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Lorient, Strasbourg, Troyes - Clubs satellites, "farm team" : Peur sur la Ligue 1, nouvelle annexe de Premier League ?

Martin Mosnier

Mis à jour 25/05/2023 à 20:49 GMT+2

Troyes fait désormais partie du City Group. A Lorient, Bill Foley, le propriétaire de Bournemouth, va entrer dans le capital à hauteur de 40%. Strasbourg, qui cherche de nouveaux investisseurs, discute avec Chelsea. La Premier League regarde avec appétit une Ligue 1 fragilisée par des crises successives. La L1 va-t-elle devenir une succursale de Premier League ? La crainte est réelle.

Bournemouth-Lorient : "C'est la mort du foot"

Est-ce que la saison de Troyes en Ligue 2 débutera par un tour d'honneur du trophée de Premier League comme en septembre 2021 ? Car si l'ESTAC sort d'une saison ratée ponctuée par une relégation, le City Group, son propriétaire, peut se réjouir d'avoir remporté la Premier League avec Manchester City en attendant peut-être mieux et son premier sacre en Ligue des champions. De quoi apaiser les tourments troyens ? Pas certain qu'on sorte les cotillons dans l'Aube autour de ce lien artificiel.
Troyes appartient aujourd'hui à une association de clubs et l'ESTAC n'en est pas la tête de gondole. Irrigué par l'argent d'Abu Dhabi qui a racheté des formations entre autres à New York, Melbourne, Bombay et bien sûr en Angleterre (Manchester City), Troyes a gonflé son budget mais n'est plus qu'un parmi dix. L'objectif était de pérenniser le club en L1, c'est raté. En cause, la décision de nommer Patrick Kisnorbo, coach de Melbourne City, club appartenant à la même galaxie, pour remplacer un Bruno Irles alors à la tête de la 12e équipe du championnat et rendre plus attrayant le jeu aubois.
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Quand la Premier Legaue se sert de la Ligue 1 comme d'une succursale

Crédit: Quentin Guichard

La dégringolade fut violente et pose question sur le mode de gouvernance et la place occupée par l'ESTAC dans le City Group. La greffe a, en tout cas, bien du mal à prendre entre la maison mère et les supporters aubois, toujours très réticents envers leur nouvel actionnaire.

Lorient "farm team" ? "Un endroit où nous pouvons placer et acheter des joueurs"

Mais l'exemple troyen pourrait faire tâche d'huile en Ligue 1. "Les clubs sortent fragilisés du covid, les propriétaires actuels des clubs aux surfaces financières limitées vont chercher de nouveaux actionnaires et il y a de bonnes affaires à boucler, note Vincent Chaudel, fondateur de l'observatoire du Sport Business. Et la France a l'image de pays formateur et l’habitude de donner du temps de jeu à des jeunes. Ce qui explique la vague d'investissement à venir."
Le but est clair autour de ces MCO (pour multi club-owners) : acheter un club de moindre envergure pour développer ses propres jeunes, donner du temps de jeu à des joueurs en situation d'échec et avoir un pied dans un marché français où foisonnent les talents. En retour, le club grand frère assure une sécurité et une stabilité financière à des clubs fragilisés ces dernières années.
A Lorient, les Merlus vont ainsi ouvrir en juin leur capital à hauteur de 40% à Bill Foley, propriétaire par ailleurs du club anglais de Bournemouth. Et si Loïc Féry, président du FCL, clame qu'il reste le décisionnaire, que rien ne changera avant 2026 et le centenaire du club, Foley a jeté le trouble dans une interview accordée à The Athletic. Il y détaille ses objectifs et notamment de faire de Bournemouth le "fleuron de sa flotte multi-clubs". Quelle place pour Lorient ? "C’est un endroit où nous pouvons placer et acheter des joueurs, tranche le milliardaire américain dans l’interview. Le modèle multi-clubs est la deuxième partie de l’histoire. Si je dois acquérir des joueurs, pourquoi ne pas le faire à moi-même ? C’est beaucoup moins cher."

Lorient, centre de formation du 15e de Premier League ?

La suite de l'interview donne une idée encore plus précise de l'idée que se fait Foley du FC Lorient :
The Athletic : La plupart des propriétaires de plusieurs clubs ne le disent pas à haute voix, car aucun fan européen ne veut que son équipe soit une "farm team". Le regrettez-vous ?
Foley : "Je suis juste honnête. De nombreux joueurs de Ligue 1 veulent rejoindre la Premier League, et nous voulons leur donner cette opportunité. Nous ne voulons pas que Loïc vende tous ses meilleurs joueurs. Nous voulons qu'il ait la possibilité d'atteindre l'Europe."
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Bill Foley, propriétaire de Bournemouth, va entrer à hauteur de 40% dans le capital de Lorient

Crédit: Getty Images

Lorient deviendrait donc le centre de formation de l'actuel 15e de Premier League. La saison en cours laisse imaginer comment pourrait s'écrire à terme l'avenir des Merlus. Engagé dans la course à l'Europe à l'automne dernier, Lorient a hypothéqué toutes ses chances en vendant cet hiver ses meilleurs joueurs et notamment Dango Ouattara (auteur de 6 buts et 5 passes décisives avant la trêve) à… Bournemouth. Si Loïc Féry a toujours promis que Lorient ne serait jamais un club filiale, ses supporters en sont moins certains.
On sera dans un système pyramidal mais pas au sommet de la pyramide
"Notre crainte, c'est de devenir une succursale, on sera dans un système pyramidal et, bien sûr, on ne sera pas au sommet de cette pyramide, prévient Florian, kapo du groupe Merlus 95. Foley n'est pas un passionné de foot, il ne connaît rien à notre territoire, à notre région. Il ne savait pas situer Lorient sur une carte avant de discuter avec Loïc Féry. On a compris que le président souhaitait rester jusqu'aux 100 ans du club puis s’offrir une porte de sortie, mais qui pour reprendre le club derrière ? Bill Foley et sa société américaine ? On est contre cela, et on s’y opposera coûte que coûte…"
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Terem Moffi, Ibrahima Koné et Dango Ouattara (de gauche à droite) face à Nice, le 30 octobre 2022

Crédit: Getty Images

Contrairement à Lyon qui occupe la position dominante d'une association de clubs qui unit Botafogo, Coventry et Molenbeek, la crainte d'un déclassement est réelle à Lorient alors que deux clubs d'un même propriétaire ne peuvent disputer la même compétition européenne. Et si, comme semble le penser Foley, tous les efforts seront dirigés vers Bournemouth, l'avenir de Lorient semble bien terne. "Alors Loïc, toujours aussi sûr que le FCL ne deviendra pas une succursale ?", interrogeait le week-end dernier une banderole déployée au Moustoir.
A la Meinau, c'est avec la même hostilité que les supporters accueillent les rumeurs de rachat de Todd Boehly, le nouveau propriétaire de Chelsea. Celui-ci voudrait, selon la presse anglaise, lancer son projet multi-clubs en acquérant une participation majoritaire dans le club portugais de Portimonense et.. du Racing.
"Nous sommes contre ce projet de rachat, tranche d'entrée Daniel De Almeida, président du Kop Ciel et Blanc. En Alsace, on a un esprit différent avec des valeurs de travail et de solidarité. Dans ce genre de groupe, tout ça va se noyer. Je crains la perte de notre identité et de l'âme de notre club. Dans ces structures, les clubs en bas tirent peu de bénéfices. On sera là pour former des jeunes pour irriguer les formations supérieures. Troyes n'en a tiré aucun bénéfice. Aujourd'hui, ils descendent dans l'anonymat le plus total. C'est ce qu'on risque aujourd'hui si on adhère à ce projet."
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Le président strasbourgeois Marc Keller

Crédit: Getty Images

On n'a pas accepté en France que nos niveaux de performance soient liés à notre niveau économique
Même si la confiance en Marc Keller est réelle, le doute a gagné les rangs en Alsace. "Former des bons joueurs à Strasbourg pour les envoyer à Chelsea, ça ne nous intéresse pas, renchérit David Lohner, président de l'association de supporters Racing 68. Quel est le lien entre Chelsea et nous ? Il n'y en a pas." Vincent Chaudel y voit pourtant un intérêt : "Personne n'imagine Strasbourg tout de suite en Ligue des champions et c'est un club qui a toujours eu du mal à être soutenu par des actionnaires non Alsaciens. Chelsea a beaucoup de joueurs qui seraient intéressants pour Strasbourg et ça sécuriserait le club dans sa capacité à rester en L1."
La L1 paie aujourd'hui l'addition des crises du Covid et des droits TV. La recherche d'investisseurs puissants est parfois une question de survie. De l'autre côté de la Manche, les fortunes de Premier League guettent ce nid à talents et à promesses avec envie. "On n'a pas accepté en France que nos niveaux de performance soient liés à notre niveau économique, constate Vincent Chaudel. Désormais, le sport de haut niveau suppose d'avoir une grande surface financière." Pour survivre, une partie de la L1 doit-elle désormais devenir l'antichambre de la Premier League ? C’est contre cette fatalité que se débattent les associations de supporters.
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Todd Boehly, propriétaire de Chelsea

Crédit: Getty Images

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