Coupe du monde 2026 - Qualifications - Zone Concacaf - "Incroyable et fou" : Le conte de fées de Curaçao, plus petit pays jamais vu au Mondial

Dire que tout ceci aurait pu ne jamais arriver. Quasiment au bout du temps additionnel de cinq minutes, Jeremy Antonisse a failli devenir bien malgré lui mardi le principal acteur d'un cauchemar. L'ailier gauche de Moreirense a semblé mettre à terre le Jamaïcain Isaac Hayden et M.Ivan Narton a aussitôt désigné le point de penalty. Curaçao aurait pu tout perdre, là, sur cette ultime séquence. Mais l'arbitre salvadorien a aussitôt été invité à consulter la vidéo. Pour l'histoire, Curaçao aura été sauvée par le VAR.

Rien ni personne n'aura donc stoppé le conte de fées de cette toute petite île de la mer des Caraïbes. Cet Etat autonome des Petites Antilles, membre du Royaume des Pays-Bas, avec sa superficie de 444 m² et 150 000 habitants, va devenir le plus petit pays à participer à la Coupe du monde, effaçant des tablettes l'Islande, jusqu'ici détentrice du record en la matière. Les grincheux diront que tout ceci ne serait jamais arrivé dans un Mondial à 32. Que l'élargissement ad nauseam de la phase finale de la Coupe du monde rend possible ce genre d'histoire, et il est vrai que la zone Concacaf est l'immense gagnante de ces qualifications.

Il n'en reste pas moins que Curaçao, plus connu jusqu'ici pour sa célèbre liqueur d'orange qui peuple tant de cocktails, n'a pas volé sa place. Au cours des deux phases de groupes, la "Blue Wave" a disputé au total dix matches, terminant sans la moindre défaite (7 victoires et 3 nuls). La seule équipe invaincue de la Concacaf dans ces éliminatoires. Elle s'était notamment largement imposée au premier tour en Haïti (1-4), qui vient également de se qualifier la nuit dernière, avant de maîtriser la Jamaïque, Trinité-et-Tobago et les Bermudes. "C'est incroyable et c'est fou, c'est une des choses les plus extraordinaires qui soient arrivés à Curaçao et il y a quelques années, jamais personne n'aurait pu imaginer ça", a résumé le milieu de terrain Juninho Bacuna sur la radio BBC 5 Live.

Alors, quelle est donc cette équipe que la planète foot découvrira pour la première fois l'été prochain ? A sa tête, une figure bien connue, elle. Dick Advocaat, s'il n'était pas sur le banc mardi soir à Kingston pour "raisons personnelles", possède un CV long comme le bras. Il a entraîné le PSV Eindhoven, le Borussia Moenchengladbach, Fenerbahçe ou encore Feyenoord, et a également été le sélectionneur des Pays-Bas, de la Serbie, de la Belgique ou de la Russie. S'il n'a jamais posé ses valises durablement quelque part, ce technicien respecté et globe-trotter a donc fini à Curaçao l'an dernier.

"Tout le monde connait Dick Advocaat, c'est un grand nom, un grand coach et tout le monde le respecte pour ses décisions et sa façon de travailler, insiste Bacuna. Sa présence a été vraiment importante pour nous en tant qu'équipe et même en tant que pays. Son impact a été colossal." De l'avis de tous, le technicien batave a effectivement fait grandir cette équipe en un minimum de temps. S'il reste en poste à l'été 2026, Advocaat deviendra à 78 ans le plus vieux sélectionneur de l'histoire de la Coupe du monde. Curaçao, ou la sélection de tous les records avant même d'avoir fait quoi que ce soit.

Ne cherchez pas de stars dans l'effectif curacien. Beaucoup sont nés et ont grandi aux Pays-Bas et possèdent la nationalité néerlandaise, mais ils peuvent représenter la Blue Wave grâce à leurs origines curaciennes. Les liens avec le football néerlandais sont multiples et évidents. Avant Advoccat, un certain Patrick Kluivert avait d'ailleurs été le sélectionneur dans les années 2010 puis brièvement en 2021. Tatih Chong, lui, est né à Curaçao, et n'a jamais joué aux Pays-Bas. A 26 ans, le milieu de terrain international tente de percer en Angleterre 2010. Signé à 19 ans par Manchester United, il a ensuite évolué à Birmingham, Luton Town et, désormais, Sheffield United.

Il y a quelques mois, le nom de Sontje Hansen, l'attaquant de Middlesbrough, est peut-être parvenu jusqu'à certaines oreilles, les plus nordistes d'entre elles surtout : son nom avait en effet circulé pour rejoindre le RC Lens. Ar'jany Martha, lui, est passé par l'Ajax et évolue à présent en D3 anglaise, à Rotherham. Jeremy Antonisse, celui qui a failli se muer en héros tristement malheureux, joue donc dans l'élite portugaise, où Moreirense occupe actuellement la 6e place du classement.

Pour beaucoup de ces joueurs, Curaçao a constitué un refuge, une formidable opportunité, ainsi que l'admet Juninho Bacuna. "Mes chances de jouer pour l'équipe nationale néerlandaise étaient, en toute honnêteté, nulles, concède-t-il. Je voyais beaucoup de joueurs de mon âge déjà sélectionnés, mais je n'avais aucune chance d'être appelé. Le choix de jouer pour Curaçao a donc été rapide." Mais il était difficile pour eux d'envisager un jour se frayer un chemin jusqu'en phase finale de Coupe du monde. C'était davantage un rêve qu'une ambition. "Un rêve qui va devenir réalité", dit-il aujourd'hui.

Grâce à la Coupe du monde et à son équipe nationale, tout le monde saura maintenant que le Curaçao n'est pas qu'un alcool et pourra même réussir à placer ce minuscule Etat autonome sur la carte du monde dont les eaux turquoises sont situées à une soixantaine de kilomètres au large du Venezuela. Le défi sera immense l'été prochain au Mondial pour la "Blue Wave". D'ici là, c'est l'heure du conte de fées et du rêve éveillé.