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Football - André-Pierre Gignac au Mexique : une légende sans fin

Thomas Goubin

Mis à jour 08/04/2022 à 18:18 GMT+2

LIGA MX - Meilleur buteur du championnat à 36 ans et adulé comme au premier jour, André-Pierre Gignac continue de subjuguer le Mexique, un pays qui l'a adopté. Et inversement. Par sa personnalité attachante et son sens du travail sur et en dehors du terrain, APG fait l'unanimité. Retour sur une histoire d'amour comme il y en a peu dans l'histoire du football.

Gignac avec les Tigres

Crédit: Getty Images

Si vous n'êtes pas Mexicain, il y a peu de chances que vous connaissiez la Banda MS. Ce groupe, l'un des leaders du genre le plus populaire du Mexique, la banda, donnait un concert en décembre dernier, à Monterrey. Et André-Pierre Gignac, éminent résident de la ville depuis sept ans et plus de 165 buts, était au premier rang pour écouter cette fanfare urbaine à l'approche romantique. L'idole des Tigres y a même poussé la chanson, avec enthousiasme, quand le micro lui a été tendu.
Oui, André-Pierre Gignac est Mexicain. Ou presque. Entamé en 2021, son processus de naturalisation a certes connu quelques contre-temps, mais son identification avec le pays où il a débuté une seconde vie est totale. Il peut ainsi fredonner des airs de banda, mais aussi du défunt Juan Gabriel, un mythe mexicain, ou se lier d'amitié avec un comique en vogue (Franco Escamilla), tout en fondant pour la gastronomie locale composée de tacos et autres enchiladas.
Tu es déjà Mexicain !
"A la fin des années 70, quand Jean-Paul II est venu au Mexique, les fidèles lui lançaient 'Jean-Paul, mon ami, tu es déjà Mexicain', et on pourrait dire la même chose à Gignac", considère Joaquín Beltrán, double-champion du Mexique en 2004 avec Pumas et aujourd'hui consultant pour la chaîne MarcaClaro. "En fait, dans son processus d'adaptation, il est tout de suite allé vers les gens, s'est intéressé à notre culture, et a montré que rien ne lui était dû", ajoute l'ex-défenseur aux 17 sélections. Cette symbiose entre le Français et son pays d'adoption est l'une des clés de sa popularité, mais aussi l'un des moteurs de sa réussite, alors qu'il reste compétitif, à 36 ans. Le "franchute" a d'ailleurs déjà confié à plusieurs reprises qu'il se sentait tellement bien outre-Atlantique qu'il n'envisageait pas de retour en France, même au terme de sa carrière.
Le voir aujourd'hui encore à Monterrey, ou plus précisément à San Pedro, banlieue cossue de la grande ville du nord mexicain, ne peut donc plus étonner. Mais qu'il reste, en 2022, l'un des meilleurs joueurs, voire le meilleur joueur de la LigaMX, nom du championnat national, n'était pas forcément attendu. Quand il a signé avec Tigres, à 29 ans, certains le voyaient d'ailleurs partir en pré-retraite, et ses antécédents de condition physique fluctuante ne plaidaient pas pour le scénario d'un talent pérenne.
Mais dans la foulée d'une saison marseillaise où Marcelo Bielsa lui avait fait franchir un nouveau cap, André-Pierre Gignac s'est comporté d'emblée en leader. Un joueur qui doit donner l'exemple et qui met d'ailleurs les bouchées doubles en dehors du terrain, notamment avec l'appui de la structure de son préparateur physique personnel, Christophe Manouvrier. Un joueur qui entretient aussi des relations soutenues avec les supporters des Tigres, au point de s'être lié d'amitié avec des membres de la barra (ultras) Libres y Lokos.

Le héros des Tigres

Gignac est tout à la fois l'idole, mais aussi le "cuate", le pote. "On sent sa sincérité dans son rapport aux fans, à notre culture", estime d'ailleurs Erika Murillo, fan des Tigres de 37 ans et abonnée depuis 2009. "Ca crée un rapport de proximité, et dans le reste du pays, quand ils voient qu'il apprécie la musique mexicaine, je crois que ça génère aussi de la sympathie, de la fierté".
En presque un septennat au Mexique, le goleador a certes connu quelques passages à vide, mais il a trop souvent tutoyé les sommets pour que cela conduise à mettre un bémol à sa réussite. Le week-end dernier encore, la presse et les réseaux se sont emballés pour APG, actuel meilleur buteur du tournoi de clôture (janvier-juin), quand il a mangé physiquement un jeune défenseur central de Tijuana pour inscrire le dixième but de sa saison et aidé Tigres à prendre la tête du championnat.
Le journal SDP Noticias mettait en avant "le héros du Club Tigres", alors que Cancha titrait sur "La force du leader", avec une immense photo du Français en une. "Aujourd'hui encore, il est pour moi la star de notre championnat, je ne vois personne à son niveau", considère l'ex- international, Joaquín Beltrán. "Il faut dire que la philosophie du nouvel entraîneur, Miguel Herrera (arrivé en mai 2021, ndlr) lui va comme un gant. Tigres joue plus haut, prend plus de risques, et Gignac reçoit davantage de ballons de but". Au mois de mai, l'ex-Marseillais pourrait d'ailleurs devenir le plus vieux goleador du championnat du Mexique tout en luttant pour un sixième titre national.
Pour mesurer l'impact du Bomboro, son surnom local, il suffit de rappeler que Tigres n'avait remporté que trois titres avant lui. Mais Gignac a aussi largement contribué au premier sacre du club en Ligue des champions de la Concacaf (2020), et dans la foulée, à la meilleure performance d'un club mexicain au Mondial des clubs, en atteignant la finale, perdue face au Bayern Munich (1-0). L'ex-Marseillais avait marqué en quart et en demi-finale, les trois seuls buts des siens. "En fait, avant lui, il nous manquait ce joueur qui apparaissait dans les moments importants, dit Erika Murillo, notre histoire était davantage liée à des revers qu'à des succès. Si on se qualifiait pour la Liguilla (play-offs qui couronnent chaque tournoi semestriel, ndlr) et qu'on gagnait le clasico face aux Rayados (l'autre club de Monterrey, ndlr), ça nous allait". Désormais, au Mexique, on débat pour savoir si Tigres peut intégrer la caste des grands de l'histoire du foot mexicain, aux côtés des Chivas, América, Pumas, ou Cruz Azul.
Contrairement aux autres, Gignac est arrivé au meilleur moment de sa carrière
Le phénomène Gignac paraît difficile à reproduire. Il faudrait gagner beaucoup, être décisif, tout en entretenant une relation fusionnelle avec les fans et le pays. "Ce qui le distingue de la plupart des Européens venus ici, c'est que lui est arrivé au meilleur moment de sa carrière, relève Beltrán, qui a notamment côtoyé aux Pumas (1996-1997) un Bernd Schuster qui approchait la quarantaine, et qu'il n'a pas connu de saison de transition. Il a tout de suite été performant".
Tigres a pourtant tenté de répéter son coup de maître, en misant sur Andy Delort, Timothée Kolodziedjack, et aujourd'hui, Florian Thauvin. Les deux premiers n'ont jamais vraiment convaincu l'ex-entraîneur, Ricardo Ferretti, et sont repartis sans avoir pu faire leurs preuves, alors que le dernier commence tout juste à donner sa pleine mesure après une première saison laborieuse. Les incomparables, surnom des supporters de Tigres, attendent toutefois beaucoup de Thauvin. Pour eux, compter sur un champion du monde dans leur effectif est un grand motif de fierté, et ils le lui avaient montré en lui réservant un accueil de star quand il avait débarqué à Monterrey, en juin dernier. Mais il reste quelques sommets à gravir au milieu offensif de 29 ans pour pouvoir se situer à la hauteur du monument Gignac.
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Florian Thauvin félicité par André-Pierre Gignac après son but avec les Tigres

Crédit: Getty Images

Dans la ville mexicaine où la passion pour le football est la plus palpable, André-Pierre Gignac a des peintures murales à son effigie, un stand de tacos à son nom, et chacune de ses apparitions charrie la mélodie des "Guignac, Guignac, Guignac", la manière dont les Mexicains prononcent son nom. Il a tout de même ses critiques, qui s'en prennent surtout à son habitude d'apostropher des arbitres qui ne sanctionnent que rarement la star du championnat.
Mais même dans le camp d'en face, chez les Rayados, on s'incline devant son talent. "Mes copines fans des Rayados le trouvent beau gosse et mes copains nous l'envient", résume Erika Murillo. "Dans tout le pays, il y a beaucoup de respect envers lui, on apprécie qu'il ait eu cette démarche de quitter la France pour venir ici, mais ce qui m'étonne le plus, étant donné son niveau, est qu'il soit resté", ajoute Beltrán. Gignac a pourtant eu des offres venues d'Europe, de Chine (un contrat bien supérieur aux près de 4 millions d'euros annuels qu'il touche aujourd'hui), ou de grands d'Amérique Latine (Boca, Flamengo). Mais il a tout simplement trouvé son bonheur au Mexique. Où l'ex-international français continue d'écrire sa légende. Dans son autre patrie.
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