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Paul Pogba : Comment Manchester United a laissé filer sa pépite bleue vers la Juventus

Philippe Auclair

Mis à jour 26/11/2014 à 16:44 GMT+1

S'il a explosé au plus haut niveau avec la Juventus, Paul Pogba aurait pu, aurait dû faire le bonheur de Manchester United. Mais le jeune milieu de terrain français a quitté les Red Devils à 19 ans. Philippe Auclair revient sur l'histoire d'un gâchis.

Paul Pogba

Crédit: Eurosport

Que donnerait Manchester United pour revenir trois ans en arrière aujourd’hui? Peut-être pas 60m€, valeur présumée de Il Polpo Paul. Encore que…Pogba n’est-il pas exactement le type de milieu de terrain dont Louis van Gaal a tant besoin? Les joueurs de son profil ne courent pas les rues; en fait, celles-ci sont désertes quand on veut en dénicher un. Peut tacler, intercepter, dribbler, passer, tirer. Dynamique, combatif, intelligent. OK, 60m€ n’est peut-être pas si exagéré que cela par les temps qui courent.
Dire qu’il y a trois ans, l’idée de voir le joueur subtilisé au Havre (qui l’avait subtilisé à Torcy, soit dit en passant) rejoindre la Serie A n’était qu’une rumeur du Daily Mirror, que le club mancunien avait essayé de balayer du revers de la main. L’adolescent francilien avait franchi toutes les étapes requises à United, qui savait tenir une pépite. Premier match avec les U18 des Red Devils le 10 octobre 2009, trois jours après la finalisation de son transfert à United, première saison couronnée par une victoire dans le Torneo Calcio Memorial Claudio Sassi-Sassuolo de Bologne (destination très pratique pour des observateurs turinois). Intégration de la réserve un an et un mois plus tard. Première convocation chez les pros en février 2011, puis victoire en Youth Cup. Début avec l’équipe première contre Leeds, en Coupe de la League, le 20 septembre 2011, et baptême du feu en Premier League en janvier 2012, alors qu’il n’avait pas encore dix-neuf ans.
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Lassé de ronger son frein sur le banc mancunien, Pogba a préféré partir, libre, en juin 2012

Crédit: Imago

A l'époque, il n'y avait pas photo entre MU et la Juve

Vous lisez cela, et vous demandez – mais pourquoi diable Pogba n’est-il pas toujours à Manchester? Sa progression n’avait pas été fulgurante, non, mais elle n’avait pas rencontré d’obstacle non plus. Elle avait suivi un cours logique, qui protégeait le développement du joueur sans entraver son apprentissage du haut niveau. Ferguson savait que beaucoup d’autres clubs tournaient autour de la famille de son jeune joueur, et que l’innénarrable Mino Raiola, à la recherche d’une commission juteuse pour le transfert de son poulain, faisait du porte-à-porte auprès des grandes écuries italiennes (l’Inter faisait alors figure de favori). En conséquence, il avait décidé d’accélérer le mouvement, d’intégrer son Français au groupe pro aussi vite que possible – mais sans affolement. "Si nous ne le faisons pas, dit-il, nous serons incapables de le retenir". Mais Ferguson l’avait fait, non? Pourquoi cela n’a-t-il pas suffi? Question qui continue de hanter les dirigeants mancuniens…
En janvier 2012, quand se confirme ce que craignait Ferguson – à savoir que Pogba, parvenu à six mois de l’expiration de son contrat, libre de parler à qui il le voulait, avait décidé de s’en aller -, où en sont les deux clubs? United est champion d’Angleterre en titre et a disputé sa troisième finale de LIgue des Champions en quatre ans. La Juve, elle, après presque une décennie de scandales et d’échecs sportifs, a relevé la tête et peut espérer le titre de champion, qu’elle acquerra sans subir la moindre défaite. Mais il ne fait aucun doute que dans la hiérarchie européenne d’alors, le club anglais est encore loin devant la Vieille Dame. C’est pourtant sur celle-ci que Pogba et Raiola ont jeté leur dévolu. Avec le recul, il est difficile de parler d’une erreur de jugement quand on voit combien le Français a progressé – et combien de trophées il a gagnés avec la Juventus (quatre – deux scudetti, deux supercoppa d’Italia) tandis que United n’en ajoutait qu’un à son palmarès dans le même temps. A l’époque, pour le supporter lambda des Red Devils, il ne faisait aucun doute que la motivation du départ de Pogba était d’abord l’argent; ensuite, l’argent; et l’argent, enfin.
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Paul Pogba à Manchester United en 2012.

Crédit: Imago

Pogba était perçu comme un mercenaire impatient

Là fut peut-être l’erreur de Ferguson (et de quelques autres membres de son staff), qui encouragèrent la perception d’un joueur impatient et mercenaire, ce qui ne fit pas grand-chose pour améliorer les relations entre celui-ci et son club lorsque ces bruits parvinrent à ses oreilles. Le manager écossais avait ses raisons pour cela: il était persuadé que Raiola était parvenu à un accord avec les Turinois bien avant que ceux-ci aient le droit de parler à son protégé. Dans l’univers fergusonien, ce genre de "trahison" se pardonne difficilement. Tout au plus peut-il être toléré un moment, pour autant que le "traître" en vaille la peine, ce qui était d’évidence le cas de Paul Pogba.
Financièrement, les Mancuniens avaient largement les moyens de s’aligner sur les propositions turinoises. C’est une chose que s’avouer battu face à la puissance financière du Real Madrid, c’en est une autre de laisser la voie libre à une Juve qui n’avait retrouvé la Serie A qu’en 2007. United aurait-il pu faire un effort supplémentaire? Opinion toute personnelle: j’en suis persuadé. Tout comme je suis persuadé que l’intransigeance de Ferguson fut la cause la plus profonde du départ de Pogba. Il était hors de question de céder à quelque chantage que ce soit d’un gamin de 19 ans pour le Gandalf du football britannique.
Le camp Pogba affirme que la décision du joueur fut précipitée par sa non-utilisation dans un match de Premier League contre Blackburn, le 31 décembre 2011, que United avait perdu 2-3 devant son public. Ferguson, qui fêtait son 70ème anniversaire ce jour-là, avait aligné plusieurs joueurs hors de position, notamment en milieu de terrain, ignorant le spécialiste qui était sur son banc. Blessé dans son orgueil, etc., etc., vous devinez la suite. Rio Ferdinand confirma d’ailleurs plus tard la version du Français. Mais la rupture était devenue inévitable avant cela. Deux intransigeances étaient l’une face à l’autre. Or, quand Ferguson est impliqué dans ce genre de mano a mano, il ne peut y avoir qu’un seul vainqueur. N’est-ce pas, Roy Keane, n’est-ce pas, Jaap Stam?
Sauf que le perdant, aujourd’hui, s’appelle bien Manchester United.
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