemagne, celle de l'est, la RDA...ce système totalitaire. Remember ! Nous sommes en 1982, la gauche est pour la première fois au pouvoir depuis 1945. Schumacher fut considéré comme un pestiféré surtout dans son pays, il reçut des menaces de mort et, comme de bien entendu, les politiciens récupérèrent l'affaire. L'image de la nouvelle Allemagne était écornée.
La morale de cette histoire, s'il y en a une, c'est que l'empathie mondiale qui a entouré l'équipe de France, vaincue injuste de l'"ugly Germany", aura montré, outre-Rhin, que la victoire n'était pas tout. Trente ans plus tard, les Allemands ne gagnent plus mais ils jouent bien selon la doctrine officielle : ils sont devenus de placides loosers, bien dociles. Cela leur fait une belle jambe. A nous aussi.
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