Ligue 1 I PSG - Le Havre I Du joyau inoffensif au "serial-buteur" : João Neves, l’improbable transformation

Il n’a pas vraiment été recruté pour faire trembler les filets. Et pour cause. Quand il a signé au PSG, João Neves n’avait marqué que 4 petits buts en 75 apparitions avec Benfica, son club formateur. Il était avant tout perçu comme un renfort dans la récupération, le domaine où il avait le brillé au sein de l’institution lisboète. Là-dessus, Paris ne s’était pas trompé. Son apport est monumental. Mais que le gamin de Tavira soit en plus le meilleur artilleur parisien cette saison, personne ne pouvait le prévoir.

C’est pourtant bien le cas. A l’heure actuelle, João Neves pointe en tête du classement des buteurs du PSG avec cinq réalisations toutes compétitions confondues, comme son pote Gonçalo Ramos. C’est déjà improbable. Encore plus en considérant qu’il n’a joué, entre blessures et suspension, que 8 des 17 matches disputés par Paris depuis la reprise. Avec un temps de jeu total de 457 minutes, le milieu portugais affiche un ratio d’un but inscrit toutes les 91 minutes. Juste digne d’un serial-buteur.

La tendance se dessinait déjà discrètement la saison passée (7 buts, soit quasiment le double de ses deux exercices précédents avec Benfica), mais elle a pris des proportions spectaculaires depuis quelques mois. Justement, Neves a le don d’y mettre la manière. Ses deux triplés de la saison en sont l’illustration parfaite. Celui inscrit à Toulouse (3-6) avec deux retournées acrobatiques et une mine en pleine lucarne. Et plus récemment, celui marqué avec le Portugal face à l’Arménie (9-1), avec en point d’orgue un coup franc sous la barre digne des plus grands spécialistes.

Symboliquement, il en avait justement un à côté de lui. Bruno Fernandes est loin d’être le moins adroit sur l’exercice, mais il n’a pas hésité à laisser son coéquipier le frapper. "Le but de Joao Neves sur coup franc est amusant, car hier (samedi, la veille du match), après l'entraînement, c'est Bruno Fernandes qui l'a forcé à tirer les coups francs, expliquait le sélectionneur portugais Roberto Martinez après la rencontre. Bruno a vite compris que c'était sa combine."

C’est le plus bluffant. Jusqu’ici, João Neves n’avait pas encore marqué sur coup franc. Mais c’est juste une corde de plus à un arc qui n’en manquait pas. Il avait déjà prouvé sa faculté à trouver les filets de multiples manières, de près comme de loin, du pied comme de la tête, ce qui ne manque pas de surprendre pour un petit gabarit (1,74 m). Sa détente et son timing sont remarquables dans cet exercice, à l’image de ses réalisations la saison passée face à Manchester City (4-2) en Ligue des champions, ou dernièrement à Lyon en championnat (2-3).

"J'avais dit à l'arrivée de Joao qu'il serait l'un des joueurs les plus dominants dans le domaine aérien du championnat, je ne suis pas étonné. Il y a plusieurs facteurs qui en font un joueur efficace dans ce domaine, dont ses aptitudes athlétiques, détaillait Luis Castro, l'entraîneur du FC Nantes et ex-formateur de Neves à Benfica, vendredi dans L’Equipe. C'est quelqu'un de très fort sur les appuis, c'est un athlète qui se structure sur des quadriceps et des abdos puissants."

Des qualités physiques qui s’inscrivent dans la panoplie du buteur complet. Mais elles ne suffisent pas. Si João Neves a développé une capacité à s’illustrer face au but, c’est aussi une question de mental. "Peut-être qu’ils me méprisent parce que ma taille et ma force physique ne sont pas exceptionnelles, mais l’intelligence est un facteur, disait-il déjà quand il fréquentait les catégorises de jeunes du Benfica. Quand on n’a pas un corps imposant, il faut être intelligent. Je ne sais pas comment l’expliquer... Ce n’est même pas physique, c’est dans la tête."

Il n’empêche. Cela peut toujours sembler inexplicable pour un joueur qui s’est affirmé comme l’un des meilleurs au monde à un poste de milieu défensif. Mais l’instinct du but ne vient pas de nulle part. "Quand j'ai commencé à jouer au foot, j'étais un 9, rappelait João Neves après ses deux retournés fabuleux face à Toulouse. Donc c'est quelque chose que je suis capable de faire. (...) J'ai essayé à l'entraînement, j'essayais sur la plage... Là, les ballons étaient parfaits pour les faire."

C’est le dernier facteur, le plus important parce qu’il est essentiel pour valoriser tout le reste : le collectif. Au PSG, João Neves évolue dans une équipe où les milieux doivent justement se projeter vers la surface pour venir conclure les actions, et surprendre une défense adverse focalisée en priorité sur les attaquants. C’est un paramètre auquel Luis Enrique tient particulièrement pour que son équipe soit la moins prévisible possible. João Neves matérialise cette idée à merveille.

Bien sûr, il y a une part de réussite. Elle est essentielle face au but, et elle sourit à João Neves au regard des "expected goals" (5 buts marqués pour seulement 1,2 xG). Mais il faut savoir la provoquer et c’est justement ce que le milieu portugais réussit à merveille grâce à ses qualités, son travail et le rôle que lui confie Luis Enrique dans le collectif du PSG. "Je pense que c’est un aspect de son jeu qu’il peut améliorer, qu’il doit améliorer et, je pense, qu’il va l’améliorer", annonçait l’entraîneur parisien après le triplé de son joueur à Toulouse. C’est bien parti pour.