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Entre bons coups et dépendance, les nouvelles liaisons entre le football portugais et l'Afrique

Nicolas Vilas

Mis à jour 22/01/2015 à 12:26 GMT+1

La CAN concerne et intéresse plusieurs clubs de Liga. L’Afrique est un marché qui compte pour les Portugais. Une liaison ancienne qui a beaucoup évolué et vire parfois à la dépendance.

Yacine Brahimi avec le FC Porto

Crédit: AFP

L’éternel Eusébio, qui est parti rejoindre d’autres dieux il y a un an, en était l’une des incarnations les plus symboliques : le Portugal et l’Afrique ont une histoire croisée. Une aventure devenue une passion destructrice et dévorante. La déchirure a laissé place aux réconciliations. Le ballon a (re)bondi au rythme de ces secousses. Et il demeure un lien. Pas seulement celui entre l’ancien empire portugais et ses anciennes colonies.
Ils sont 15 joueurs de la Liga portugaise à être partis pour la CAN 2015. C’est trois de moins qu’il y a deux ans, mais, cette année, l’épreuve présente une particularité : c’est la première fois qu’autant de non-lusophones (de langue portugaise) du championnat lusitanien alimentent une édition de cette compétition. Ils sont huit, Algériens (Brahimi, Slimani), Camerounais (Aboubakar, Salli), Congolais (Oualembo), Gabonais (Junior Randal Oto Zué), Guinéen (Boubacar Fofana), Equato-Guinéen (Balboa), à accompagner les sept Cap-Verdiens. Les clubs portugais se tournent de plus en plus vers le vaste marché africain. Des rapports qui peuvent prendre plusieurs tournures…

Les nouveaux marchés : du Maroc à l’Egypte

A quelques semaines de s’envoler pour la CAN, Yacine Brahimi était déjà sur un nuage. Ses performances de 2014 avec le FC Porto et Grenade lui valent déjà pas mal de distinctions et récompenses. Certains – y compris l’intéressé – voient du Madjer en lui. Le talent (et le talon) de Rabah avait conforté les Portugais a misé sur les talents du Maghreb. Le "futebol" a valorisé des Naybet, Hajry, Saber, Hassan, Ziad, Hadji, Médane, Menad, Benachour, Ghilas, Chippo, Yebda, Soudani, Halliche, Slimani… Et les clubs de Liga ne s’intéressent pas juste aux internationaux maghrébins mais aussi, de plus en plus, à leur championnat. N’Diaye (aujourd’hui à Troyes), Binya, Mamadou Tall, Maazou viennent de là-bas. Les équipes portugaises tissent des liens avec les institutions locales. Après l’Ittihad de Tanger en 2008, Porto s’est accolé aux jeunes du Paradou, au Sporting du Raja. Les gouvernements du Portugal et de l’Algérie ont signé un mémorandum, fin 2013, visant à renforcer les relations dans le domaine de la jeunesse et des sports entre les deux pays.
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Moussa Maazou contre FC Porto 02-03-2014

Crédit: AFP

Avec dix représentants en début de saison, l’Egypte est l’un des premiers fournisseurs de la Liga portugaise en 2014-2015. Les perfs du jeune (21 ans) et déjà international A Hassan au Rio Ave depuis 2011 ont donné des idées aux recruteurs portugais. Aussi bien par son équipe nationale (7 fois vainqueur de la CAN), que par ses clubs (14 victoires en C1), l’Egypte possède le plus gros palmarès de tout le continent africain. Et pourtant, beaucoup continuent de snober son football et ses footballeurs. Pas les Portugais. Abdel Ghany a initié la tradition en 1988 avec le Beira-Mar, puis ce fut au tour de Sabry (Benfica, Maritimo et Estrela da Amadora). Mais c’est aujourd’hui qu’advient le temps des "Pharaons". Hassan a été rejoint par Marwan Mohsen, Hossam Hassan (Gil Vicente), Ibrahim (Maritimo) ; le Sporting a embauché Shikabala et Rabia et en a empoché 350 000 euros lors d’une tournée réalisée en août à Alexandrie ; le Nacional lui a misé sur un carré : Ghazal, Ezzat, Gomaa, Fathy et a signé un protocole (pourtant sur la formation) avec un club local (Arab Contractos). Le club de Madère a carrément fait le buzz en Egypte fin décembre. L’une des présentatrices du JT d’une chaîne publique s’est pointée en plateau avec le maillot rayé que CR7 a porté, gamin.

Un vivier de formation

Les clubs portugais ne possèdent plus seulement une soixantaine de filiales et autres délégations sur le continent africain. Les Portugais se lancent maintenant dans la construction d’académies sur place. Les règlementations sur les transferts de joueurs mineurs ont incité les institutions lusitaniennes à s’installer sur place. En décembre, le Sporting a annoncé la construction prochaine d’une académie en Angola. Plusieurs projets similaires en Afrique du Sud et en Angola déjà, avaient été annoncés, ces dernières années. Sans suite. Quelques jours plus tôt, le club lisboète avait officialisé la signature d’un partenariat avec la Cano Sport Academy, en Guinée-Equatoriale. Le FC Porto qui a tissé des liens avec le Clube Ferroviário au Mozambique en 2013, vient de se rapprocher de la fédé angolaise (comme l’avait fait le Sporting en 2011). Pinto da Costa a aussi manifesté son envie de créer un centre de formation à São Tomé e Principe. L’Angolais Mantorras a inauguré il y a quelques mois une école Benfica dans son pays, à Sumbe. Les Aigles en lien avec le Gabon ont encore un partenariat avec le Jomo Cosmos (Afrique du Sud).
Même les moins grands s’y mettent. Guimarães collabore avec le Al Ahly Mistari (Lybie), Braga qui vient de faire signer Geraldo dans le cadre d’un partenariat réalisé avec le Desportivo Maputo (Mozambique), s’est aussi rattaché au Bravos de Maquis (Angola) et avait aussi pour ambition le lancement d’un centre de formation en Afrique du Sud, le Belenenses s’est rapproché de Luanda, Setubal du Vasco da Gama de Cape Town. Et puis, il y a des projets "sans étiquette". En 2008, l’Etoile Lusitana naissait au Sénégal. Un projet parrainé par José Mourinho qui n’allait pas tarder à briller. Basé à Dakar, le club recrute certains des meilleurs jeunes du pays et les plus talentueux (ou chanceux) évoluent dans de grands championnats.

De nouveaux partenaires

Depuis début décembre, près de 30% des parts de la société sportive du Sporting sont entre les mains de la Holdimo. Le groupe angolais a été propriétaire un temps d’une partie des droits d’une bonne vingtaine d’athlètes des Lions. Le crédit de cette entité sur le SCP s’est depuis transformé en actions. Les grosses fortunes et sociétés angolaises profitent de la crise économique et financière du Portugal pour y investir. La chute du cours de pétrole - qui les concerne grandement - les pousse à diversifier leurs activités. Les business d’Isabel dos Santos, la fille du président de la République de l’Angola, est proche des 2 milliards d’euros rien qu’au Portugal. Elle a ainsi injecté des millions dans les secteurs des télécoms, de l’énergie, de l’immobilier, de la banque… Le Banco BIC (qu’elle détient à 42%) est sponsor de six clubs de la Liga (Arouca, Guimarães, Estoril, Braga, Paços, Penafiel) ou encore de la sélection portugaise de futsal. Ses ramifications dans le secteur bancaire renforcent son influence sur les puissances du foot portugais.
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Mateus, pendant la CAN 2013 avec l'Angola

Crédit: AFP

Les dirigeants lusitaniens se disputent aujourd’hui les investisseurs étrangers et notamment ceux qui sont installés en Afrique. Pour soulager ses soucis de trésorerie, le Vitoria de Guimarães a accepté de s’ouvrir à un homme d’affaires basé en Afrique du Sud. Mário Ferreira, nouvel actionnaire majoritaire de la SAD vimaranense, a confié qu’il avait accepté de se lancer "pour se distraire". Des motivations pas toujours bien reçues par les socios portugais. La dépendance des Portugais vis-à-vis de certains de leurs anciens territoires engendre des fantasmes, voire des réticences.
En 2010, le général Bento Kangamba désirait investir le Belenenses. Mais les nouveaux dirigeants ont recalé les projets du neveu du président Eduardo dos Santos. "Ils n’ont pas été honnêtes", a déploré à Sapo celui qui sera poursuivi pour trafics de femmes et blanchiment d’argent. L’Angola ne dépend plus du Portugal. Y compris footballistiquement. Lors de la CAN 2013, Mateus était le seul salarié de la Liga à défendre les Palancas Negras. Ils étaient huit en 2008. Le Girabola parvient maintenant à garder ses meilleurs joueurs, à attirer les binationaux (Fredy) mais aussi certains grands noms (Rivaldo, Mputu, Meyong, João Tomás) que même certains Portugais ne peuvent pas se payer… Comme souvent, l’argent demeure un lien fort. Et il ne connait pas les frontières.
Nicolas VILAS : Commentateur du foot portugais sur Ma Chaine Sport, Nicolas Vilas ne manque pas de promouvoir "sa" Liga sur les ondes de RMC. Débats, analyses, interviews, il vit sa passion pour le "futebol" avec le sourire. Et tente, autant que possible, de le transmettre...
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