Mercato - OL - Ernest Nuamah, la bombe que toute l'Europe s'arrachait et que Lyon a fini par attirer

Sur ce coup-là, la cellule de recrutement de l'OL a raté le coche. Le 11 août dernier, le club danois du Randers FC lançait un appel officiel aux plus grands clubs européens : "Chers présidents du PSG, de l'Ajax ou d'un autre club intéressé par Ernest Nuamah, s'il vous plaît, achetez-le dès maintenant. Ou au moins avant notre match face à lui dimanche car nous ne voulons pas affronter une telle machine". La récompense était alléchante : une cagette de bières locales, la Bla Thor Beer. Pas suffisamment cependant pour empêcher l'inévitable avec une fessée 0-5 face au FC Nordsjaelland de Nuamah.

A Lyon, personne n'a donc reçu de bière mais certains sabrent déjà le champagne. Parce que Nuamah dans le Rhône, c'est un transfert que personne n'imaginait, encore moins avec les sanctions de la DNCG. Avant l’OL, il y avait eu le PSG, Tottenham, l'Ajax, Dortmund. En bref, tout le monde s'était penché sur le cas du gaucher, meilleur buteur et joueur de Superligaen l'an passé avant même ses 20 ans. "C'est le joueur avec le plus gros potentiel passé par le Danemark, assure sans sourciller Mikkel Bischoff, consultant star d'Eurosport au Danemark. C'était l'un des meilleurs joueurs sur les dernières années mais, j'insiste, c'est de loin le plus gros potentiel". Un avis partagé par toutes les personnes interrogées.

"Son club de Nordsjaelland est réputé auprès des observateurs parce qu'il arrive à sortir des talents venus du Ghana mais aussi de Scandinavie, complète Mickaël Marques, scout indépendant. Et dans cette équipe-là, il était le leader offensif. Et quand on voit son début de saison, il démarre avec un triplé et il enchaîne les gros matches depuis. Il a été convoqué avec le Ghana donc tout s'enchaîne très rapidement pour lui. C'était le joueur à aller chercher dans ce mercato et c'est un tour de force de la part de l'OL".

Un coup signé Mathieu Louis-Jean, nouveau grand manitou du recrutement lyonnais, qui suivait le joueur depuis plusieurs saisons. Un coup rendu aussi possible par la présence d'un pion essentiel dans le deal, un certain Michaël Essien, membre du staff du club danois. "Sportivement, on pouvait s'attendre à un challenge européen, il y avait l'Ajax, Tottenham, Burnley… Mais quand j'ai vu l'info, j'ai émis l'hypothèse que Michaël Essien avait joué un rôle et ça s'est confirmé depuis", atteste ainsi Arnaud, du compte @NordiskFootball. Rester en bons termes avec ses anciennes gloires peut rapporter gros.

Mais alors qui est ce gamin qui a affolé le marché ? "C'est un diamant brut, selon Mickaël Marques. D'un point de vue athlétique, d'un point de vue technique, il a une base énorme qui permet d'espérer une grosse évolution à l'avenir". "C'est un bon finisseur, il va vite, il dribble bien, il est déjà le MVP à 19 ans, liste pour sa part Bischoff. Il a tous les outils pour grandir et devenir l'un des meilleurs joueurs de L1, voire même en Europe. Quand on voit le passage de Sulemana en France, c'était pas mal mais inabouti, il était plus individualiste que Nuamah peut-être. Nuamah, lui, sait tout faire : être fort individuellement mais utile pour l'équipe".

Passé par le même cursus que Kamaldeen Sulemana ou Mohammed Kudus, Nuamah a d'abord intégré l'académie Right to Dream à Accra avant de rejoindre le Danemark pour continuer son développement. Il fut à son image sur le terrain : tonitruant. Arrivé, à 18 ans, en plein hiver nordique, il explose tout six mois plus tard avec 12 buts et 4 passes en 30 matches de championnat. Mais les stats sont une part finalement infime de son apport sur le terrain.

"Il était vraiment dominant dans les matches, un peu à la manière de Kudus à l'époque, confirme Arnaud de @NordiskFootball. Il a le même genre de facilités, de démarrages tout en puissance. Mais Nuamah peut jouer partout. Je le préfère à droite parce qu'il est gaucher et qu'il aime rentrer sur son pied gauche. Mais son jeu n'est pas stéréotypé, il sait jouer et marquer avec le pied droit. En un contre un, c'est quasi injouable, il a un tel démarrage… Comme Doku". La comparaison avec l'ailier du Stade Rennais en passe de rejoindre Manchester City fait sens.

"En fait, c'est un mix entre Doku et Davies si on devait le comparer, prolonge Mickaël Marques. C'est un joueur qui est très puissant physiquement, avec un haut du corps très tanké ce qui lui permet de tenir le choc dans les duels. Il fait des différences sur son explosivité. Il a vraiment des appuis de dingues, avec et sans ballon. Un appel-contre appel de sa part peut laisser sur place n'importe qui. Et avec le ballon, il profite de sa motricité pour s'infiltrer dans les petits espaces, il fixe, attire l'attention de la défense, il libère des espaces pour les autres. Et, souvent, il arrive à s'en sortir. Il va aussi très vite. Contre Viborg, une stat est sortie : Nuamah avait été flashé à 36 km/h. Je pense que ça le place déjà parmi les trois ou cinq joueurs les plus rapides de L1". Le quotidien BT avait très bien imagé tout cela au sortir de son triplé lors de la première journée : "il y a du feu en lui". Et souvent dans les défenses après son passage.

Si le profil est alléchant, il n'est pas encore complet. Impossible eu égard à son âge et son parcours jusqu'ici. "C'est un joueur qui peut avoir tendance à s'enfermer, s'entêter dans les solutions individuelles, estime Mickaël Marques. Il lui manque encore cette maturité pour s'appuyer sur ses partenaires pour être encore plus dangereux". "Le truc à travailler en priorité, ce sont les choix pour conclure les actions, complète Arnaud. Avec lui, tout va très vite mais parfois trop vite. Sa plus grosse qualité est aussi son plus gros défaut". En bref, Nuamah est encore un peu trop souvent la tête dans le guidon mais il apportera systématiquement.

Un vrai bénéfice pour une équipe lyonnaise à l'animation offensive sclérosée sur ce début de saison. A droite, les Gones pourront s'appuyer sur un détonateur aussi à l'aise en transition qu'en percussion. "Quand il rentre depuis la droite sur son pied gauche, il est vraiment super précis, que ça soit pour marquer ou centrer", confirme Mikkel Bischoff.

"C'est un profil qui, même dans un contexte difficile, arrive à tirer son épingle du jeu, continue Mickaël Marques. Quand tu vois la situation lyonnaise aujourd'hui, c'est un joueur qui va embellir des situations, qui ne sera pas forcément dépendant du rendement autour de lui. Dans un collectif essoufflé, il peut amener du déséquilibre, du dynamisme, la vitesse, de la puissance… L'idée pour l'OL, c'est de profiter de sa capacité de rétention, pour mobiliser les défenseurs adverses, et donc permettre à Lacazette ou Barcola de prendre les espaces derrière".

Selon les derniers chiffres communiqués, l'option d'achat obligatoire de l'OL s'élève entre 23 et 25 millions d'euros, avec des bonus pouvant aller jusqu'à 30 millions d'euros. De quoi faire, potentiellement, de Nuamah le joueur le plus cher de l'histoire des Gones devant Jeff Reine-Adelaïde (25M), Joachim Andersen (24M) ou Lisandro Lopez et Lucas Paqueta (24M). Pour un inconnu de 19 ans qui n'a jamais brillé ailleurs qu'au Danemark, le risque est réel. Mais presque calculé.

"Je suis sûr qu'il va briller en L1", atteste Mikkel Bischoff. "Tout transfert est une prise de risques, confirme le scout Mickaël Marques. Mais, quand on voit les prix actuels et son potentiel d'évolution, c'est un joueur que l'OL peut vendre le double ou le triple. Pour moi, c'est le gros talent d'Eagle Football qui sera mis en avant, sur qui le club voudra avoir un retour sur investissement sur le moyen-long terme". D'ici-là, c'est le Groupama Stadium qui espère avoir récupéré un joueur frisson à même de le faire sortir de la morosité ambiante.