Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Coupe du monde 2014 : Le meilleur homme du Brésil, c'était le douzième

Laurent Vergne

Mis à jour 13/06/2014 à 14:34 GMT+2

Si le Brésil a bredouillé son football jeudi contre la Croatie, son public, exemplaire dans sa ferveur, a joué à fond son rôle dans la foulée d'un inoubliable hymne a capella. La Seleçao n'est pas seule.

World Cup

Crédit: Eurosport

Arena Corinthians. Jeudi soir, 19h15. Le premier des 64 matches de la Coupe du monde 2014 s'est achevé il y a 20 minutes à peine. Le public s'éloigne laborieusement de l'arène, par une voie trop étroite pour une telle affluence. Au cœur de cet embouteillage piétonnier, un supporter croate, aux épaules larges comme l'Adriatique, rumine sa rancœur. Se tournant vers un des policiers qui forme le cordon de sécurité, il assène un "FIFA, mafia. FIFA, mafia", avec la même énergie que si son interlocuteur était Sepp Blatter en personne.
Mais la complainte croate, aussi légitime soit-elle, s'apparente alors à un hurlement venu du cosmos. Dans l'espace, c'est bien connu, personne ne vous entend crier. Pas même après un coup de sifflet douteux. Jeudi soir non plus à Sao Paulo, il ne servait à rien de s'égosiller, pour peu que le gosier soit à damier rouge et blanc. La foule jaune et verte, tellement plus nombreuse et tout à sa joie, n'entend que son bonheur du moment. Et contrairement à son équipe, elle n'a pas volé sa victoire, elle. Le meilleur homme de la Seleçao, à Itaquera, c'était bien le 12e.
picture

Le banc brésilien et leurs supporters lors du match d'ouverture du Mondial 2013

Crédit: AFP

Deux chants, un pour Neymar, un pour Dilma
C'est aussi lui qui a livré le plus long match. Dès 11h du matin, soit à six heures du coup d'envoi et à trois de l'ouverture des portes, les Brésiliens étaient déjà plusieurs milliers à se masser au pied de la butte sur laquelle se dresse l'Arena Corinthians. Plus tard, sur les coups de 17 heures, c'est ce public qui a offert le premier très grand moment de ce Mondial, avant même le coup d'envoi du match d'ouverture. "L'Hino Nacionalo Brasileiro" a viré au chef-d'œuvre lorsque, une fois la musique terminée, le peuple d'Itaquera, presque en transe, a continué a capella pendant une trentaine de secondes.
A vous dresser les poils. Ils étaient 60000, mais ils chantaient pour 200 millions. A cet instant, la colère, la grogne, la frustration et le ressentiment paraissaient si loin. Le Brésil semblait alors enfin s'approprier cet évènement face auquel il éprouve des sentiments si contradictoires. Là, ce n'était plus la "Coupe du monde de la FIFA". C'était le Mundial do Brazil. Enfin.
N'allez pourtant pas croire que ce public serait une sorte d'ilot joyeux perdu au milieu d'un océan de colère. Ceux qui étaient là ont aussi joué les porte-paroles. Deux noms ont été scandés par le public jeudi soir : celui de Neymar et celui de Dilma Roussef. Mais, pour manier l'euphémisme, si la voix portait autant pour l'une que pour l'autre, le refrain n'était pas tout à fait le même. La présidente du Brésil, sur qui convergent les critiques concernant la gestion de l'argent publique dans l'organisation du Mondial, n'a pas été ménagée.
Avant le match, d'abord, histoire de se chauffer les cordes vocales, le public a entonné un "Dilma, va te faire…" qui a semblé ne jamais devoir finir. Puis, après le penalty transformé par Neymar pour donner enfin l'avantage à la Seleçao en seconde période, l'infortunée présidente a eu le malheur de voir son visage apparaitre sur les écrans géants du stade, à l'occasion d'un ralenti. Sa joie faisait plaisir à voir, mais elle n'a pas été communicative. D'abord une bronca, puis la reprise de la chanson. Avec les mêmes paroles. Tout un symbole : en l'espace de 60 secondes, la foule avait donc hurlé sa joie et son amour à sa Seleçao, puis sa colère envers son gouvernement. Un pas de deux subtil qui risque fort de perdurer dans les semaines à venir. Le message est clair : tous derrière notre équipe, mais on n'oubliera rien.
L'hommage de Felipao
Dans cette première étreinte rendue crispante par l'ouverture du score croate, les supporters auriverde ont bien sûr eu leurs moments de doutes, mais ils ont tout fait pour ne pas les communiquer à leurs joueurs. Chanter, pour ne pas penser au pire. Ils ont poussé, inlassablement. Comme après ce coup du sort initial. Luiz Felipe Scolari n'a pas manqué de le noter et de leur rendre hommage. "Le fait de ne pas avoir trop gambergé après le but marqué contre son camp par Marcelo, on le doit au public, a estimé Felipao. C'était incroyable tout ce soutien qu'on a reçu. Nos supporters ont été grands."
Le Brésil ne sera pas champion du monde sans cette communion. Scolari le sait. Ses joueurs le savent. Le public le sait. En quittant l'Arena Corinthians dans une ambiance notablement bon enfant (en arrivant au métro, un Croate et un Brésilien ont même échangé leur maillot avant de se serrer dans les bras l'un de l'autre sous les vivats de la foule), la marée jaune et verte était plus soulagée qu'euphorique. Elle n'était surtout pas dupe. "Les joueurs avaient peur ce soir, ça se sentait. Il faudra qu'ils se libèrent, nous a glissé un supporter. J'espère que la victoire va leur permettre de montrer un autre visage." Le peuple d'Itaquera, lui, a montré le sien. Celui de Fortaleza, celui de Brasilia en feront autant. Prêts à porter leur Seleçao. A elle, maintenant, de se montrer digne de son formidable 12e homme.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité