France-Roumanie - Payet est dans la forme de sa vie : qu'est-ce que ça change pour les Bleus ?

Il y a les chiffres, ce qu'ils disent, et puis il y a ce qu'on ressent. Ce dernier paramètre est plus difficilement mesurable. Mais, vendredi, Dimitri Payet a tout réuni. Un but et une passe décisive, une première à l'Euro pour un Bleu depuis Thierry Henry en 2000, pour les puristes des statistiques. Et une classe immense, une furieuse impression de jouer une classe au-dessus des autres pour les plus romantiques. Tout le monde se réconcilie sur son cas. Cette performance est exceptionnelle.

Par son contenu et par le contexte qui l'entoure. Livrer un match aussi abouti en compétition officielle sous le maillot bleu, c'est une rareté. Sans doute même une première depuis 2006 et le récital de Zinedine Zidane face au Brésil. Comparons ce qui est comparable. Le quart de finale lumineux de Zizou laissera une autre trace dans l'histoire. Mais d'un point de vue strictement individuel, aucun Français n'avait autant brillé sur 90 minutes en Coupe du monde ou lors d'un championnat d'Europe des Nations depuis 10 ans.

S’il faut se méfier et ne pas tirer des conclusions trop hâtives, sa performance, qui succède à un enchaînement d'actions de classe depuis son retour en mars, redistribue fatalement les cartes en attaque. "Je vais le mettre dans la glace jusqu'au prochain match", s'est amusé Didier Deschamps après la rencontre. Ce n'est pas la première fois que le sélectionneur s'arrête sur son cas : "Chaque fois qu'il touche le ballon, il se passe quelque chose. Autant qu'il touche le ballon le plus de fois possible", avait confié DD après le coup franc victorieux du Réunionnais face au Cameroun (3-2). Depuis le mois de mars, c'est lui qui crée l'étincelle.

Cet Euro devait, et doit toujours, couronner Paul Pogba et/ou Antoine Griezmann comme le(s) leader(s) technique(s) de cette équipe de France. Ceux capables de la faire entrer dans une autre dimension. Mais lorsqu'il a fallu secouer le cocotier, Deschamps a rappelé sur le banc de touche le Turinois et le Madrilène. La suite lui a donné raison. En faisant entrer Martial et Coman, DD a libéré Payet des contraintes liés au poste d'ailier, notamment la nécessité de tenir son couloir, et c'est de l'axe que le meneur de West Ham a fait parler la poudre.

Suffisant pour changer de système et passer au 4-2-3-1 ? Certainement pas. Les Bleus ne vont pas chambouler leur plan après deux ans et demi de 4-3-3 où chacun à ses repères. Même si Payet est plus à l'aise en soutien de l'attaquant de pointe, Deschamps ne peut pas se permettre de déséquilibrer plus encore une équipe qui ne brille pas par son homogénéité.

Suffisant pour donner les clés à Payet ? Certainement. Mais il les a déjà confisqués. C'est lui qui est en charge de chaque coup franc et corner. L'ancien Marseillais bénéficie également "d'une grande liberté en attaque", comme le confiait Patrice Evra après la rencontre. Paradoxalement, son immense match de vendredi pourrait libérer ses équipiers, Pogba et Griezmann en tête, car il les ôte d'un poids. Le salut des Bleus ne passera pas forcément par eux. Vendredi, en tout cas, le génie de Payet a suffi à leur bonheur.