Milan est à sec

"Tevez a le choix entre le prestige et l’argent". Lancé en janvier par Silvio Berlusconi au cœur du présumé bras de fer entre le Milan AC et le PSG pour le recrutement du buteur argentin, combat qui n'aurait finalement jamais eu lieu, cette sentence de l'ancien président du conseil italien résume parfaitement la situation du club milanais: Certes, les Rossoneri  séduisent toujours par leur histoire et leur palmarès, non ils n'ont plus les moyens de se payer les meilleurs joueurs du monde. Cruelle, la crise n'épargne personne. Même ceux que l'on pensait à l'abri.

Leader provisoire de la Serie A avec 2 points d'avance sur la Juve, mais deux matches de plus au compteur, la dernière équipe à avoir conservé la Ligue des Champions (en 1989 et 1990) n'a clairement plus les moyens de ses ambitions. Il y a quelques années le club du Cavaliere ne se refusait pas. San Siro, la mode italienne, la "pasta al dente", le club qui a réussi à débaucher Jean-Pierre Papin de l'OM en juin 1992 s'affichait comme une référence. Milan était alors incontournable : un passage obligé pour tout candidat au Ballon d' Or qui se respectait.  "Je rejoins le plus grand club en monde", se gargarisait ainsi Marcel Desailly lors de sa signature dans l'institution milanaise. En novembre 1993, personne ne pouvait dire "non" au rouleau compresseur milanais. Champion d'Europe après avoir étrillé le Barça de Cruyff (4-0) en mai 1994, "Marcello" ne regrettera jamais son choix.

C'est peu dire qu'aujourd'hui l'attrait des Rossoneri est différent. Hier référence absolue, l'équipe pèse désormais assez peu à l'échelle du football mondialisé. Un exemple ? La leçon assénée par Khaldoon Al Mubarak, le patron de Manchester City, au moment des négociations dans le dossier Carlos Tevez. Nouveau riche, le patron de l'actuel leader de la Premier League a laissé entendre que Berlusconi, Galiani and Co n'étaient plus crédibles en terme de liquidité. " Le PSG et l’Inter ont négocié avec nous comme il se doit et c’est agréable de traiter avec des gens qui se comportent comme des professionnels (ndlr: contrairement au Milan). Le sentiment de confiance du Milan AC est mal placé. Ils doivent changer pour être pris en considération", assénait-il de façon cinglante début janvier. Et pour cause.  Trop heureux d'avoir trouvé un accord avec l'attaquant albiceleste, le champion d'Italie en titre a oublié qu'il fallait s'acquitter des 25 millions d'euros réclamés par City.  Résultat: l'Argentin est toujours dans le nord de l'Angleterre et c'est  son très accessible compatriote Maxi Lopez qui a débarqué à Milanello.

A Milan, on ne cherche pas à le nier. "Le club n'est plus le jouet de luxe de la famille", confirmait mardi Barbara Berlusconi dans les colonnes de la Reppublica. Une façon élégante d'expliquer que les caisses sont vides. Que pèse vraiment le Milan aujourd'hui ? En Italie, la DNCG n'existe pas et il est donc impossible de se faire une idée précise de ses comptes. Le club refuse d'ailleurs tout commentaire  sur le sujet.  Mais officiellement et selon une dernière étude du cabinet Deloitte,  le Milan AC est le septième club du monde par le volume de son budget avec 235 millions d'euros. Loin derrière les 480 millions du Real Madrid mais toujours confortablement devant les 150 millions de l'OM, premier club français classé.

Certaines affaires récentes jettent toutefois le trouble sur la réelle surface financière du club. Depuis plusieurs saisons, le Milan se focalise ainsi sur les joueurs libres. Taiwo, Yepes, Mexes ou Flamini : les Rossoneri aiment cibler des éléments arrivant en fin de contrat. En novembre dernier, le quotidien madrilène AS annonçait également que Milan était sur le point de céder gratuitement Thiago Silva, son défenseur central brésilien, au champion d'Europe en titre. La raison? Le club italien serait dans l’incapacité de payer les 24 millions d’euros nécessaires pour confirmer  transfert de Zlatan Ibrahimovic, arrivé du Barça vers le Milan en prêt en 2010 avec une clause d'achat automatique. Non confirmée, cette transaction entrerait dans la ligne politique de rigueur imposée par l'ancienne  plus grande fortune du pays en janvier 2009.

Touché par la crise et par la démission de Berlusconi à la tête du conseil, la holding Fininvest, maison mère du Milan et qui possède des parts entre autres dans le groupe de télévision Mediaset ou dans l'assurance, a perdu 49% de sa valeur à la bourse.  De 12 milliards d'euros, la fortune personnelle de Cavaliere aurait ainsi fondu à 4,8 milliards entre 2008 et 2011 selon le magazine Forbes. Pas question donc pour lui de faire des folies dans un mercato aujourd'hui dominé par les pétrodollars qataris et autres oligarques russes. D'autant que les mauvaises nouvelles s'accumulent pour l'autoproclamé "président le plus titré de l'histoire".

Mercredi matin, le procureur de Milan a ainsi requis cinq ans de prison ferme contre lui pour corruption de témoin dans l'affaire Mills. Le parquet lui reproche notamment d'avoir versé près de 600.000 dollars à David Mills, son ancien avocat britannique, afin d'obtenir de faux témoignages en sa faveur dans plusieurs procès durant les années 90. L'ex-chef du gouvernement italien est également poursuivi pour sollicitation de prostitués mineure et abus de pouvoir dans l'affaire dite du "Rubygate". Symbole de sa montée en puissance, le Milan semble suivre la courbe descendante de son illustre propriétaire. Pour l'instant les résultats ne s'en ressentent pas. Jusqu'à quand?