Les plus populaires
Tous les sports
Voir tout

Olympique Lyonnais - De Cornet à Toko Ekambi : Pourquoi Lyon aime autant les buts contre son camp ?

Martin Mosnier

Mis à jour 19/01/2023 à 08:20 GMT+1

LIGUE 1 – Depuis plusieurs saisons, certains supporters de l'OL s'acharnent sur des joueurs de leur propre équipe, devenus les symboles du délitement sportif de l'ancien plus grand club français du XXIe siècle. Karl Toko Ekambi est le dernier bouc-émissaire d'une liste qui s'allonge saison après saison. Mais pourquoi le Groupama Stadium éprouve-t-il tant de haine envers ses propres ouailles ?

Pas d'effet Blanc à l'OL : "Ils ont besoin d'un entraîneur qui leur mette un coup de pied au cul"

La marmite a fini par déborder. Chahuté depuis des mois par ses propres supporters, moqué tous les jours sur les réseaux sociaux, Karl Toko Ekambi a fini par exploser dans les coursives du Groupama Stadium samedi dernier. La poubelle, qui n'avait rien demandé à personne, en a fait les frais d'un double high kick. Le placide Camerounais a explosé. Il faut dire que le traitement réservé à celui que certains fans surnomment Karl Poteau Et tant pis est particulièrement salé.
Samedi, bien avant que la rencontre démarre, il fut accueilli par une banderole au slogan sans équivoque : "Dégagez". Avec 32 buts et 14 passes décisives en 92 matches de Ligue 1, le deuxième meilleur buteur lyonnais des deux dernières saisons est loin d'être le seul responsable du marasme actuel. S'il est loin de son meilleur niveau, s'il brille par sa maladresse depuis des semaines, il paie aussi d'avoir déjà réagi aux quolibets de son propre camp. En avril dernier, face à Montpellier, alors que Décines le chahutait déjà vertement, il célébrait d'un doigt sur la bouche son but. Le Groupama Stadium n'oublie pas. Le Groupama Stadium n'oublie jamais. Surtout quand il s'agit d'enfoncer ses têtes de Turc.
Ça fait mal…
"Quand la deuxième période a démarré, il y avait des insultes de la part des supporters, confiait-il ce jour-là. C’était des insultes touchant les parents. Moi, j’ai perdu un parent proche, donc ça fait mal. De la part de nos supporters, ça fait mal." Jean-Michel Aulas avait alors menacé de partir si la situation ne s'améliorait pas. "On vit un cauchemar depuis quelque temps à Lyon, reconnaissait le boss. Les supporters, en s'en prenant spécifiquement aux joueurs, créent une relation de tension qui devient insupportable. On n'est plus dans un club de droit. C'est vrai qu'on ne fait pas une très grande saison mais on a de très bons joueurs et un très grand coach. Alors si le problème, c'est le président. Un jour, le président va se lasser de ce genre de réactions..."
picture

Caludio Beauvue, Maxwel Cornet, Karl Toko Ekambi, Marcelo et Léo Dubois ont tous été victimes de la colère des supporters lyonnais

Crédit: Quentin Guichard

C'est que Toko Ekambi est loin d'être un cas unique à Lyon. Bien sûr, l'OL n'a pas le monopole du but contre son camp. Le PSG a bien sifflé Lionel Messi, Neymar et même Kylian Mbappé dans un passé pas si lointain. Par essence, le supporter est versatile. Mais les Gones se sont souvent acharnés plus que de raison.
Depuis quelques années, le Groupama Stadium a ses bouc-émissaires qui portent comme un fardeau, et beaucoup plus que les autres, le déclassement lent mais net de l'Olympique Lyonnais. "En s'attaquant aux joueurs, le public s'attaque à l'institution et à Jean-Michel Aulas qui a toujours défendu bec et ongles ses hommes, note Fred Guerra, agent de joueurs et ancien représentant de l'attaquant camerounais. En critiquant Toko Ekambi, on critique aussi celui qui l'a mis sur le terrain et celui qui l'a acheté." TKE est le dernier souffre-douleur d'une longue liste.

L'âne Marcelo, les sifflets pour Beauvue, les moqueries pour Cornet

  • Sifflé après des débuts difficiles à Gerland en 2015, Claudio Beauvue est très vite entré dans un rapport de force avec son propre stade en enchaînant les célébrations provocatrices et un combo : doigt sur la bouche, main derrière les oreilles et maillot exhibé face au virage. En réponse, une bordée de "Beauvue, Beauvue, on t'enc…".
  • Marcelo, ulcéré par une banderole qui le représentait en âne, a, lui, adressé des doigts d'honneur à ses virages. Certains Lyonnais lui avaient même dédié une chanson ("T'es pas costaud, on ne sait pas qui t'es…") après une bagarre entre le joueur et ses supporters à l'aéroport de Lisbonne. Un traitement qui avait choqué d'autres joueurs de l'effectif, comme Memphis Depay qui avait failli en venir aux mains avec des membres du virage Nord un soir de Ligue des champions face à Leipzig.
  • Maxwel Cornet, lui, avait subi railleries et quolibets censés sanctionner sa maladresse devant le but. Longtemps le Groupama Stadium lui a reproché cette occasion ratée en demi-finale retour de Ligue des champions 2017 face à l'Ajax Amsterdam. "C'est plus difficile pour lui à domicile. Il faut le protéger et ne pas le remettre en difficulté", avait même choisi Bruno Genesio à cette époque. Ou quand les tribunes décident de la feuille de match.
  • Plus proche encore, Léo Dubois, brassard de capitaine autour du bras, a dû lui aussi affronter la vindicte populaire la saison dernière. Pourtant international tricolore, l'ancien Nantais a dû, comme Cornet, Beauvue, Marcelo, quitter le navire. "Je n'arrive pas à expliquer les critiques et pourquoi il a été sifflé, s'interrogeait Peter Bosz en janvier 2022. C'est le capitaine. Il ne mérite pas ça, et je ne comprends pas comment les supporters pensent."

A Lyon, ceux qui font de l'ombre aux Lyonnais…

Pourquoi tant de haine ? Les performances déclenchent initialement le mécontentement mais celui-ci se nourrit inlassablement au fil des semaines d'autres facteurs. Beauvue et Marcelo ont payé leur esprit frondeur face à des supporters qui ne pardonnent pas. Dubois et Cornet ont, un temps, été préférés sur les côtés de la défense à Malo Gusto ou Melvin Bard, deux purs produits du centre de formation.
picture

Claudio Beauvue face à Troyes

Crédit: AFP

Or, à Lyon, on ne touche pas aux Lyonnais. Là-bas, plus qu'ailleurs, le public est très attaché à la mise en avant de ces jeunes quitte parfois à gonfler les produits de l'académie au détriment des éléments extérieurs. Certains supporters ont aussi eu du mal à digérer que Bosz ait préféré Dubois à Anthony Lopes, ancien membre des Bad Gones, comme capitaine. Pour Toko Ekambi, le péché originel date de l'été 2020 quand son arrivée acte le départ d'Amine Gouiri, grand espoir du club, à Nice. Un transfert dont nombre de Lyonnais ne se sont jamais remis et que le Camerounais, pourtant innocent dans l'histoire, porte comme un fardeau.
Léo et sa famille sont blessés très profondément
Alimentés par une communauté extrêmement active et cinglante sur Twitter, ces longs épisodes contribuent à fracturer les relations entre les tribunes et l'équipe. Ils détruisent aussi les joueurs qui ont préféré ne pas répondre à nos sollicitations. "A l’heure des luttes contre tout type de harcèlement, le joueur lui subit cela avec une grande violence, nous renseigne Michael Manuello, agent de Léo Dubois. Léo et sa famille sont blessés très profondément. Tout joueur rentre pour donner le meilleur de lui et il n’est jamais seul responsable. Par contre, sa souffrance est grande. Si les supporters pensent se soulager en faisant cela, ils ne font que souffrir un homme, une famille, des enfants tout en affaiblissant une équipe."
picture

Léo Dubois (OL)

Crédit: Getty Images

"C'est aussi le reflet de notre société de plus en plus cruelle et qui refuse la moindre contrariété, note Fred Guerra. Je reconnais qu'à Lyon, le stade est plus méchant qu'ailleurs. C'est un public intransigeant parce qu'il a été nourri par des titres de champions de France dans les années 2000. D'un seul coup, c'est la dégringolade depuis que Genesio est parti. C'est un public de 'pourris gâtés' parce qu'ils ont été gavés pendant des années et n'acceptent pas la dégringolade."
Les joueurs ne sont d'ailleurs pas les seules victimes. Bruno Genesio et Rudi Garcia en ont fait les frais un temps. Tout comme aujourd'hui Bruno Cheyrou et Vincent Ponsot. Exigeant, le Groupama Stadium n'en finit plus de se payer les scalps des siens quitte à marquer contre son camp.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Sur le même sujet
Partager cet article
Publicité
Publicité