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Klopp, la révolution rouge de Liverpool

Bruno Constant

Mis à jour 14/04/2018 à 00:01 GMT+2

LIGUE DES CHAMPIONS - A son arrivée à Liverpool en octobre 2015, le technicien allemand souhaitait transformer les "sceptiques en croyants". En qualifiant le club pour sa deuxième demi-finale européenne en trois ans, il est en passe de réussir sa mission et souffler un vent nouveau sur le Vieux Continent.

Jurgen Klopp

Crédit: Getty Images

Beaucoup ne donnaient pas cher de la peau de Liverpool face au rouleau compresseur de Manchester City et Guardiola. En terrassant, à Anfield, le futur champion d’Angleterre et meilleure équipe d’Europe du moment aux yeux de beaucoup de monde, et des miens en particulier, la formation de Jürgen Klopp n’a pas effacé la formidable saison des Citizens d’un coup de baguette magique mais elle a montré la voie aux autres, prouvé que l’impossible était possible et peut-être été quelque part à l’origine du vent de révolte qui a soufflé sur ces quarts de finale de la Ligue des Champions, de l’exploit de la Roma face à Barcelone et de l’impensable remontada de la Juve à Bernabeu face au double champion d’Europe en titre.
La révolution rouge, portée par les hommes de Klopp, a secoué l’institution et l’emprise que les clubs richissimes allaient encore asseoir sur le Vieux Continent. C’est un vent de fraicheur et d’émotion qui nous réconcilie avec le football et nous montre que la meilleure équipe de votre championnat n’est pas forcément meilleure que vous au-delà des frontières.
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La joie de Liverpool après sa qualification pour les demi-finales de la Ligue des champions contre Manchester City

Crédit: Getty Images

Si vous aviez écouté mon Podcast 100% foot anglais avant le match aller, vous auriez compris comment tout ça est arrivé, pourquoi Liverpool était le pire tirage possible pour Manchester City et l’enfer qui attendait les Citizens. Au-delà de l’antidote qu’a développé Klopp face à Guardiola, en Allemagne comme en Angleterre (8 victoires, 1 nul, 5 défaites) et surtout en Angleterre (4-1-1), il y a l’idée d’un football de plus en plus maitrisé chez le technicien allemand. Je ne crois pas vous avoir déjà raconté le jour qui a vu les Anglais tomber sous le charme de Klopp et la manière dont l’entraîneur à la vision positive et humaniste du football avait envoûté tout son monde.
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Lovren : "Je préfère affronter la Roma ou le Bayern maintenant et le Real en finale"

Ce moment date de novembre 2013, à la veille d’un affrontement avec Arsenal en Ligue des Champions au Westfalenstadion. L’ancien manager de Dortmund avait fait l’éloge d’Arsène Wenger, tout en se démarquant : "Il aime avoir le ballon, faire des passes, jouer au football. C'est comme un orchestre classique. Mais c'est une musique silencieuse. Je préfère le heavy metal." Le bruit, la fureur et l’intensité d’un football qui décoiffe et colle à la ferveur du public d’Anfield où on joue avec le cœur et les tripes. Bref, un mariage parfait depuis les premiers jours entre Klopp et le Kop de Liverpool qui ressemble tant à Dortmund et son mur jaune.

Au départ, un tourbillon d’émotions pas toujours maitrisé

Jürgen Klopp est arrivé à Liverpool avec l’idée de changer "the doubters to believers" ("les sceptiques en croyants"). Et rarement un entraîneur n’a autant symbolisé et porté la passion qui anime Liverpool. "Que l’équipe marque ou concède un but, il partage l’émotion des supporters de Liverpool et c’est ce que ces derniers veulent", avait très vite relevé l’ancienne gloire des Reds Kenny Dalglish. Ce n’était pas le cas de l’arrogant Brendan Rodgers (2012-2015) ni du trop éduqué de Londres Roy Hodgson (2010-2011). Dalglish (2011-2012) restait l’idole du Kop mais la légende était un peu passée tandis que Gérard Houllier (1998-2004) et Rafael Benitez (2004-2010) ont gagné le respect puis les cœurs des supporters grâce à leurs succès, européens notamment (la Coupe UEFA en 2001 et la Ligue des Champions 2005).
Dès sa première saison, Klopp a offert des matches spectaculaires et renversants avec, en point d’orgue, la demi-finale retour d’Europa League face à son ancien Dortmund (4-3). Après ce match, Jamie Carragher avait avoué à ne pas avoir fermé l’œil de la nuit : "Voilà à quoi ressemble le football heavy metal sous Klopp : implacable, intense, dramatique. Il vous laisse à bout de souffle". "Depuis le premier jour à Liverpool, c’est un tourbillon" , ajoutait Glenn Hoddle. Un tourbillon d’émotions pas toujours ordonné ni maitrisé. Ce qui, durant les deux premières années de son pèlerinage à Liverpool, lui a valu pas mal de critiques et notamment un bilan inférieur à celui de son prédécesseur, Brendan Rodgers, qu’il a traîné comme un boulet. Un football flamboyant mais déséquilibré, offensif mais fragile, emporté par sa folie mais également par sa fébrilité défensive.
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Salah, Klopp

Crédit: Getty Images

Un football heavy metal canalisé

Et soudain, face à Manchester City, toutes les planètes se sont alignées, le heavy metal s’est adouci ou plutôt transformé en opéra rock. Une alternance de montées intenses voire violentes et de passage plus calmes. A l’aller comme au retour, Liverpool a affiché une incroyable maîtrise. Beaucoup imaginaient les Reds capables de renverser le leader archi-dominateur de la Premier League mais certainement pas sans plier une seule fois comme à Anfield (3-0). Un match parfait. Au moment du toss, les Citizens avaient demandé à changer de côté pour ne pas avoir à subir la pression du célèbre Kop en seconde période, comme cela était arrivé en championnat en janvier, mais les Mancuniens ont subi les coups de boutoir en première période et se sont retrouvés impuissants en seconde période face à un mur rouge adossé à son Kop. Au retour, Liverpool a bien subi les vagues bleues pendant une première période incandescente mais n’a jamais donné l’impression de paniquer et a fini par totalement anesthésier en seconde période avant de planter ses banderilles par Salah et Firmino.
Le symbole d’un football qui a mûri et grandi, d’une folie maitrisée, canalisée, à l’image de son manager dont le calme et le contrôle, presque inhabituels chez lui, tranchaient avec la nervosité de Guardiola jusqu’à son expulsion à la pause. Le Catalan a abandonné les siens tandis que l’Allemand a transmis de la sérénité à son équipe. Liverpool a passé cinq buts à Manchester City en l’espace de deux matches et sept jours mais le club de la Mersey n’en a surtout concédé qu’un seul. Un seul but face à l’armada offensive déployée par Guardiola. Ce n’était pas tout à fait l’ogre aux pieds d’argile que l’on connaissait. Il n’est pas uniquement dû à Klopp mais également au nouveau patron des Reds. Il s’appelle Virgil Van Dijk. C’est un géant d’un mètre quatre-vingt-treize qui a coûté 85 M€ et, aujourd’hui, plus personne ne s’interroge sur son prix. Avec lui, la défense de Liverpool ne fait plus rire.

Van Dijk : un vrai patron qui rassure

A peine arrivé, le défenseur batave est devenu le patron de cette équipe qui en manquait cruellement. Ses interventions sont tranchantes et chirurgicales, son jeu aérien hors norme. Il parle constamment à ses coéquipiers, les commande, les replace, les encourage, les recadre. Son partenaire dans l’axe, ses latéraux, ses milieux et même ses attaquants. Quelque part, l’influence de Van Dijk à Liverpool me rappelle celle de John Terry à Chelsea. Les deux personnages n’ont rien à voir mais Terry, au delà d’être un sacré défenseur, était un véritable leader sur le terrain comme en dehors. Le défenseur le plus cher de l’histoire dégage une aura et un charisme impressionnants qui rassurent tout le monde, à commencer par ses défenseurs. A ses côtés, Lovren ressemble à un bon défenseur tandis que les petits jeunes – Alexander-Arnold (19 ans) et Robertson (déjà 24 ans mais encore en D2 anglaise il y a seulement deux ans) – ont joué comme des vieux briscards. Derrière, Karius, de plus en plus décisif ces dernières semaines, a totalement écarté la concurrence de Mignolet. Résultat : Liverpool vient d’aligner six clean sheets lors des dix dernières rencontres disputées avec Van Dijk.
Et je ne parle même pas du trio offensif Firmino-Mané-Salah, constitué année après année : le Brésilien (2015) puis le Sénégalais (2016) puis l’Egyptien (2017) achetés pour moins de 100 M£ ! A ce prix-là, c’est presque du vol. Le premier est un formidable guerrier qui sait tout faire et surtout jouer pour les autres. Le deuxième est une fusée inarrêtable qui, après avoir semblé subir l’arrivée de Salah, a retrouvé son meilleur niveau. Le troisième, irrésistible, même sur une jambe, ou plutôt un adducteur, est en train de faire vaciller la couronne de Joueur de l’Année promise à Kevin De Bruyne. Et, avec tout ça, Liverpool, qui s’est qualifié pour sa deuxième demi-finale européenne en trois ans, peut se prendre à rêver treize ans après le sacre d’Istanbul.
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
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