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Humour, influence : Ces supporters 2.0 qui pèsent

Christophe-Cécil Garnier et Frédéric Scarbonchi

Mis à jour 29/03/2018 à 17:09 GMT+2

De plus en plus de supporters se regroupent et se retrouvent sur les réseaux sociaux pour commenter l'actualité de leur club préféré et du football en général. Le plus souvent avec un humour fédérateur qui fait mouche.

Malherbe Normandy Kop

Crédit: Getty Images

"Bonjour, nous allons vous poutrer". Chaque jour de match du SM Caen, c’est la même rengaine : le compte We are Malherbe - WaM, pour les intimes - interpelle son adversaire et lui annonce un funeste destin. Un gimmick qui s’est imposé rapidement dans l’esprit de ce groupe suivi par plus de 37 000 personnes sur Twitter. Au point que même le compte du club a tweeté "On vous a poutré", un soir de victoire contre Lyon. "On s’est mis à le dire à un club et c’est devenu une habitude, explique Sébastien, un des membres majeurs du compte, au sweat siglé WaM. Parfois, quand on le fait pas assez tôt, on a des gens qui nous disent : 'Vous n’avez pas annoncé le poutrage !'".
We are Malherbe est tendance, comme l’humour sur l’actualité d’un club. Outre les Normands, Capitole FC à Toulouse, la Team Quintal à Nantes ou encore les Roud Boys à Guingamp manient la vanne sur les réseaux sociaux. Ces fans deviennent des figures sur la toile et ne sont, généralement, pas seulement suivi par les supporters de leur équipe, mais par toute une Twittosphère, souvent jeune. Au contraire de ceux-ci. "C'est étonnant à cet âge qu'on sache se servir d'un ordinateur", se moque La Caencaneuse, une des deux seules filles à sévir sur WaM, quand on lui fait remarquer que la plupart des membres derrière le compte sont plus âgés que leur public, à l’image de Sébastien, âgé de 36 ans.

WaM inspire

En dehors du réseau social, qui fait leur postérité, certains deviennent de véritables médias, et une petite armée. We are Malherbe compte 28 membres, un site internet léché avec des nombreux articles et même une émission sur Radio Phénix, avec des invités importants, comme Rémy Vercoutre dernièrement. De quoi avoir de l’influence sur l’environnement de son équipe.
Les trublions caennais ont été parmi les premiers à se lancer sur la ligne de l’humour en collectif. Au point d’inspirer les Capitole FC et les Roud Boys. WaM a envoyé leurs statuts d’association aux premiers, précise Sébastien en sirotant sa bière. Bastien, des Roud Boys, rencontré à l’occasion d’un derby breton entre Guingamp et Rennes, assume que WaM et le Capitole FC sont "des inspirations". "Ça manquait à Guingamp. Il y avait juste la version officielle du club." Tout cela a motivé la création des Roud Boys, une dizaine de membres désormais, il y a deux ans et demi. Un autre élément a joué. Bastien : "Ça se prête peut-être plus dans des clubs plus petits, plus conviviaux." La Caencaneuse abonde : "Je pense qu’il y a beaucoup de clubs où tu peux moins faire de second degré. Nous, quand on en fait, tout le monde s’en fout !" De telles vannes seraient moins aisées à faire à Marseille ou Paris, estiment les Caennais.
Bonjour, cher ami, c’est Pascal Praud
Moins clivants, peut-être, mais sachant faire usage de la force des réseaux sociaux. Diego Boustosse raconte deux expériences pour illustrer celle-ci. La première, au sujet de son club : "Lors de la dernière saison de Der Zakarian, l’arrivée de René Girard était dans les tuyaux. Pour moi, c’était la fin du monde. Je commence à lancer un hashtag 'tout sauf Girard'. Ça monte un peu, je me retrouve interviewé par un Riolo mort de rire. Dernier match de la saison, le capo de la Brigade Loire prend le micro et crie : 'René Girard on n’en veut pas !'. Toute la tribune reprend. Tu te dis que ça part d’un petit truc. Si on peut faire un peu bouger les choses…” Même s’il est difficile d’estimer qu’une telle défiance vient d’un twittos, Diego Boustosse avait bien saisi une tendance : tout le but des réseaux sociaux.
Autre histoire, autre illustration de l’influence de Twitter : "Pascal Praud balance un tweet. Je lui réponds un truc un peu sec. Le téléphone de ma boite sonne quelque temps après :
- Allo ?
- Bonjour cher ami.
C’était lui ! On a parlé une demi-heure. Ça démontre la puissance de Twitter”. Depuis, les deux se cherchent et se répondent régulièrement. Et le supporter nantais ne se prive pas de temps en temps de lui rappeler cet appel lunaire, même s’il n’en dira pas plus sur la teneur de la discussion.

La vanne devient un métier

Ce succès sur Twitter peut aussi permettre de se révéler autrement. Diego Boustosse, dans la vraie vie, s’appelle Antoine Josse. Il est patron d’une boite dans le bâtiment. Sa notoriété de fan et ses compétences lui permettent de rédiger un article dans Ouest-France au sujet du projet Yellow Park. D’autres influenceurs en ont profité pour faire de leur aisance à tweeter un métier, en devenant community manager, comme l’ancien Claude Pèze chez les Girondins de Bordeaux. Les sites de paris sportifs tentent également de mettre en place des partenariats avec les comptes les plus prestigieux. Sébastien, de We Are Malherbe : "Les sites de paris sportifs n’arrêtent pas de nous solliciter. Il y a un accord moral entre nous : refuser. De toute façon, on toucherait de la thune, il faudrait diviser en 28… Notre indépendance, elle est réelle. On trempe dans rien du tout." La Caencaneuse poursuit : "On aurait pu profiter de notre audience pour écrire des articles putassiers ou scander des 'Garande démission' quand ça n'allait pas. Mais ce n’est pas du tout notre truc."
L’indépendance est une denrée rare et ces comptes de supporters influents doivent également se protéger des clubs qu’ils supportent. Exemple avec Loïc Durand, alias Perfettu, fan de l’AC Ajaccio. Celui qui ne loupe aucun match à l’extérieur de son équipe a l’habitude de sévir sur Horsjeu.net, un site où le millième degré est un minimum à avoir. Il y a quelques saisons, le président acéiste l’interpelle : "Tu ne recommences plus jamais sinon tu auras des soucis. Tu donnes une mauvaise image du club." À l’époque, Loïc avait parlé de cet échange musclé sur Twitter. Aujourd’hui, il peut tweeter en direct de la bergerie de l’actuel président, Léon Luciani, qui l’invite à manger. Les comptes agissent souvent en toute indépendance, mais le regard des clubs est plutôt bienveillant.

Andy Delort prend la mouche

Parfois, c’est avec les joueurs que ça ne passe pas. Si We Are Malherbe voue un culte à Nicolas Seube et blague avec Emmanuel Imorou, ils se sont déjà pris des menaces de la part d’Andy Delort. Une histoire de tweet et d’humour pas compatible. "Il nous a dit de nous rencontrer avec ses cousins pour qu’on s’explique. On n’a pas répondu à l’invitation. On est tout sauf courageux", se marrent-ils.
Ces supporters 2.0 doivent aussi apprendre à exister à côté de ceux qui animent les tribunes pendant qu’ils pianotent sur leurs smartphones. A Toulouse, les rapports entre les Indians et le Capitole FC sont inexistants. Les Roud Boys de Guingamp ne sont pas abonnés au Kop Rouge. Seul WaM assiste aux rencontres à quelques sièges du Malherbe Normandy Kop. Ce sont deux mondes qui vivent l’un à côté de l’autre mais ne se comprennent pas toujours. S’ils font des efforts pour ne pas tweeter en étant au stade, sachant que les "supporters actifs" abhorrent l’utilisation de la technologie au stade, ils ne comprennent pas tous la mise en sommeil du MNK, après le vol d’une bâche, jusqu’à écrire un article ironique sur le sujet. Un choix éditorial pas forcément apprécié des membres du MNK. D’autres codes, une autre culture, mais un même amour.
Et rien, sauf une énorme coupure réseau, ne les fera arrêter. En tout cas, pas avant d’atteindre l’ultime objectif, fixé ironiquement par un membre du groupe. "Quand on a lancé le groupe, c’était pour draguer des filles. On n’a toujours pas réussi."
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