Chapron dans la tempête

On dit souvent d'un arbitre qu'il a fait un bon match lorsque l'on ne l'a pas vu. Visiblement, Tony Chapron n'est pas de cet avis et a une fâcheuse tendance à faire parler de lui. Mercredi, c'est lors de Valenciennes-Bordeaux qu'il s'est illustré, au grand dam de Francis Decourrière. "Il faut que la Ligue se penche sur l'arbitrage", s'est emporté le président de VA, estimant que la prestation de l'homme en noir, qui a sorti deux cartons rouges contre Valenciennes et exclu du banc l'entraîneur Antoine Kombouaré, était "la caricature de ce qui ne doit pas arriver". Selon lui, l'arbitre aurait déclaré à des joueurs de Valenciennes : "On fera tout pour que vous descendiez en L2. Les cartons ce soir, c'est pour Valenciennes". Dès le coup de sifflet final, M. Decourrière aurait même franchi la ligne jaune, selon des témoins. "Vous êtes une raclure de bidet, une honte de l'humanité. C'est scandaleux", aurait-il notamment lancé à l'arbitre.

Au coeur de la polémique, Rafael Schmitz a dénoncé des insultes émanant de l'arbitre lors d'incidents survenus à la mi-temps du match. Selon le capitaine et défenseur de Valenciennes, M. Chapron a été grossier. "J'avais été lui demandé pourquoi il ne mettait pas de carton pour une faute sur Rudy (Mater). Il ne m'a rien dit et après, il m'a dit que sur la deuxième mi-temps, on va vous enc... . Je lui ai dit: 'vous êtes sérieux de dire ça ?'" , a-t-il témoigné. "Après, il a tenu sa parole jusqu'au bout. En première mi-temps, il a dit surtout à Rudy que la saison prochaine, on serait en Ligue 2. Après, qu'est ce que tu veux dire. Il m'a dit: 'de toute façon vous n'avez rien à dire, c'est moi qui siffle'" , a ajouté le défenseur brésilien.

Comme il l'avait déjà fait plus tôt dans la saison en Coupe de France après Toulouse-Lille, où il avait expulsé trois joueurs dans un match plutôt correct, Tony Chapron est monté au créneau pour se défendre et livré sa version des faits. "On a eu la visite d'Antoine Kombouaré à la mi-temps. On lui a donné des explications (sur des propos injurieux rapportés par Rafael). Malheureusement, il n'a pas cru notre version. On était quatre à entendre la même chose. Apparemment la parole des joueurs compte plus que la mienne. Vous pouvez vérifier les propos que j'ai tenus sur les images, vous pouvez lire sur mes lèvres", a-t-il affirmé. "Je n'insulte jamais les joueurs. Je me fais insulter. C'est pour ça que j'ai exclu M. Pieroni. Si j'insulte les joueurs et que je les expulse ensuite s'ils m'insultent: je ne suis pas cohérent. Je les exclus parce qu'ils m'insultent. C'était le cas à Toulouse", a-t-il encore argumenté. L'arbitre a ensuite analysé son match et demandé si ses "décisions ont été contraires à Valenciennes ou ont modifié le score ?" . "A mon avis, non", a-t-il répondu.

Alors qui faut-il croire ? Le hic, c'est que M. Chapron n'en est pas à son coup d'essai. L'arbitre international s'était déjà illustré en sifflant deux penalties désormais célèbres à l'encontre du Parisien Mario Yepes pour tirage de maillot face à Sochaux en 2006-2007 (3-2). La saison dernière, lors de Lorient-Caen, le Merlu Rafik Saïfi s'était plaint que M. Chapron lui avait demandé de "fermer (sa) gueule". Dans le même registre, son attitude lors de Nice-Monaco (0-0) avait surpris les joueurs. "C'est la première fois en douze ans de carrière que je vois ça. Il y a des mots qui m'ont choqué, agressé, gêné. L'arbitre nous a envoyés bouler plusieurs fois. Nous, on se fait taper sur les doigts quand on a des mots. Mais il faudrait du respect des deux côtés" , accusait alors François Modesto. Son arbitrage lors de Marseille-Lorient (2-3) avait également fait couler de l'encre. "Je suis abattu. Comment ne pas l'être après une prestation comme celle là" , s'était-il d'ailleurs excusé. Ça commence à faire beaucoup pour croire à une simple coïncidence...

Récemment, Marc Batta, le patron des arbitres, avait pourtant délivré un message pour gérer des rencontres forcément "tendues" : "faire la différence entre contestation et frustration". Dans une interview accordée en 2008 au Dauphiné, où il soulignait le fait que "l'arbitre fait moins d'1 % d'erreur par match", Tony Chapron avait une vision différente des choses. "Les discussions tendues, ça a toujours existé. Le souci, c'est qu'aujourd'hui chaque arbitre a un micro, ce qui permet de critiquer tout ce qui se passe sur le terrain. On ne peut donc plus se permettre de parler et je peux vous dire qu'autrefois, les arbitres étaient bien plus sévères" , semblait-il regretter. Et aussi meilleurs ? Une chose est sûre, ce nouvel épisode ne réconciliera pas les arbitres avec le monde du football.