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C1 - Avant Manchester City - Atlético de Madrid, Pep Guardiola et Diego Simeone : plus proches, pas moins opposés

Christophe Kuchly

Mis à jour 05/04/2022 à 19:59 GMT+2

LIGUE DES CHAMPIONS – Le quart de finale aller entre Manchester City et l’Atlético de Madrid mardi soir (21h) mettra aux prises Pep Guardiola et Diego Simeone. Entre la machine à buts Citizen et le Cholismo madrilène, les philosophies des deux entraîneurs s'opposent… mais pas autant qu’il y a quelques années. Analyse tactique et projection sur le duel du soir.

Pep Guardiola versus Diego Simeone (visuel : Marko Popovic)

Crédit: Eurosport

C’est un soir de mai 2016 que l’opposition a atteint des sommets, dans le niveau comme dans le contraste entre deux approches. D’une qualité rare, la demi-finale retour de Ligue des champions entre le Bayern et l’Atlético reste, encore aujourd’hui, un moment important de l’histoire récente du football. Parce que les Munichois, ultra dominateurs, avaient montré que le projet de jeu de leur entraîneur pouvait s’exporter hors de Catalogne. Et parce que les Madrilènes, confiants dans la solidité de leur bloc bas, s’étaient qualifiés grâce au défunt but à l’extérieur (1-0, 1-2).
Un résultat qui avait, cette fois, fait triompher la défense aux dépens de l’attaque, donc Diego Simeone aux dépens de Pep Guardiola.

Entre pressing british et Liga moins folle

Près de six ans plus tard, les deux coaches vont enfin se retrouver, eux qui ne se sont affrontés qu’à trois reprises – la première dans un Barcelone - Atlético (2-1) en février 2012. Loin des 25 duels entre Guardiola et José Mourinho, l’opposition est donc plus bien plus philosophique que personnelle. Depuis toutes ces années, le Catalan et l’Argentin ont travaillé dans leur coin, sans forcément devoir répondre aux problématiques qui seront posées mardi soir.
À Manchester City, le premier nommé a d’abord dû s’adapter au jeu long et physique des formations de deuxième partie de tableau, puis résister à l’intensité d’adversaires très actifs au pressing. Son homologue a lui accompagné l’évolution d’un championnat espagnol moins joueur, où son 4-4-2 a inspiré une partie des entraîneurs aujourd’hui en poste, tandis que Real et Barça se font bien moins dominateurs qu’au début de la dernière décennie.
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Guardiola és Simeone 2012-ben

Crédit: Eurosport

Même si leurs convictions n’ont pas changé, Simeone valorisant la solidarité collective et le combat tandis que Guardiola veut le ballon pour être maître du jeu, le contexte hebdomadaire a influencé les trajectoires. En Premier League, la capacité des Skyblues à créer des espaces dans toutes les défenses permet de marquer beaucoup sans avoir besoin de numéro 9. Exit le référent offensif, qu’il soit dans la surface (Mario Mandzukic ou Robert Lewandowki au Bayern) ou qu’il décroche (Lionel Messi voire Cesc Fabregas à Barcelone), place à un football "liquide" où trois à cinq joueurs – selon le profil des relayeurs – peuvent faire des passages dans l’axe. Une évolution plus qu’une révolution, tout comme l’est l’utilisation du latéral João Cancelo au milieu lors des phases de possession. L’expérience avait déjà été tentée au Bayern puis avec Fabian Delph et Oleksandr Zinchenko, milieux qui dépannaient couloir gauche et retrouvaient alors leur position naturelle.
En Liga, les Colchoneros doivent gérer les monstres qu’ils ont créé. Eux qui, pendant longtemps, pouvaient contrer des équipes moins bien équipées mais plus ambitieuses (le symbole étant le Rayo Vallecano de Paco Jemez, premier en cinq ans à avoir plus de possession que Barcelone en septembre 2013), sont désormais obligés de percer des blocs bien en place. Le tout sans possibilité de contourner le problème. Avec seulement 8 buts inscrits sur coups de pied arrêtés hors penalty cette saison et 10 l’an dernier, contre 18 lors du titre en 2014 et 30 sur un total de 67 (!) en 2015, ils n’ont plus cette arme qui permet de marquer sans se livrer. D’où un changement d’approche amorcé la saison dernière : l’ajout d’un élément en phase offensive pour faire plus de différences.

Les mutations de l’Atlético

Longtemps fixé sur un 4-4-2 qui se déforme peu en phase offensive, Diego Simeone y a encore recours mais joue la majorité du temps à trois derrière. Une évolution majeure, qui lui permet diverses expérimentations : utilisation de Yannick Carrasco comme latéral se transformant en ailier en possession ou, au contraire, délocalisation ponctuelle du central Mario Hermoso ; doubles latéraux (Renilido axe gauche et Renan Lodi piston) pouvant permuter en cas de besoin, à la manière des Suisses Rodriguez et Zuber lors du dernier Euro ; asymétrie avec un piston d’un côté et un pur défenseur de l’autre. Surtout, cette adaptation géométrique change les zones pour combiner un cran plus haut.
Très bien pourvu en créateurs bons entre les lignes, l’Atlético investit désormais les demi-espaces. Thomas Lemar, beaucoup plus à l’aise en tant que meneur excentré qu’en ailier obligé de verrouiller son couloir et centrer quand il en a la possibilité, y a retrouvé une partie de son influence monégasque la saison dernière. Mais personne ne s’est vraiment installé sur la durée et même Rodrigo De Paul, principal auxiliaire de création de Lionel Messi en sélection, a du mal à faire des différences depuis plusieurs semaines. Des fluctuations qui obligent le coach à régulièrement changer de dispositif – il est d’ailleurs revenu au 4-4-2 samedi contre Alavès (4-1) – mais n’empêchent pas de constater que, oui, Simeone s’est un peu "guardiolisé".
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Lorsqu’il dispose son équipe en 3-1-4-2, le Cholo n’est finalement pas si loin de l’animation utilisée par son homologue, qui laisse un milieu en couverture et place des meneurs derrière des joueurs de percussion. Sans avoir un Kevin de Bruyne ou un Bernardo Silva à disposition (et encore moins David Silva, qui a longtemps occupé le poste axe gauche). Sans non plus vouloir des longues phases de possession permettant de quadriller le terrain adverse pour récupérer rapidement le ballon s’il est perdu. Mais avec l’idée que, pour obtenir des résultats, il vaut parfois mieux faire reculer des éléments offensifs capables de faire des différences. Pas vraiment ce qui était au programme quand les milieux Saul Niguez et Koke se retrouvaient chacun sur une aile pour la verrouiller.

Valeurs refuge

Les emprunts de Guardiola au "cholismo" sont plus rares. Adaptés aux faiblesses d’adversaires précis, aussi, de sorte qu’on s’en rappelle encore des années plus tard. Il y a eu ce 5-1 du Bayern face au Dortmund de Thomas Tuchel en octobre 2015, où les longues ouvertures de Jérôme Boateng dans le dos de la défense adverse ont amené deux buts. Plus récemment, la double confrontation entre City et le Real (2-1, 2-1) a vu Ederson ne jamais chercher à relancer vers ses défenseurs (17 passes longues à l’aller et 24 au retour), les Skyblues préférant le pressing à la construction propre – à raison, les erreurs de Raphaël Varane offrant deux buts sur la pelouse de l’Etihad.
S’il est encore amené à régulièrement envoyer des flèches à l’autre bout du terrain, le portier brésilien profite d’abord de la philosophie de jeu de sa formation. Elle qui multiplie les passes courtes et n’hésite pas à prendre des risques dans son camp finit souvent par attirer l’adversaire, qui monte son bloc et laisse des espaces en profondeur. Rien à voir avec les longs dégagements de Jan Oblak, certes moins nombreux qu’à l’époque où Diego Costa gagnait tous les duels aériens, dont l’objectif est autant de gagner du terrain que d’éviter toute erreur. Dans ce domaine comme dans d’autres, des choix identiques ne sont pas guidés par les mêmes motivations.
Au fil des années, la différence entre Pep Guardiola et Diego Simeone s’est réduite mais reste importante. Le premier n’a quasiment jamais dévié de sa ligne de conduite et se contente, entre guillemets, de bouger les pièces et jouer avec les profils. Il préfère toujours les milieux aux attaquants, veut une arrière-garde capable de relancer sous pression et défendre avec le ballon. Le second a été champion en s’adaptant plus souvent et en mettant des joueurs de déséquilibre dans l’axe. Mais il reste plus à l’aise pour bloquer l’adversaire, à l’image d’un déplacement à Manchester United (1-1) où le pressing et une base défensive oscillant entre 5-3-2 et 4-4-2 n’avait pas laissé d’espaces.
Et c’est bien cette différence de conception du football, accentuée par la différence entre la qualité des deux effectifs, qui conditionnera à nouveau l’affrontement de mardi soir. Un entraîneur croit dans l’attaque et, sans toucher à la structure, peut transformer ses principes en arme défensive. L’autre croit dans la défense, valeur refuge lorsque les choses tournent moins bien, et s’adapte lorsqu’elle ne suffit pas. Avec 50 % de possession en Liga et le deuxième total de buts en Liga, l’Atlético s’éloigne régulièrement d’une caricature surtout visible en Ligue des champions. Mais c’est dans le plus caricatural des scénarios que Diego avait remporté la dernière manche face à Pep.
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