Gignac : enfin un succès international... qui en appelle d'autres ?

Dans la nuit de mardi à mercredi, André-Pierre Gignac a écrit un chapitre supplémentaire de sa légende mexicaine en remportant la Ligue des champions de la CONCACAF face au Los Angeles FC (2-1). Un succès dans une compétition peu prestigieuse, mais un succès important, pour lui ouvrir les portes de la Coupe du Monde des clubs.

André-Pierre Gignac célèbre son but contre Cruz Azul, le 26 octobre 2019.

Crédit: Getty Images

Dans une carrière, surtout si l'on est Français, la Ligue des champions de la CONCACAF ne peut raisonnablement être considérée comme un grand objectif. La compétition est certes internationale mais ressemble souvent à un mini-championnat du Mexique, un pays qui accapare les titres depuis 2006. Huit des douze dernières finales ont même opposé des représentants du pays de Raúl Jimenez. Et quand ce n'est pas le cas, c'est un club de MLS qui vient s'y immiscer – même si le dernier lauréat non-mexicain est costaricien (Deportivo Saprissa 2005)- avant de repartir sans la coupe. Mais André-Pierre Gignac n'est pas un footballeur raisonnable.
Dans ses choix de carrière, et plus généralement dans sa manière de vivre son métier, la passion prend une part évidente. Comme lorsqu'il s'engage avec les Tigres au sortir de sa meilleure saison avec l'OM, il y a cinq ans. Depuis, il a remporté quatre championnats, mais aussi embrassé la culture locale, et s'est imprégné de la réalité du football d'une région où remporter la Ligue des champions de la CONCACAF peut constituer un objectif majeur.
Mardi soir, pour André-Pierre Gignac et ses Tigres, la pression était même lourde. Et le soulagement du Français fut à la hauteur de l'enjeu. "On l'a enfin cette foutue coupe", a-t-il ainsi lâché au terme de la rencontre. Il faut dire que le club basé à Monterrey, la grand ville du nord mexicain, ne pouvait se permettre un nouveau faux pas. Non pas parce qu'il sort d'une saison médiocre, avec une sixième place en saison régulière et une élimination en play-offs dès les quarts de finale, mais parce que les Tigres avaient déjà échoué trois fois en finale depuis l'arrivée de l'avant-centre tricolore.
Deux fois, coup sur coup, en 2016 et 2017, d'abord face à l'América de… Dario Benedetto, puis face au Pachuca d'Hirving Lozano, avant un dernier revers l'an dernier, d'autant plus humiliant pour le nouveau poids lourd du football mexicain qu'il avait été concédé face aux Rayados Monterrey, son ennemi local, qui signait son quatrième succès dans la compétition, après trois titres de rang entre 2011 et 2013.

Un titre mineur sur la scène internationale qui n'a rien d'anodin

L'autre immense facteur de pression pour Tigres ? Une défaite face aux LA Galaxy de Carlos Vela, un club qui a notamment pour actionnaire l'acteur Will Ferrel et la légende du basket, Magic Johnson, aurait été vécu comme une humiliation au Mexique, attaché à sa suprématie dans la compétition. Un tel évènement aurait même sans doute donné lieu à un déchaînement polémique dans un pays où la réussite du club auriazul agace, et où une partie de la presse et des supporters rechigne à le classer parmi les grands du football mexicain malgré cinq championnats remportés depuis 2011 (sept titres nationaux au total).
Gignac et consorts ont d'ailleurs tremblé à Orlando, où se disputait la phase finale de la compétition dans une bulle, sur le modèle de la dernière Ligue des champions de l'UEFA. Quand Diego Rossi ouvrait le score à l'heure de jeu, bien servi par Carlos Vela, on commençait à affuter les couteaux à Mexico ou Guadalajara, avant que Tigres ne renverse la situation. D'abord par l'international mexicain, Hugo Ayala (72e), avant que l'inévitable André-Pierre Gignac ne donne la victoire aux siens d'une frappe appliquée. On jouait alors la 84e minute.
Au Mexique, remporter le championnat est en général considéré comme un succès plus prestigieux que de soulever la Ligue des champions de la CONCACAF face à des clubs de MLS, costariciens ou honduriens, que l'on regarde de haut. Mais pour les clubs lauréats, ce succès n'en a pas moins une valeur spéciale, qui n'a pas échappé au finaliste malheureux de l'Euro 2016. "Même si certains disent qu'elle (la Conchampion's) n'a pas une grande valeur, jouer un Mondial des clubs contre les meilleures équipes des différents continents c'est, en soi, un évènement d'une grande valeur".
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André-Pierre Gignac a une nouvelle été décisif avec les Tigres

Crédit: Getty Images

Tigres disputera ainsi au mois de février, une compétition où il pourrait en découdre en demi-finale ou en finale, selon le tirage, avec le Bayern Munich. Une certitude dès à présent : Gignac et consorts feront leur entrée en lice au deuxième tour, face au Al-Duhail entraîné par Sabri Lamouchi ou contre les Australiens d'Auckland City. Des adversaires à leur portée, même si les Mexicains ont accumulé les faux pas dans cette compétition. La réussite des représentants de LigaMX en Concachampion's est d'ailleurs inversement proportionnelle à celle rencontrée à la Coupe du Monde des clubs, où des troisièmes places (Rayados en 2012 et 2019, Pachuca en 2017, Necaxa en 2000) constituent leur meilleur résultat.
Cette qualification des Tigres constitue ainsi une opportunité idéale pour devenir un motif de fierté national en devenant le premier club de LigaMX à disputer la finale de la Coupe du Monde des clubs. Le club auriazul désirait d'ailleurs ardemment disposer de cette fenêtre d'exposition internationale depuis qu'il a changé de dimension avec l'arrivée de Gignac et d'autres recrues d'envergure, comme les internationaux argentins Guido Pizarro ou Nahuel Guzman.

Objectifs à suivre: le Mondial des Clubs et la Copa Libertadores

Alors qu'il s'identifie aujourd'hui totalement à son club et à ses objectifs, André-Pierre Gignac n'était toutefois pas venu au Mexique pour remporter la Concachampion's et jouer la Coupe du monde des clubs, mais pour gagner la Copa Libertadores. Cette perspective avait même contribué à son transfert inattendu chez les Tigres, alors qualifié pour les demi-finales de la compétition sud-américaine.
Une compétition qui, elle, appartient à la mythologie du football de clubs pour opposer des institutions parmi les plus prestigieuses de la planète (Boca, River, Flamengo, Corinthians ...) et qui ont formé ou révélé des joueurs comme Pelé (vainqueur en 1962 et 1963 avec Santos), Maradona, Zico, Cafu, ou Neymar. Des clubs qui ont parfois pris le dessus sur les vainqueurs de la C1 européenne lors de la Coupe du Monde des clubs, mais surtout à l'ère de la Coupe Intercontinentale (1960-2004), son ancêtre.
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André-Pierre Gignac

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En 2015, avec un but en demi-finale face à l'Internacional Porto Alegre, Gignac avait contribué à qualifier son nouveau club pour sa première finale de Libertadores, face au River Plate déjà entraîné par Marcelo Gallardo. La défaite s'était trouvée au bout du chemin (0-0, 0-3), alors que Tigres espérait devenir le premier club mexicain à remporter la compétition. Un succès ne lui aurait toutefois pas ouvert les portes du Mondial des clubs, car les représentants de LigaMX disputaient la Libertadores avec un statut d'invité. Privés depuis 2017 de participation au tournoi sud-américain, notamment pour une question de compatibilité des calendriers, des clubs comme Tigres ne disposent depuis que de la Ligue des champions de la CONCACAF pour exister à l'international.
Ce succès tant attendu était donc crucial. Il permet aussi à Gignac de boucler la boucle, après quatre titres de champion du Mexique, et 143 buts inscrits en 243 matches, même si à 35 ans, il n'a pas fait part de désir de retraite. Toujours compétitif, il est d'ailleurs le meilleur buteur de l'édition 2020 de la Concachampion's avec six réalisations. Il en a ainsi été élu meilleur joueur. Des récompenses dont il ignorait sans doute jusqu'à l'existence au début de sa carrière, mais qui symbolisent aujourd'hui sa spectaculaire réussite au Mexique. A présent, l'enfant des Bouches-du-Rhône, rêve d'une finale de Coupe du Monde des clubs. Un tournoi qui passionnera plus que de coutume en France, grâce à sa seule présence. L'autre victoire d'André-Pierre Gignac.
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