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Comment la Ligue 1 s'adapte au ramadan : "Le principal défi, c'est la déshydratation"

Cyril Morin

Mis à jour 09/04/2023 à 12:53 GMT+2

Depuis le 22 mars, le ramadan a débuté en France, impactant aussi les sportifs de haut niveau via leur alimentation. En Ligue 1, les stratégies diffèrent. Antoine Kombouaré, à Nantes, a expliqué ne pas pouvoir aligner un joueur à jeûne pour un match de L1. De son côté, l'AS Monaco a opté pour une autre stratégie. Preuve que le sujet n'a pas encore trouvé une réponse claire et limpide partout.

L'équipe de l'AS Monaco en Ligue 1

Crédit: Getty Images

De la jugeote et de l'adaptation. Dans son livre "Il n'y a pas que le foot dans la vie", Guy Roux s'était penché sur un sujet récurrent mais toujours aussi discuté en France : la gestion du ramadan dans les clubs professionnels. Le mythique entraîneur auxerrois, curieux par nature, avait décroché son téléphone pour trouver toutes les réponses aux questions qu'il se posait sur le sujet.
A l'autre bout du fil, c'est Dalil Boubakeur, ancien recteur de la Grande Mosquée de Paris, qui lui avait égrené les règles à respecter et comment accompagner au mieux les joueurs dans cette période de jeûne. Fruits secs et bananes pour la rupture du jeûne, beefsteak à 5 heures du matin : "C'était un problème pratique à gérer, rien d'insurmontable". Rien d'insurmontable, certes, mais rien d'évident non plus près de deux décennies plus tard.
Alors que le ramadan, mois sacré de l'islam, a débuté le 22 mars dernier en France, le sujet s'est invité à nouveau dans les débats à la faveur de deux décisions. La première, issue de la FFF, de refuser l'arrêt des matches pour rupture du jeûne, à l'inverse des préconisations faites en Angleterre où la Premier League accorde un court délai aux joueurs pour s'hydrater et s'alimenter en cours de match, comme cela fut le cas lors de Chelsea-Liverpool par exemple (0-0). La deuxième fut plus commentée, encore.
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Bruno Saltor et N'Golo Kanté lors de Chelsea-Liverpool

Crédit: Getty Images

"Jamais nous n'imposerions aux joueurs de manger en jour de match"

A Nantes, en "accord" avec son joueur, Antoine Kombouaré a décidé de ne pas retenir le jeune Jaouen Hajdam de ses groupes pendant la période, qui s'étire jusqu'au 21 avril. Le coach nantais a été clair sur le "cadre" qu'il veut pour son équipe et les "règles pour tout le monde" : en jour de match, il "préfère que les garçons mangent avec nous, parce qu’au-delà de prendre des forces pour le match, c’est aussi un moment de partage". Sa longue réponse argumentée, donnée mardi dernier, balayant l'idée d'une polémique, remet sur le devant de la scène les différentes approches face à ce sujet mêlant croyance, performance et santé.
Alors, comment les clubs de L1 s'adaptent-ils dans cette période ? A Lens, les joueurs ont pris la décision de respecter le jeûne en semaine mais de s'alimenter et s'hydrater les jours de match, comme l'expliquait Franck Haise mercredi. A Rennes, Bruno Génésio demande simplement aux joueurs concernés de prendre part aux moments collectifs avant les matches.
A Monaco, on insiste sur la préparation en amont. "On a plusieurs joueurs qui sont concernés par le ramadan, nous explique James Bunce, responsable de la performance au club. Certains le suivent totalement hormis les jours de match, d'autres le suivent aussi ces jours-là, il n'y a pas de règle. Si un joueur décide de faire le jeûne les jours de match, il faut bien sûr inclure d'autres étapes en amont pour protéger le joueur, qu'il soit suffisamment hydraté et nourri pour le match. Mais jamais nous n'imposerions aux joueurs de manger en jour de match. Ce sont des joueurs professionnels mais surtout des adultes qui font des choix par eux-mêmes, on est simplement là pour les aider et les accompagner dans cette démarche".
Interrogé sur le sujet, Didier Digard, coach de l'OGC Nice, avait adopté la même ligne : "Le ramadan est une pratique que le joueur subit moins lorsqu'il le fait avec conviction, avait-il expliqué. S'ils en ont besoin, on aide nos joueurs, on suit leur alimentation et leur hydratation. Dans ces circonstances, on juge uniquement la performance des joueurs, on ne s'arrête pas sur qui le fait ou qui ne le fait pas. On ne juge pas". Reste que le défi est réel pour les staffs professionnels, notamment pour ceux en charge de la performance physique.
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Didier Digard, le coach de l'OGC Nice

Crédit: Getty Images

Risque de blessure plus élevé ?

A Monaco, c'est le diététicien Raphaël Tourraton qui veille à individualiser au maximum les programmes et accompagner les joueurs au quotidien pendant ces périodes de jeûne, qui existe aussi pendant le Carême chez certains joueurs. "Dans le contexte actuel et vu la région dans laquelle nous sommes, le principal défi est celui de la déshydratation, explique-t-il. C'est ce qui va le plus impacter sur la performance. Malheureusement, sur ce sujet-là, il n'y a pas de recette miracle même si chaque joueur a sa façon d'appréhender cette période-là. Certains pratiquent par exemple le "mouth-rinsing", qui leur permet de se rincer sa bouche avec de l'eau sans l'avaler. C'est déjà un stimulus qui peut limiter certains effets de la déshydratation".
Pour ce faire, aucune recette magique. Mais une conclusion logique, à savoir privilégier autant que possible le cycle de trois repas par jour : la rupture du jeûne, un dîner avant le coucher et un petit-déjeuner aux aurores. "Idéalement, il y a des bases à respecter et des habitudes à avoir, reprend le diététicien de l'AS Monaco. Quand ils cassent le jeûne, l'idée c'est qu'ils le fassent avec des aliments denses d'un point de vue nutritionnel. Typiquement, les joueurs qui vont casser le jeûne en ayant soif, je vais plutôt leur conseiller de boire des jus, des smoothies ou du lait plutôt que de l'eau. Tout simplement pour pouvoir allier hydratation et apports nutritionnels. L'idéal, aussi, est d'essayer qu'il y ait deux prises alimentaires avant le coucher. Cette rupture du jeûne et un autre repas. Le risque, notamment pour les jeunes, c'est qu'ils aient très faim et très soif au moment de casser le jeûne. Ils vont alors manger et boire de manière un peu compulsive. Ils vont se sentir calés et ne plus forcément avoir faim vers 22h-22h30 et iront se coucher. Ce qui fait qu'ils sauteront un repas voire un deuxième si on prend le scénario catastrophe où ils ne vont pas se réveiller ou avoir le courage de se lever pour manger".
A la cafétéria du centre de performance monégasque, les joueurs peuvent repartir avec de quoi casser le jeûne mais aussi de quoi préparer le deuxième repas du soir. Le suivi est tel que les chefs personnels de certains joueurs sont aussi associés. Reste cette question latente : peut-on vraiment jouer en étant à jeun sans que cela ne représente un risque pour les joueurs ? "Moi, je protège mes joueurs en même temps", avançait d'ailleurs Kombouaré au moment d'expliciter sa décision. A Monaco, où la data est au centre de la performance, on n'a observé aucun chiffre prouvant le lien de cause à effet.
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Antoine Kombouaré

Crédit: Imago

Benzema, le contre-exemple parfait

"On a énormément de chance puisque nous sommes l'équipe de L1 la moins touchée par les blessures actuellement, sourit James Bunce. Donc on ne voit pas de réelle tendance chez nous. Et là encore, c'est très facile de relier ces blessures au jeûne. Mais la blessure est un phénomène complexe, avec de multiples facteurs. Cela peut être dû à la charge de travail à l'entraînement, à une blessure mal soignée en amont, au gazon, à un duel, à une mauvaise réception aérienne. Il faut être vraiment très fort pour identifier que la racine de la blessure vienne du ramadan".
Quant aux performances pures, là non plus, aucun indicateur alarmant, à en croire le pôle performance monégasque. Variations de poids et de masses musculaires assez faibles, rien de significatif non plus sur des carences en endurance ou sur les sprints à haute intensité. L'effet existe, bien sûr, mais il se mêle à tous les autres éléments de contexte d'un match rendant compliquée une corrélation directe entre ramadan et baisse de performance.
Après son triplé à Stamford Bridge l'an passé (1-3), le confirmant un peu plus dans son statut de Ballon d'Or en puissance, Karim Benzema avait expliqué en quoi cette période particulière ne changeait finalement… rien : "Le ramadan n’a aucun impact et fait partie de ma vie et ma religion fait du ramadan une obligation. Pour moi, c’est très important et je me sens bien quand je jeûne". Depuis le 22 mars 2023, KB9 a disputé deux matches pour… deux triplés. Difficile de faire plus limpide.
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