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Premier League et Coupes d'Europe : L'empire britannique est à terre, il se relèvera vite

Philippe Auclair

Mis à jour 20/03/2015 à 23:29 GMT+1

Pour Philippe Auclair, les détracteurs du football anglais seront très vite rattrapés par la puissance de la Premier League. De l'autre côté de la Manche, il y a des questions à se poser mais surtout d'immenses moyens pour vite effacer les déconvenues de 2015.

David Silva (Manchester City) à terre, symbole parfait de la campagne européenne des clubs anglais en 2015

Crédit: AFP

Déja vu. C’est une expression dont on se sert couramment en Angleterre. Ajoutons-y "déjà écrit". Everton a chuté, et spectaculairement, à Kiev. Pour la première fois depuis la saison 1992-93, aucun club anglais ne participera à un quart de finale d’une compétition européenne. Tout ce qu’il nous reste à faire est de fouiner dans nos archives ( et pas besoin de remonter 20 ans), d’en extraire un article écrit il y a deux-trois ans, de souffler dessus pour faire s’envoler la poussière, et nous pourrons resservir la tarte à la crème qu’attendent les abonnés au menu du jour: le football anglais se meurt. Il est surcoté. Il est une vaste embrouille. Ses clubs ne tiennent pas la route; des dragsters peinturlurés, équipés de turbos bidon, qui, c’est maintenant certain, loupent les virages dès qu’on leur demande d’accélérer un peu. Arsenal, Chelsea, Manchester City, Everton, bye-bye.
Cet acharnement est aussi révélateur qu’étrange. Tapait-on ainsi sur les footballs allemand, italien, espagnol, français lorsqu’ils échouaient à répétition? Je n’en ai pas souvenir. La Premier League attire les jugements à l’emporte-pièce comme aucun autre championnat ne le fait, particulièrement en France, où on semble se délecter de tout échec perçu du voisin d’Albion.
Lorsque la Bundesliga n’avait pas placé un seul club en quarts de finale de quelque compétition européenne que ce soit, en 2003-04, personne n’avait alors dit que le championnat d’Allemagne était engagé dans un irréversible déclin. Pas plus qu’en 2004-05, quand le seul Bayern Munich avait atteint ce stade de la Ligue des Champions, pour se faire éliminer par Chelsea. Un seul club italien – la Lazio, en 1999-2000, qui s’arrêta là – atteignit les quarts de finale de C1 entre 1999 et 2002; ce qui n’empêcha pas la finale de 2003 d’être une affaire 100% calcio entre Milan, le vainqueur, et la Juventus. Dans ces deux cas, il s’était agi de parenthèses cycliques dont il était prévisible qu’elles se refermeraient bientôt.
Au XXIe siècle, sur le moyen et le long terme, c’est sur sa puissance financière qu’un championnat fonde son succès en Europe, bien plus que sur la qualité de sa formation, bien plus que sur une tradition de jeu. Si les Pays-Bas, la Belgique et l’Ecosse ont sombré aussi spectaculairement au niveau européen, ce n’est pas pour d’autres raisons. Et ils ne reviendront pas au premier plan, tandis que l’Angleterre sera bientôt de retour au sommet, n’en doutez pas une seconde.
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Essien, Kalou, Malouda et Drogba le soir du sacre historique de Chelsea en 2012 en Ligue des champions.

Crédit: Panoramic

Le constat n’est pas emballant; mais tant que l’UEFA s’en tiendra à un mode de répartition de ses ressources qui avantage outrageusement ces clubs qui sont déjà les plus riches et les plus puissants, nous en resterons là. Ce qui est une excellente nouvelle pour les clubs anglais, qui ne sont pas les derniers à se demander pourquoi ils peinent en Europe après une période de – relative – domination à la fin des années 2000. L’ossification de l’élite joue en leur faveur, tout comme la manière dont l’UEFA établit ses têtes de série et attribue les places dans ses compétitions; il faudrait en effet que l’Angleterre fasse aussi mal que cette année pendant au moins deux saisons de plus pour risquer de perdre son quatrième représentant en C1 au profit de l’Italie – si tant est que la Serie A maintienne son niveau de performance actuel durant la même période. Il est donc un peu tôt pour annoncer la catastrophe.

Les clubs anglais ont creusé eux-mêmes le sillon de leurs défaites

Ces réserves émises, le cadavre tout chaud du football anglais mérite autopsie. Les manieurs de bistouri ne manquent pas en Angleterre, d’ailleurs. Dans le Times de ce vendredi sont énumérés et analysés (avec une certaine dose de masochisme) les "six péchés capitaux" qui ont envoyé les clubs anglais ‘en enfer’. Quels sont-ils? La naïveté (tactique, n’est-ce pas MM. Pellegrini et Wenger?). L’indiscipline (City qui finit à neuf contre le CSKA Moscou, Chelsea obsédé par l’arbitre du match retour contre le PSG). La peur (Rodgers qui envoie une équipe B au Real Madrid). La complaisance (Arsenal-Monaco, nul besoin d’en dire plus). La paresse (Touré, Matuidi, comparez). La gloutonnerie (et, conséquemment, le manque d’appétit de joueurs gavés chez eux).
Le fait est que la liste est convaincante, et que ces accusations ne sont pas imméritées – quand bien même on ne doit pas oublier que deux des trois clubs anglais engagés en huitièmes de finale de C1 ont été éliminés aux buts marqués à l’extérieur (au passage, Wenger, même s’il est le pire des perdants, n’a pas tort de réclamer qu’on en finisse avec cette règle d’un autre âge), et que le troisième s’est logiquement incliné face à l’un des grands favoris de la compétition.
On avancera d’autres raisons. L’absence de trêve hivernale. La sur-compétitivité de la Premier League, à tout le moins au niveau physique, qui est un argument de poids pour se vendre à l’étranger, mais handicape ses clubs hors de leurs frontières. L’isolationnisme d’un championnat obsédé par lui-même, confondant puissance du narratif et niveau de performance. Trop de matchs. Trop de hype. Trop d’argent. Mais ces "raisons", ne pouvait-on les évoquer également lorsque trois années de suite, de 2006-07 à 2008-09, trois des quatre demi-finalistes étaient issus de la Premier League?
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Les Citizens n'ont rien pu faire face à Lionel Messi.

Crédit: AFP

Le pouvoir se refuse rarement (et pas très longtemps) aux riches

La vérité, s’il en est une, est que le football européen a pris un nouveau tour depuis. Il s’est désormais constitué une super-élite qui écrase le reste des clubs par ses résultats économiques autant que sportifs. Si vous voulez savoir qui passera la phase de groupe de la prochaine Ligue des Champions, le vrai baromètre du niveau d’un championnat, consultez la Deloitte Rich List. Cette année, un seul des clubs de son Top 10 n’est pas parvenu à le faire: Liverpool. Et qui était 11ème? Le Borussia Dortmund. Six des sept derniers titres de champion d’Europe sont allés aux clubs qui composent le presque immuable quatuor de tête de cette liste: le Real Madrid, Barcelone, Manchester United et le Bayern, la seule exception étant l’Inter de Mourinho en 2010 – l’Inter qui était alors le 9ème club le plus riche du monde. Quod erat demonstratum.
Enfin, il est fort dangereux de passer du particulier à l’universel comme on le fait aujourd’hui. Car ce qui est advenu de City, Chelsea et Arsenal est d’abord une collection de cas individuels, plutôt que la "confirmation" d’un déclin du championnat d’Angleterre tout entier. Les causes de l’échec de l’un ne sont pas celles de l’élimination de l’autre. La chance, eh oui, joue aussi son rôle.
Le Liverpool qui rate son retour en Europe est aussi celui qui se traînait alors en milieu de tableau de la Premier League, pas celui de 2015, bien malheureux de devoir quitter la Ligue Europa aux tirs au but contre Besiktas. Manchester City semble curieusement indifférent à l’Europe – l’Etihad était une morgue lors de la venue du Bayern, un comble! Arsenal continue de se tirer des balles dans le pied avec une régularité exaspérante. José Mourinho a complètement lu de travers son duel avec un excellent PSG, et creusé sa propre tombe par manque d’entreprise.
Tout cela pose question, tout cela mérite d’être dit, critiqué, analysé. Mais n’oublions pas qu’on a été tout près d’avoir non pas zéro, mais deux clubs anglais dans le chapeau des quarts de finale. Et gageons qu’ils y reviendront très bientôt.
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Olivier Giroud avec Arsenal - 2015

Crédit: AFP

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