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Exercices physiques, Netflix and chill : comment les footballeurs traversent la crise du Coronavirus

Johann Crochet

Mis à jour 23/03/2020 à 16:58 GMT+1

Alors que de nombreux joueurs suivent les recommandations de confinement en France, en Italie ou encore en Espagne, d’autres parviennent encore à vivre à peu près normalement, en attendant d’éventuelles mesures coercitives. Dans cette période sans matches, chacun s’adapte comme il peut pour garder la forme, en contact constant avec le staff technique.

Un joueur masqué dans le championnat brésilien

Crédit: Getty Images

"Ce n’est vraiment pas une période très amusante." La voix d’Andri Baldursson confirme un état de lassitude. Le milieu de Bologne (Italie) ajoute : "Pour un footballeur, c’est vraiment difficile de ne pas aller s’entraîner, de ne pas retrouver les gars dans le vestiaire. Bien sûr, il faut relativiser avec ce qui arrive aux gens touchés, aux soignants, mais j’ai tellement hâte de retourner m’entraîner et toucher le ballon."
Chez nos cinq témoins, interviewés ces dernières heures, la même impatience de retrouver les terrains et, dans le même temps, une réelle conscience du danger invisible que le Coronavirus représente pour tout à chacun. "Dans l’équipe, certains étaient inquiets, d’autres voulaient continuer à jouer tout en se disant que les risques étaient importants, confirme Ricardo Faty, aujourd’hui à Ankara (Turquie).
Le championnat turc est en effet le dernier grand championnat à avoir été suspendu ce jeudi, alors qu’il avait été confirmé dans un premier temps en début de semaine par la fédération turque. "On s’en doutait, on ne pouvait pas être la risée de l’Europe du football en étant le seul championnat à continuer", ajoute-t-il alors qu’il a appris la nouvelle au centre d’entraînement de son club.

WhatsApp, GPS et programmes individualisés

Avec l’arrêt des championnats et des entraînements, les joueurs se retrouvent en autogestion, le plus souvent confinés à leur domicile. Dès lors, même si les préparateurs physiques envoient des séances quotidiennes pour tenter de garder la forme, il s’agit de la responsabilité du joueur de faire le travail demandé.
"Maintenant, on doit tous, à titre individuel, faire en sorte de ne pas trop perdre sur le plan physique, confirme Petrus Boumal, milieu de terrain à Iekaterinbourg (Russie). On se doit d’être professionnel et exigeant même si le club ne nous a pour le moment pas fourni de programme." Le Camerounais a vu son club suspendre les entraînements ce mercredi, au moins jusqu’à lundi où un nouveau point sera fait. "Ces derniers jours, c’était un peu à la carte, on prenait déjà des précautions", ajoute-t-il. Le championnat russe est lui suspendu jusqu’au 10 avril minimum.
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Petrus Boumal

Crédit: Getty Images

Certains clubs ont vite réagi et mis en place des programmes que les joueurs doivent suivre à la lettre. C’est le cas à Volendam (Pays-Bas). "Dès le premier jour, on a reçu des programmes d’entraînement, appuie Franco Antonucci, milieu de terrain prêté par l’AS Monaco. On a un groupe WhatsApp avec le staff et les joueurs. Tous les jours on reçoit un nouveau programme sachant qu’on doit faire deux séances quotidiennes, comme quand on s’entraîne au stade."
Les joueurs se prennent au jeu, l’émulation fait le reste : "Dans le groupe, des joueurs envoient régulièrement les données GPS de leurs montres connectées et des vidéos d’eux en train de courir. Ça motive et ça challenge les autres. Il y a aussi les exercices avec ballon que tout le monde peut faire sans problème vu qu’il n’y a pas de confinement en cours aux Pays-Bas. On reçoit même des vidéos, des sortes de tutoriels pour être vraiment au point."
Même son de cloche à Dijon dans un pays cette fois placé en quarantaine. Alex Runar Runarsson doit lui aussi s’adapter à cette situation. "On est en contact constant avec le préparateur physique du club, précise le gardien islandais. On a de nouveaux exercices très régulièrement et on a eu un programme détaillé dès le début. Je n’ai pas de tapis roulant mais j’ai un peu de matériel à la maison. Je fais pas mal de cross-fit pour compenser. Les programmes sont bien pensés car ils sont faisables également pour les joueurs qui n’ont pas de machines particulières chez eux." Les discussions entre joueurs sont un bon moyen de passer le temps, même si le portier parle également beaucoup au staff : "On a des discussions individuelles avec le préparateur physique qui est sans doute la personne la plus importante pour nous en ce moment."
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Alex Runar Runarsson

Crédit: Getty Images

A Molde en Norvège, comme partout ailleurs, le staff technique a dû tout organiser en très peu de temps, après l’annonce de la suspension des entraînements ainsi que le report du début du championnat. "Les entraîneurs et les préparateurs ont eu beaucoup de travail pour tout organiser correctement en quelques heures, et pour envoyer des programmes à tous nos joueurs", confirme John Vik, responsable de la cellule de recrutement du club.
En Italie, au cœur de l’épidémie européenne, les joueurs ont un message quotidien des médecins de leur club. Au programme, savoir comment ils vont, s’ils ont pris leur température comme chaque matin et si les données ne sont pas anormales. "L’essentiel de la communication se fait sur WhatsApp et le docteur me demande tous les jours si je vais bien et comment je me sens. Je dois prendre ma température et communiquer les résultats", explique Baldursson. Même son de cloche à Bergame où les joueurs de l’Atalanta doivent effectuer un contrôle quotidien pour endiguer toute apparition éventuelle de fièvre.

Netflix, lecture et légumes

A l’épineuse question de l’ennui ressenti en zone de confinement, tous les joueurs interrogés sortent leur carte joker : Netflix. Ils sont en effet nombreux à aller intensivement sur le site de vidéo à la demande en ce moment. Séries en retard, films mis de côté mais jamais regardés, la plateforme de VOD a ses fans. Pour les parents, l’ennui n’est pas une inquiétude. Ricardo Faty en rigole : "J’ai mes quatre enfants à la maison, donc je ne pense pas m’ennuyer. Après, ça sera pas mal de lectures et temps passé sur internet."
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Ricardo Faty (MKE Ankaragücü) en octobre 2018

Crédit: Getty Images

Jeune papa, Alex Runarsson consacre beaucoup de temps à voir sa fille grandir alors qu’il est confiné dans son appartement au cœur de Dijon : "Je reste à la maison, je m’occupe de ma fille qui a seulement 5 mois et je passe donc beaucoup de temps avec elle.Avec ma copine, on s’informe aussi sur ce qui se passe dans le monde, que ce soit des médias islandais ou français. On est au courant de tout."
Si certains, comme Franco Antonucci se découvre comme assistant-cuisinier pour aider à l’élaboration des plats avec sa famille, la nutrition est une donnée à ne surtout pas négliger en ces temps d’activité physique beaucoup moins intense. Au cœur de l’Oural, Petrus Boumal plaide pour la responsabilité de chacun. "On fait déjà attention au quotidien, mais là ça va être encore plus précis, on va encore faire plus attention cette semaine, en consommant plus de produits frais, des légumes, et moins de glucides ou de pâtes, explique le milieu camerounais qui n’est pas dans un pays ayant encore opté pour la quarantaine. Nos entraînements personnels sont quand même moins intensifs que ce qu’on fait au club, donc on doit ajuster nos repas."
Alex Runarsson abonde en ce sens : "On a un nutritionniste au club donc je pense que tout le monde sait ce qu’il doit faire dans ces conditions. On ne peut pas manger les mêmes choses que quand on est dans la compétition, c’est à dire moins de glucides, moins de pâtes, réduire les quantités. On peut toujours vous dire comment faire, mais à la fin, c’est votre responsabilité de bien faire les choses."
Certains vont même un peu plus loin. Franco Antonucci a d’ailleurs contacté sa nutritionniste cette semaine. "Je travaille avec elle toute l’année et je l’ai appelée pour savoir s’il y avait des aliments que je pouvais prendre pour renforcer mes défenses immunitaires", commente-t-il. Il a reçu un programme personnalisé en ce sens.

Attente, vie sociale et inquiétude

Les joueurs vivent assez mal l’inconnu. Habitués à tout gérer en étant entièrement tournés vers la performance, à tout contrôler dans les moindres petits détails au quotidien, les footballeurs font cette fois face à une absence de visibilité. Il en ressort une inquiétude palpable. Quand les entraînements vont-ils recommencer ? Quand les championnats vont-ils redémarrer ? Et s’ils ne redémarraient pas ? Que se passera-t-il ? De nombreuses questions sans réponses. A chaque journée sa dose d’incertitude.
Francesco Antonucci se pose mille questions. "Je m’inquiète de l’impact que ça aura sur la saison prochaine, expose-t-il. Si la fin des championnats est au 30 juin, que va-t-il se passer sur la période de vacances, sur la préparation raccourcie et le fait de redémarrer en août vu qu’il y a l’Euro à la fin de la saison 2020/21 ? Avant une saison, pour être bien, tu as besoin de beaucoup de repos, de séances de travail et de matches amicaux. Là, on ne sait pas si on pourra avoir cet enchaînement pour permettre de commencer à un bon niveau physique, technique et collectif la saison prochaine. Ce qui me rassure, c’est que toutes les équipes auront un problème de rythme lors de la reprise car on sera tous dans le même cas."
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Francesco Antonucci

Crédit: Getty Images

Ricardo Faty se projette un peu moins loin. L’arrêt du championnat turc vient d’être prononcé et la situation est donc toute récente. Ce qui n’empêche pas de penser déjà à la reprise. "Si on reprend début mai comme beaucoup l’expliquent, on va être totalement à court de rythme, tonne le milieu d’Ankaragücü. Avec l’arrivée des premières grosses chaleurs, l’impact du ramadan sur de nombreux joueurs et le risque de devoir jouer deux matches par semaine, on va avoir des matches au ralenti, des exhibitions de présaison."
En Norvège, le championnat n’a pas été suspendu mais décalé car la saison, se déroulant sur une année calendaire, n’a pas débuté. Mais déjà, un problème d’équité se pose. "Il n’y a pas de confinement généralisé pour le moment en Norvège, témoigne John Vik (Molde). On a des équipes en quarantaine (Stabaek, Start, Haugesund, Sandefjord...) car elles se préparaient en Espagne à l’occasion de la trêve hivernale quand tout s’est déclenché. Donc à leur retour, elles ont été mises en quarantaine. Il y a donc une vraie différence d’un club à l’autre en Norvège et si tous les entraînements collectifs sont suspendus, certains joueurs peuvent quand même aller courir, alors que d’autres non. La priorité, c’est de redémarrer quand tout le monde en sera au même point."
En attendant une éventuelle reprise, il faut garder des liens avec le monde extérieur. Tous avouent passer beaucoup de temps sur le téléphone. "Je parle avec mes coéquipiers du DFCO, mais aussi avec les joueurs islandais qui sont partout en Europe, notamment aux Pays-Bas et au Danemark où j’ai des amis proches, confirme Runarsson. Il y a des joueurs qui me demandent des conseils et on parle aussi du moment qu’on est tous en train de vivre."
Quant à Andri Baldursson, il prend tout ce qui lui tombe sous la main, lui qui vit à Bologne avec son père, le reste de sa famille et de ses amis se trouvant en Islande. "C’est difficile car quand tu es en quarantaine, tes activités sont limitées, donc ta vie sociale est impactée. J’essaye en ce moment de parler au téléphone au maximum de gens que je peux", explique-t-il dans un éclat de rire, avant de retrouver sa gravité : "Ici tout est fermé. C’est terrible. On ne peut que rester chez soi et attendre."
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Andri Baldursson avec l'Islande U21 face au Portugal

Crédit: Getty Images

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