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Comment la Ligue des champions est devenue la compétition la plus suivie d'Amérique latine

Thomas Goubin

Mis à jour 15/09/2015 à 10:37 GMT+2

La Ligue des Champions a dépassé les frontières du Vieux Continent depuis bien longtemps. De l'autre côté de l'Atlantique, elle est aussi devenue incontournable. Plus que la Copa Libertadores. Lionel Messi, Luis Suarez, James Rodriguez, ou Alexis Sanchez y brillent. Mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle l'Amérique latine se passionne pour la C1.

Carlos Tevez et Lionel Messi en finale de la Ligue des champions

Crédit: Panoramic

A Buenos Aires, Mexico, ou Santiago du Chili, on la nomme "la Champion's". Une appellation d'origine contrôlée que plus personne ne prend la peine de traduire. Car, l'Amérique latine a fait de la compétition européenne un rendez-vous incontournable de son calendrier. Elle se régale du football d'élite proposé, et s'enorgueillit de voir ses enfants briller sur la plus prestigieuse des scènes : les Messi, Suarez, James, Vidal, Chicharito, ou Neymar. "Ce sera clairement le grand événement de la semaine, nous dit le journaliste chilien d'El Mercurio, Alejandro Cisternas, bien plus que la cinquième journée de nôtre championnat, par exemple."
L'horaire ne favorise pourtant pas l'exportation du produit. Le coup d'envoi des matches des Barcelone, Real Madrid, et autres Manchester United, sera donné à presque 17 heures au Chili, en Argentine, ou en Uruguay. En Colombie, à 13h45. A Tijuana (Mexique), avant même la fin de la matinée, à 11h45. "Beaucoup de salariés vont regarder en cachette sur un lien en streaming", assure Cisternas. "J'ai même un ami qui s'est fait licencier pour avoir regardé un match", surenchérit Omar Fares, journaliste mexicain d'ESPN, l'un des diffuseurs de la Ligue des champions en Amérique latine.
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Le trophée de la Ligue des champions à Berlin avant FC Barcelone - Juventus Turin - 2015

Crédit: Panoramic

Une augmentation de l'intérêt proportionnel au pillage

Le succès grandissant de la "Champion's" outre-Atlantique repose notamment sur un jeu de vases communiquants. Car, l'arrêt Bosman (1995), conjugué à la dynamique d'une Ligue des champions qui a conduit à la construction de superpuissances du football, a débouché sur un véritable pillage de l'Amérique du sud. Recrutés à peine majeurs, et parfois même avant (Messi), les surdoués d'Argentine, du Chili, ou de Colombie, font le très gros de leur carrière en Europe où ils peuplent les effectifs des meilleurs clubs. En découle, une augmentation de l'intérêt pour le football du Vieux Continent, et surtout pour la prestigieuse de ses compétitions, proportionnelle à ce pillage.
"Au Chili, on suit la C1 depuis Ivan Zamorano, cela nous a toujours intéressé, précise Cisternas, mais avec la génération des Vidal, Bravo, et Alexis, c'est devenu un vrai rendez-vous incontournable". De même en Colombie, avec l'avènement de Falcao, suivi des James, Zuñiga, et autres Jackson. Au Mexique, cas particulier, la santé économique des meilleurs clubs permet de contenir l'exode vers le Vieux Continent, mais il n'en reste pas moins que la finale de la Ligue des champions entre le Manchester United d'El Chicharito, et le Barça de Rafa Marquez, même si le défenseur central était forfait, a été indiscutablement l'évènement footballistique de l'année 2011. A part pour ses derniers tours, la Ligue des champions écrase désormais la Copa Libertadores en termes d'intérêt du public. Et ne parlons même pas de la médiocre Ligue des champions de la Concacaf...
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Les unes des journaux argentins en 2009 avec Messi

Crédit: AFP

La C1 est bon marché

En Amérique latine, les chaînes transnationales, ESPN et Fox Sports, se partagent la retransmission de la Ligue des champions. Au moins huit matches sont diffusés en direct chaque semaine. Une fenêtre grande ouverte qui explique aussi le succès grandissant de la "Champion's". D'autant que la compétition européenne est souvent davantage bon marché pour le téléspectateur que les matches de championnat mexicain, chilien, ou autres. Un bouquet d'un opérateur câblé des plus basiques permet ainsi de se gaver de la crème du foot européen.
"C'est notre produit le plus vu, indique Fernando Palomo, pointure des retransmissions d'ESPN, la compétition en soi attire, même si la présence de nombreux joueurs latino-américains aide forcément." Le journaliste de nationalité salvadorienne indique au passage que les droits vendus par l'UEFA ont énormément augmenté depuis le début de la diffusion, en 1994. "La Ligue des champions est fondamentale en terme d'audience, de publicité, considérait, pour sa part, Mario Alvarez, directeur exécutif du marketing de Fox, dans un article de Forbes, mais aussi en terme de construction de marque et de leadership de la chaîne." Ces dernières années, au Mexique, les meilleures affiches de la Ligue des champions étaient même diffusées dans les salles de cinéma.
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Cristiano Ronaldo

Crédit: Eurosport

L'exception argentine

Dans ce panorama, l'Argentine constitue une exception. D'une part, car avec le programme gouvernemental "Futbol para todos" (le football pour tous), lancé en 2009, tous les matches de championnat sont accessibles gratuitement. D'autre part, si les clubs de Buenos Aires ou Rosario voient leurs meilleurs joueurs partir de plus en plus tôt et que l'intérêt sportif de la compétition nationale a sérieusement décliné, les supporters argentins gardent un rapport identitaire irréductible à leurs clubs qui abrite les Boca Juniors, River Plate, et même les petits Huracan, ou Argentinos Juniors, d'une quelconque désaffection. Ce rapport de proximité peut aussi aimanter paradoxalement vers l'Europe. Le 26 mai dernier, la plupart des fans de Boca Juniors en pinçaient ainsi pour la Juventus, où évoluait leur idole, Carlos Tévez. De même pour les fans du Racing devenus subitement nerazzurri quand Diego Milito brillait à l'Inter Milan. Mais, en règle générale, l'Argentin moyen, ce spectateur à la solide culture foot, regarde la Ligue des champions en expert, comblé devant le spectacle d'élite qui lui est proposé.
Ces dernières années, deux locomotives ont fait gagner de nouvelles parts de marché à la Ligue des champions. Leur noms ? Cristiano Ronaldo et Lionel Messi. Si leur lieu de rencontre le plus fréquent est bien évidemment la Liga, chaque journée de Ligue des champions constitue toutefois un épisode particulièrement attendu dans leur duel à distance. Ce combat des chefs passionne même jusqu'à Cuba. L'île longtemps hermétique au football se divise à présent entre "Cristianistes" et "Messianistes".
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Neymar, Messi, Suarez

Crédit: Eurosport

Sur la télé publique, un match de Ligue des champions est diffusé lors de chaque journée. Au Mexique, le pays s'est aussi longtemps partagé entre partisans du Real, devenu spécialement populaire quand le Pentapichichi, Hugo Sanchez, y brillait, et le FC Barcelone. Désormais, les marques Manchester United, Chelsea, ou Bayern, ont aussi leurs adeptes. La plupart de ces "consommateurs" ont moins de 35 ans. Biberonnés au football européen, ils peinent désormais à suivre leurs championnats nationaux, et la Ligue des champions est devenue leur aliment de base.
Mardi, dès le petit matin, les media colombiens, chiliens, argentins, ou uruguayens, feront leurs gros titres sur la Ligue des champions, sur les Cavani, Alexis ou Messi. Leurs performances seront épiées, et leurs coups d'éclats célébrés comme un évènement national. La Ligue des champions, ce spectacle de dimension planétaire joué en Europe, appartient un peu aussi à l'Amérique latine.
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