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Mondial - Un coeur de jeu dense et des latéraux actifs : comment faire exploser une Roja friable

Florent Toniutti

Mis à jour 20/06/2014 à 19:33 GMT+2

Avec chacun un système à trois défenseurs, le Chili et les Pays-Bas ont appliqué des recettes similaires pour mettre l'Espagne au pas. Étouffée dans l'entrejeu, débordée sur les côtés, battue dans l'axe, la Roja est apparue sans solutions une fois son plan de jeu initial renversé.

Espagne Chili Sergio Ramos

Crédit: Panoramic

Co-auteurs de l'une des plus grandes surprises de l'histoire de la Coupe du Monde, les Pays-Bas et le Chili partageaient quasiment le même système de jeu au moment de faire face au tenant du titre espagnol : trois défenseurs centraux, deux attaquants, deux latéraux et trois milieux de terrain. La différence entre les deux formations tenait dans l'articulation du milieu de terrain. Les Oranje avaient installé deux joueurs (De Guzman et De Jong) pour protéger la défense ; le Chili s'appuyait lui sur le seul Diaz afin de permettre à Vidal et Aranguiz de sortir au pressing. Au-delà de ces "détails", il faut surtout retenir que la Roja s'est cassé les dents sur deux systèmes ayant pour base trois défenseurs centraux.

Couper les solutions dans l'entrejeu

Premiers adversaires des Espagnols, les Pays-Bas ont souffert pendant une grosse demi-heure mais ont eu le mérite de persister sur un chemin qui s'est finalement révélé le bon. Derrière Robben et Van Persie, peu actifs au pressing, Sneijder, De Jong et De Guzman ont abattu un travail énorme pour contrer les trois milieux espagnols, en l'occurrence Busquets, Xavi et Xabi Alonso. Les Néerlandais répondaient à tous les déplacements de leurs homologues, de manière à être toujours devant eux lorsque ces derniers se retrouvaient dans le sens du jeu.
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David Silva manque l'occasion de donner le break à l'Espagne face aux Pays-Bas. Le début du cauchemar pour la Roja.

Crédit: AFP

Les décrochages de Xavi les amenaient parfois à abandonner leur défense et à laisser des espaces entre les lignes. C'était alors aux deux stoppeurs d'entrer en scène : De Vrij et Martins Indi sortaient en effet hors de la défense à cinq dès qu'Iniesta ou Silva quittaient leurs ailes respectives pour tenter de créer le surnombre dans l'entrejeu. Dans l'axe, Vlaar restait au contact de Diego Costa, et devait réorganiser sa défense "en direct" au gré des sorties de ses partenaires. Les Pays-Bas ont parfois frôlé la correctionnelle, laissant d'énormes espaces autour de leur libéro. Mais à partir du moment où les passeurs espagnols n'avaient pas la possibilité de donner le ballon dans ces intervalles, ils ne pouvaient les exploiter pour alerter Diego Costa ou Silva. En revanche, dès que le pressing néerlandais se relâchait, la sanction n'était pas loin (penalty obtenu par Diego Costa, occasion de Silva juste avant l'égalisation de Robben).
Rapidement menée au score après la pause, la Roja a ensuite perdu le contrôle du milieu de terrain suite à la sortie de Xabi Alonso. La Roja s'est retrouvée déséquilibrée, en infériorité numérique dans l'entrejeu (deux contre trois), et a commencé à perdre des ballons dans cette zone, permettant aux Pays-Bas d'utiliser la vitesse de Robben en contre-attaque. Un second acte catastrophique qui a certainement poussé Del Bosque à conserver Xabi Alonso dans son onze de départ pour la rencontre face au Chili. L'Espagne a abordé ce second match dans un 4-2-3-1 plus classique, Silva - troisième milieu axial - évoluant beaucoup plus haut que Xavi.

Les plans secondaires de l'Espagne n'ont rien changé

La Roja a un peu changé mais le Chili a retenu de la première sortie des Espagnols que le plus important était de bloquer la relance de son adversaire. Malgré le danger que pouvait représenter Silva sur le papier, les Chiliens ont mis constamment la pression sur Busquets et Xabi Alonso. Derrière Sanchez et Edu Vargas, qui se chargeaient de gêner Ramos et Javi Martinez, Vidal et Aranguiz sortaient très haut sur les milieux adverses. Grâce à ce quatuor, le Chili a complètement bloqué le jeu espagnol dans un premier temps.
La Roja s'est alors heurté à l'inefficacité de ses second et troisième plans. En pointe, Diego Costa n'a eu aucun poids dans les airs et ne pouvait donc pas faire office de point d'appui à la retombée de longs ballons repartant de Casillas. De la même façon, les ballons remontés par les côtés (Azpilicueta, Alba) ne trouvaient pas preneurs dans le cœur du jeu : à peine remis d'une blessure à la cheville, Silva a clairement manqué de vivacité, hésitant dans ses contrôles de balle et ralentissant le jeu dans une zone où les Espagnols avaient absolument besoin d'accélérer pour éviter le repli à grande vitesse des Chiliens. Seul Iniesta a pu dépasser le milieu adverse en fin de première période... jusqu'à ce que Sampaoli demande à sa défense d'avancer afin de le stopper dès la prise de balle.
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Andrés Iniesta en pleine action avec l'équipe d'Espagne

Crédit: Getty Images

Sur ces deux matchs, le Chili et les Pays-Bas ont donc réussi ce que personne n'avait fait jusqu'ici : arrêter l'Espagne dès le rond central, ou tout du moins la ralentir et la forcer à jouer différemment. Lors de l'Euro 2012, pour son entrée en lice, la Roja avait déjà été gênée par un 3-5-2 : celui de l'Italie de Cesare Prandelli (1-1). Mais ce jour-là, le système mis en place par le sélectionneur italien avait surtout permis à son équipe de résister aux vagues adverses dans sa propre moitié de terrain. Il faut dire qu'à l'époque, l'Espagne n'était pas la même : son pressing et sa défense étaient aussi plus efficaces que durant ce mois de juin.

Le 3-5-2 pour exposer les faiblesses espagnoles

Si l'Espagne a collectivement failli, c'est avant tout défensivement. La statistique a marqué les esprits : en deux rencontres lors de ce Mondial 2014, l'Espagne a encaissé plus de buts (7 buts) que sur ses trois dernières phases finales de grandes compétitions (3 buts encaissés lors de l'Euro 2008, 2 lors du Mondial 2010, 1 seul en 2012, soit 6 au total). Or les Pays-Bas et le Chili ont utilisé la même recette pour la faire craquer : utiliser la largeur offerte par le 3-5-2 pour mettre à découvert des individualités en défense centrale très loin de leur meilleur niveau. Les trois défenseurs centraux (ex : Silva-Medel-Jara), ainsi que le milieu présent à la relance (Diaz), obligeaient le quatuor offensif espagnol à évoluer très haut dans le camp adverse (Iniesta-Diego Costa-Silva-Pedro).
En deuxième rideau sur les côtés, ce sont donc les latéraux (Jordi Alba-Azpilicueta) qui devaient sortir à hauteur des milieux de terrain afin de bloquer les latéraux adverses (Isla-Mena). Derniers remparts, les défenseurs centraux (Ramos-Javi Martinez) se retrouvaient alors en un-contre-un face aux attaquants adverses (Sanchez-Edu Vargas). Tant que les premières lignes de l'Espagne étaient au contact de leurs adversaires directs, les ballons n'arrivaient pas dans de bonnes conditions jusqu'aux attaquants et la Roja était en contrôle. C'est d'ailleurs ce qui explique ses bons débuts de match face au Chili et aux Pays-Bas. Mais dès que la sélection de Vicente Del Bosque a eu le malheur de relâcher son pressing, elle a immédiatement pris l'eau.
Avec plus de liberté le long de la ligne de touche, la relation "stoppeur-latéral-attaquant" était désormais possible et la faiblesse des défenseurs centraux de la Roja éclatait au grand jour. Face aux Pays-Bas, c'est Daley Blind qui a servi Van Persie puis Robben pour permettre aux Oranje de renverser la rencontre. Le Chili a lui sanctionné une mauvaise transmission de Xabi Alonso en enfonçant le côté droit pour aller ouvrir le score. Ces trois évènements contraires ont mis à jour le second problème de l'Espagne dans ce Mondial : son manque de ressources mentales, sans doute le prix à payer pour une sélection qui a tout gagné. Sonnés par un premier but, les Espagnols n'ont jamais su relancer le pressing qui faisait jusque-là leur force. Un manque de caractère qui les a condamnés à la première embûche.
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