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Interview Valérien Ismaël (Linz) : "Je donne des devoirs intellectuels à mes joueurs"

Clément Lemaître

Mis à jour 12/05/2020 à 16:40 GMT+2

Pour Eurosport, Valérien Ismaël est revenu sur la fantastique saison de Linz (Autriche) en championnat mais aussi en Ligue Europa. Mais aussi sa philosophie et les grandes influences de sa carrière.

Valérien Ismaël

Crédit: Getty Images

Valérien Ismaël, comment vivez-vous le confinement ?
V.I. : Je suis actuellement à la maison avec ma famille près de Munich (ndlr : qui se situe à environ deux heures de route de Linz). Nous sommes en bonne santé, c'est le principal. En Autriche, on est encore loin d'une reprise des entraînements et des matches. Il faut patienter pour voir si de nouvelles mesures vont être prises. Aujourd'hui, le football est secondaire.


Comment vous y prenez-vous pour suivre l'entraînement individuel de vos joueurs ?
V.I. : Chaque dimanche, les joueurs reçoivent une mise à jour de leur programme. C'est-à-dire qu'il y a une augmentation de la dose de courses de semaine en semaine. On essaie de les maintenir en forme sur le plan physique. J'effectue également des conférences vidéo avec eux, et je leur donne des devoirs intellectuels.
Avec mon analyste vidéo, on leur envoie des scènes tactiques à résoudre. Ils doivent les analyser et trouver des solutions. Il y a deux semaines, ils ont travaillé le thème défensif, la semaine passée, c'était le travail offensif, etc... J'essaie de les garder en éveil. Avec mes dirigeants, nous travaillons aussi sur la saison prochaine. Nous sommes virtuellement actifs. Chaque semaine, on a une grande réunion avec le président.
Lorsque vous avez signé à Linz l'été dernier, vous attendiez-vous à accomplir une aussi belle saison (ndlr : le club est largement en tête du championnat d'Autriche et en course en huitièmes de finale de C3) ?
V.I. : Non pas du tout. Quand je suis arrivé à Linz, j'ai senti cette envie de travailler ensemble. La base était bonne car la philosophie de jeu du club correspondait à mes attentes. Lors de mon dernier match à la tête de Wolfsburg, j'avais également évolué en 3-4-3. Je savais que je n'allais pas recommencer à zéro et que 90% de l'effectif allait rester.
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Valerien Ismael donne des consignes à ses joueurs lors de la rencontre opposant LASK Linz à Manchester United, le 12 mars 2020

Crédit: Getty Images

C'était juste à moi de m'intégrer avec mon staff. Tout s'est mis en place rapidement dès le 3e tour de Ligue des champions (ndlr : Linz a sorti Bâle). Au fur et à mesure, j'ai senti que le groupe engrangeait de la confiance.
Vous êtes en tête du championnat autrichien, avec six points d'avance sur Salzbourg, le champion depuis 2014. Comment cette saison de Linz est-elle perçue en Autriche ?
V.I. : C'est une saison exceptionnelle quand on connaît la domination de Salzbourg depuis une dizaine d'années. Nous battons tous les records. Par exemple, nous avons gagné les onze matches que nous avons disputés à l'extérieur. Ce n'est jamais arrivé dans l'histoire du championnat.
Moi ma philosophie, c'est d'être acharné sur l'adversaire
Notre place de leader est méritée d'autant qu'on avait des incertitudes en début de saison du fait de notre qualification au 3e tour de la Ligue des champions. On ne savait pas comment on allait gérer ces matches tous les trois jours. Très rapidement, on s'est rendu compte qu'on avait trouvé les bonnes solutions pour enchaîner. La satisfaction, c'est aussi d'avoir pu maintenir une grande intensité de jeu dans la durée.
Quelle performance vous rend le plus fier cette saison : avoir sorti Bâle au 3e tour de C1, avoir fini en tête de votre groupe de C3 devant le Sporting, le PSV et Rosenborg, la qualification face à l'AZ Alkmaar ou le fait d'être en tête du championnat d'Autriche ?
V.I. : Il y a eu énormément de moments-clés cette saison. Mais le point de départ de notre histoire est l'élimination en tour préliminaire de Ligue des champions contre Bruges (ndlr : 0-1, 1-2). Nous avons compris ce qu'il nous manquait pour atteindre la phase de groupes de C1. Sur certaines situations de jeu, nous n'avons pas été capables de trouver la solution très rapidement, notamment au retour. Du coup, nous avons beaucoup travaillé ces aspects-là. Cela a été la base de notre succès.
Il y a aussi ce match clé qu'on perd à Lisbonne (1-2). Mais on réalise une rencontre exceptionnelle. Malheureusement, le Sporting a marqué deux fois après avoir tiré au but à trois reprises. On les a dominés dans le pressing et le jeu. Ça nous a donné beaucoup de confiance. On s'est dit qu'on était capable de réaliser quelque chose de grand face à une équipe de ce calibre.
Comment avez-vous vécu le 8e de finale aller de Ligue Europa à domicile, à huis clos, face à Manchester United (ndlr : défaite 0-5) début mars ?
V.I. : Quand David joue contre Goliath, beaucoup de détails doivent aller de ton côté. La première chose la plus importante est d'avoir tes supporters derrière toi. Quand tu joues Manchester United dans un stade vide, ils ressentent moins de pression. Aussi, en l'espace d'une semaine, deux joueurs importants de mon équipe se sont blessés grièvement. De plus, deux de nos défenseurs centraux titulaires dans notre défense à trois étaient suspendus. Sans parler du contexte...
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Bruno Fernandes of Manchester United in action during the UEFA Europa League round of 16 first leg match between LASK and Manchester United at Linzer Stadion on March 12, 2020 in Linz, Austria. The match is played behind closed doors as a precaution again

Crédit: Getty Images

Chaque heure, il y avait des informations contradictoires : "on joue", "on ne joue pas". Dans notre préparation, c'était vraiment difficile. On ne pouvait pas se réjouir comme cela était prévu. Ça devait être le match du siècle pour Linz et finalement tu ne peux même pas le fêter avec tes supporters. Par rapport au match en lui-même, le regret est d'avoir pris deux buts dans les arrêts de jeu de la deuxième mi-temps.
Pouvez-vous décrire votre philosophie de coach ?
V.I. : J'aime que mon équipe mette une intensité énorme dans le jeu. Un pressing de la première à la dernière minute, que l'équipe soit active, qu'elle provoque des erreurs chez les adversaires. Je souhaite que mes joueurs se projettent vite vers l'avant et qu'il y ait un circuit préférentiel dans les transmissions. Il y a deux ans, Linz avait 47% de possession du ballon, 51% l'an passé. Cette saison, au bout de six mois, nous avions, en moyenne, le ballon 56% du temps.
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Cette intensité que vous évoquez rappelle le style de Jürgen Klopp. Est-ce que vous vous inspirez de lui ou d'un autre entraîneur ?
V.I. : Je m'inspire du jeu moderne. Je regarde les matches de haut niveau qui se déroulent à haute intensité. Si vous regardez le Real Madrid ou le FC Barcelone, il n'y a pas tout le temps une intensité énorme.
La différence va parfois se faire par l'intermédiaire des qualités exceptionnelles de quelques joueurs. Moi ma philosophie, c'est d'être acharné sur l'adversaire, être à la chasse au ballon en permanence. Ce qu'on voit en match, c'est le résultat de nos productions à l'entraînement.
Parmi les entraîneurs que vous avez côtoyés lorsque vous étiez joueur à Strasbourg (Daniel Jeandupeux, Jacky Duguépéroux, Claude Le Roy, Yvon Pouliquen, Ivan Hasek), Lens (Daniel Leclercq, François Brisson, Joël Muller), au Werder Brême (Thomas Schaaf) ou au Bayern Munich (Felix Magath et Otmar Hitzfeld), lequel a le plus compté dans votre réflexion actuelle ?
V.I. : Ce n'est pas un coach en particulier, c'est plutôt le fait d'avoir joué le haut du tableau mais aussi une belle aventure européenne avec Lens (ndlr : demi-finale de C3 en 2000), réalisé un beau parcours en Ligue Europa avec Strasbourg en 1997, remporté le titre de champion d'Allemagne avec le Werder Brême puis le Bayern Munich.
Mes erreurs du passé m'ont aidé à grandir en tant que coach

Cela m'a permis de savoir quelle mentalité il fallait avoir pour jouer au très haut niveau. Ça m'aide encore aujourd'hui. A chaque fois, on proposait soit un pressing important, soit on avait une excellente possession. Après, c'est vrai que mon passage au Werder Brême a été très important. Thomas Schaaf m'a permis de m'épanouir, de sortir tout le potentiel qui était en moi.
Qu'avez-vous retiré de vos expériences contrastées sur les bancs de Nuremberg et de Wolfsburg ?
V.I. : Mes erreurs du passé m'ont aidé à grandir en tant que coach. J'ai appris qu'il fallait être focalisé sur le jeu, sa ligne de conduite et ne pas se laisser influencer par les journalistes, les résultats qui ne sont parfois pas à la hauteur des attentes. Les joueurs doivent aussi adhérer. C'est la base.
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"Mon passage au Werder Brême a été très important. Thomas Schaaf m'a permis de m'épanouir, de sortir tout mon potentiel", confie Valérien Ismaël.

Crédit: Getty Images

Pour cela, la communication est très importante. Elle est primordiale dès la préparation. J'ai appris à l'améliorer au fil de mes expériences. Elles m'ont aidé à créer une relation très rapide avec les joueurs.
Depuis le début de votre carrière de coach, avez-vous déjà été sollicité par un club français ? Est-ce que la Ligue 1 vous tenterait à l'avenir ?
V.I. : Par le passé, j'ai déjà rencontré des clubs mais ça n'est pas allé plus loin. Le championnat français, je le suis toujours. La France, c'est mon pays de naissance. Quand tu parles la langue, ça te donne une option en plus dans un choix de carrière.
La belle remontée du Bayern Munich, l'exercice très difficile du Werder Brême... Comment analysez-vous la saison de Bundesliga ?
V.I. : Nous avons joué tellement de matches, pratiquement tous les trois jours depuis juillet, que je n'ai pas pu suivre le championnat aussi assidûment que d'habitude. Pour Hansi Flick, les résultats parlent pour lui. Avec son calme et l'aura qu'il a sur les joueurs, les choses tournent de façon positive pour le Bayern Munich. C'est absolument mérité. Quant au Werder Brême, ça me fait mal au cœur de les voir dix-septièmes. Ç'a été une surprise.
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