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"Si cette campagne combattait le racisme..." : football et homophobie, c'est quoi le problème ?

Martin Mosnier

Mis à jour 16/05/2023 à 10:58 GMT+2

Le week-end de lutte contre l'homophobie organisé par la LFP a une nouvelle fois été snobé par certains joueurs. Pour la première fois, certains d'entre eux ont même assumé leur geste et justifié leur refus de porter le flocage arc-en-ciel. Et des entraîneurs ont même remis en cause la tenue de cette opération. Mais pourquoi diable le football se crispe sur ces questions ?

Les joueurs de Monaco et de Lille lors du week-end de lutte contre l'homophobie organisée par la LFP

Crédit: Getty Images

"Il avait été cool,, il me semblait sensibilisé sur la question." Alors au centre de formation de Toulouse, Moussa Diarra suit un atelier de sensibilisation à l'homophobie dispensé par la fondation Foot Ensemble et Yoann Lemaire, son président, n'avait eu que des bons échos d'un jeune alors réceptif. La saison dernière, il figure sur la feuille de match du TFC lors d'une 38e journée de L2 où les joueurs professionnels arborent déjà un flocage arc-en-ciel. Mais ce week-end, Diarra a préféré ne pas participer à l'opération et a refusé de jouer avec son nom multicolore dans le dos.
Lui comme son coéquipier Zakaria Abouklhal ou comme le Nantais Mostafa Mohamed ont décidé de snober le week-end de lutte contre l'homophobie organisé par la LFP. Pour la première fois, des joueurs de L1 ont assumé leur geste et l'ont justifié via leurs réseaux sociaux : "Le respect est une valeur que j'estime beaucoup. Il s'étend aux autres mais comprend également le respect de mes propres croyances personnelles. Par conséquent, je ne crois pas être la personne la plus appropriée pour participer à cette campagne", a fait savoir Abouklhal.
J'ai souvent entendu que Gueye était un mec courageux qui a dit merde au lobbying gay
La saison dernière, Gana Gueye et Abdou Diallo avaient, eux aussi, refusé de participer à l'opération. Un précédent qui a pu faire boule de neige. "Gueye a ouvert la boîte de Pandore, estime Bertrand Lambert, président des Panam Boyz, club ouvert à la diversité. Le fait qu'il n'ait pas été sanctionné par son club a ouvert la voie à d'autres qui se sont dit : 'Pourquoi pas moi ?' La Coupe du monde au Qatar, où le brassard arc-en-ciel a été interdit, a aussi pu légitimer tout cela."
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Idrissa Gueye à l'entraînement du PSG

Crédit: Getty Images

"Beaucoup de gens lui ont donné raison dans les centres de formation, continue Yoann Lemaire qui dispense les formations au sein des clubs professionnels. J'ai souvent entendu que Gueye était un mec courageux qui a dit merde au système et au lobbying gay. Voilà pourquoi je n'étais pas surpris. Je m'attendais même à voir au moins une bonne soixantaine de joueurs refuser de porter le maillot arc-en-ciel ce week-end." Pour Bertrand Lambert et Yoann Lemaire, le vrai recul n'est pas de voir des joueurs renoncer à jouer ce week-end mais des entraîneurs remettre en cause l'utilité de l'opération.
Ne pas porter ce maillot, c'est cautionner l'homophobie
"Chacun a ses opinions, personnellement, ça ne me pose pas de problème. Ne le fais donc pas dans les quatre derniers matches, quand ces matches concernent la survie des clubs", a enragé Eric Roy à Brest. Bruno Genesio s'est montré plus sévère encore : "Chacun est libre de penser et faire ce qu’il veut (…) On est contre toutes formes de discriminations mais je ne suis pas certain que ce soit nécessaire de faire une journée contre l’homophobie."
De quoi faire bondir Bertrand Lambert : "Si cette campagne combattait le racisme, aujourd'hui, tout le monde serait vent debout. Quand il s'agit d'homophobie, il ne faut pas les bousculer, comprendre les convictions des uns et des autres, leur croyance... Mais ne pas porter ce maillot, c'est cautionner l'homophobie, les violences envers les homosexuels. Ce n'est pas acceptable."
Le football est-il davantage homophobe que les autres sports ou que d'autres secteurs d'activité ? "Non", nous répondent en chœur nos intervenants. Quel est le fonds du problème alors ? "Au bout de trois minutes dans mes interventions, les joueurs me parlent de leur religion avec des arguments qui ne tiennent pas la route", nous renseigne Yoann Lemaire. Le président de Foot Ensemble a déjà sensibilisé dix groupes professionnels parmi les 40 de Ligue 1 et Ligue 2. Mais pas ceux de Toulouse ni de Nantes. Et l'accueil ne se fait pas toujours avec des roses.

Manque de pédagogie, message brouillé

"Quand je démarre, j'en vois au premier rang qui ont envie de bondir mais tout cela est d'abord un problème de communication. Quand un gamin de 19 ans me dit : ’je ne suis pas homophobe mais, avec vous, le problème c'est soit on doit vous adorer, aller défiler à la gay pride, soit on est homophobe.' Je l'écoute mais je ne lui demande pas d'accueillir un couple gay chez lui mais d'amener de la solidarité à des gamins ou même à un coéquipier qui est en souffrance. C'est ça qu'il faut leur faire comprendre."
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Le maillot de Kylian Mbappé en arc en ciel : la LFP prend les devants pour lutter contre l'homophobie.

Crédit: Getty Images

En somme, l'opération ne vise pas à faire la promotion de l'homosexualité mais à combattre les discriminations. Une nuance qui échappe parfois à ceux auxquels on demande de porter les maillots arc-en-ciel. "Beaucoup de joueurs ne comprennent pas pourquoi on les oblige à porter ce maillot parce qu'il y a un manque de pédagogie, abonde Bertrand Lambert. Dans certains clubs, l'intendant reçoit le maillot et le donne aux joueurs sans explication. On a pourtant fait des flyers mais visiblement tout le monde n'en a pas eu connaissance."

Coming-out : "La plus utile des déflagrations"

Plus de pédagogie, plus de dialogue pour faire avancer les choses mais pas seulement. "Tant qu'on n'aura pas un coming-out et un nom pour incarner ce combat, ça restera comme une espèce de tabou, témoigne Nicolas Pottier, président du District de la Mayenne et ancien arbitre international a révélé son homosexualité l'an dernier. Dans plein de pays étrangers, c'est déjà le cas et c'est moins un problème. Il y a une espèce d'omerta aujourd'hui." Un Australien, un Britannique et un joueur de Liga sont déjà sortis du placard. Rien encore en France. "Ce serait la plus utile des déflagrations, note Bertrand Lambert. Même si aujourd'hui, 700 joueurs ont porté un maillot arc-en-ciel, tous les clubs ont joué le jeu et que, finalement, les choses avancent à grands pas."
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