Coupe du monde | Finale France - Argentine | Personne ne défend moins que Mbappé : est-ce viable face à Messi ?

Il n'est nul besoin de suivre les 273 heures du cursus manager général au Centre de Droit et d'Economie du Sport de Limoges pour découvrir le point faible de l'équipe de France au Qatar. Il n'est pas nécessaire d'être un fin technicien pour comprendre qu'il faut insister sur le côté gauche des Bleus pour tenter de faire couler les champions du monde. En quart, l'Angleterre s'est obstinée avec Bukayo Saka. En demi-finale, Hakim Ziyech et Achrak Hakimi ont pilonné la même zone du terrain. La charge de travail du duo Ibrahima Konaté – Théo Hernandez fut incomparable avec celle de la paire Jules Koundé - Rapahël Varane.

Pourquoi ? Parce que Kylian Mbappé n'a même pas fait semblant de défendre, exposant le collectif a une sérieuse menace. L'absence d'Adrien Rabiot n'a fait que surligner une faiblesse que les Bleus trimballent depuis le début de la compétition. Théo Hernandez, lui, est beaucoup plus offensif que Koundé et sans un grand Konaté, l'affaire aurait pu mal tourner. "On a pris un peu trop de vagues sur notre côté gauche en seconde période, reconnaissait Didier Deschamps après la rencontre au micro de BeIn Sports. Ils sont arrivés à nous déséquilibrer."

Il a fallu qu'Antoine Griezmann, conscient que le bateau prenait l'eau côté gauche, donne de la voix et exige une réaction du staff pour que les débats se rééquilibrent. Marcus Thuram est rentré sur l'aile, Kylian Mbappé a fini la rencontre dans l'axe et tout a fini par rentrer dans l'ordre. "L'entrée de Marcus Thuram a fait du bien car il y avait plus de monde pour aider Théo à défendre", analysait un Griezmann aussi juste sur le terrain que devant les micros.

Le risque est assumé depuis le départ. En répétant que Mbappé était un "attaquant qui a besoin de liberté", le sélectionneur a acté le statut particulier du Parisien. Il suffit de comparer ses efforts défensifs avec ceux d'Olivier Giroud, garde du corps de Sofyan Amrabaten demi-finale, et d'Ousmane Dembélé pour comprendre qu'il jouit d'une forme de privilège. Après tout, cela se tient. Il est l'arme fatale de cette équipe, son meilleur joueur et s'il gaspille de l'énergie en défense, il pourrait perdre de la lucidité là où on l'attend : dans les 16 mètres adverses. "Il nous aide beaucoup sur le terrain et on sait que c’est une menace pour l’adversaire", a résumé Aurélien Tchouaméni.

Sa heatmap est claire : Mbappé ne franchit que très rarement la ligne médiane et il suffit d'observer avec quelle légèreté il a suivi les montées de Hakimi pour comprendre les consignes qui lui sont adressées. Et s'il fallait un dernier chiffre pour s'en convaincre : aucun joueur n'ayant joué plus de 150 minutes au Qatar n'a effectué moins d'action défensive que lui ! Sa moyenne de 0,19 action défensive par match (soit une seule en 477 minutes selon les chiffres dévoilés par Opta) est caricaturale.

L'Angleterre et le Maroc ont livré de vrais avertissements aux Bleus. La question désormais est de savoir si les Bleus peuvent se permettre d'ouvrir leur aile gauche avec autant de générosité à l'Argentine en finale ? Après Ziyech et Saka, Hernandez va devoir se coltiner Lionel Messi. S'il est bien plus axial désormais qu'à ses débuts, sa heatmap au Qatar rappelle que le génial Argentin démarre une bonne partie de ses fulgurances depuis le côté droit. C'est depuis cette zone du terrain qu'il fait danser le Croate Gvardiol sur sa passe décisive déjà légendaire en demi-finale.

Alors que faire ? Se réinventer en quatre jours ? Le retour d'Adrien Rabiot devrait permettre à Didier Deschamps de résoudre une partie du problème. La présence de Nahuel Molina, nettement moins offensif qu'Hakimi, pourrait aussi diminuer la menace mais il ne faut pas être naïf, l'Argentine va insister plus que de raison. Elle aurait d'ailleurs tort de ne pas le faire. Face à lui, Mbappé n'aura plus le puissant Walker ni son ami Hakimi qui le connaît par cœur.

Son absence de discipline défensive pose pas de problème quand il marque. Et si elle a sauté à la figure face à l'Angleterre et au Maroc, c'est aussi parce qu'il a raté son match offensivement. Deschamps ne demandera pas à son meilleur buteur de défendre davantage que face au Maroc. Les Bleus assument depuis un mois le déséquilibre et ne se renieront pas en finale. Ils espèrent simplement que, cette fois, Mbappé en profitera pour leur offrir la troisième étoile.