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Liverpool - Benfica : Luis Diaz, aux racines du nouveau phénomène des Reds

Thomas Goubin

Mis à jour 13/04/2022 à 16:54 GMT+2

LIGUE DES CHAMPIONS - En Colombie, quand on est issu du groupe amérindien Wayuu, devenir football professionnel ressemble à une gageure. Pourtant, à 25 ans, Luis Diaz rayonne avec Liverpool. Et alors que son gabarit léger a longtemps suscité des réserves, son ascension semble aujourd'hui irrésistible. Au point de devenir l'arme fatale des Reds face à Benfica ce mercredi (21h) ?

Luis Diaz (Liverpool)

Crédit: Getty Images

C'est dans les terres inhospitalières d'El Guajira qu'il a façonné des qualités hors-normes qui lui ont permis de s'imposer à Liverpool comme s'il venait d'embaucher chez l'épicier du coin. Il faut dire que Luis Diaz a affronté trop de circonstances adverses pour être pris de trac, même s'il s'agit de la scène prestigieuse d'Anfield ou d'un quart de finale de Ligue des champions aller. La semaine dernière, à Lisbonne, le Colombien a ainsi été l'un des éléments moteurs du succès des Reds (3-1), avec une passe décisive et un but à son crédit.
Même l'hostilité de l'estádio da Luz n'a pas intimidé l'ex du FC Porto (2019-début 2022), représentant de la population Wayuu, un groupe indigène semi-nomade qui survit sur les extrémités nord-orientales de la Colombie. El Guajira, région en partie désertique, délaissée par le gouvernement et marquée par la malnutrition, ne produit que rarement de footballeurs. Dans ce tableau noir, il y a aussi une mine de charbon à ciel ouvert, une des plus grandes d'Amérique latine, qui accapare l'eau de la région, notamment de Barracas, la ville natale du prodige cafetero. Heureusement pour Luis Diaz, il y avait aussi une petite école de foot, animée par son père. Là et sur des étendues poussiéreuses, El Flaco (le maigre), son surnom familial, a perfectionné sa technique et repoussé les limites de la fatigue.

Entraîné par Carlos Valderrama

L'appartenance à l'ethnie Wayuu a malgré tout donné à Diaz sa première opportunité pour faire admirer ses dribbles, sa vitesse et son endurance. El Flaco brille avec la sélection de sa région et finit par être retenu en 2015, lors de la Copa América des peuples indigènes. Entraînée par Carlos "El Pibe" Valderrama, le grand représentant à frisette de l'école du "toque", la Colombie termine vice-championne, et Diaz se distingue. Valderrama, qui en pince toujours pour les joueurs doués techniquement et s'agace souvent qu'on sacrifie les talents sous l'autel des normes physiques, apprécie particulièrement cet ailier à la foulée aérienne qui ne pèse alors pas plus de cinquante kilos.
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Luis Diaz

Crédit: Getty Images

La sensibilité esthétique d'El Pibe n'est toutefois pas partagée par la plupart des entraîneurs, qui préfèrent des joueurs armés pour le duel. Quand Diaz fait six heures de route avec son père pour passer un test au Junior, le grand club de la cité caribéenne de Barranquilla dont Carlos Valderrama est l'emblème, le joueur génère d'ailleurs plus de scepticisme que d'unanimité. Mais on finit par lui donner une chance avec le club filiale, le Barranquilla FC, là où ont évolué des Carlos Bacca et Teófilo Gutiérrez.
Aussi rapide, endurant et déroutant soit-il, Diaz ne fait toutefois pas encore le poids. "C'était dur, parfois je n'avais même pas de quoi manger l'après-midi ou le soir", a-t-il confié en 2018, quand il a commencé à briller avec El Tiburón (le Requin, surnom du club côtier). Pour qu'il devienne le joueur qu'une minorité d'entraîneurs devine, l'étape décisive sera son premier contrat professionnel avec le Barranquilla FC, en 2016, qui lui permet d'être logé et bien nourri, quelques compléments alimentaires en prime.

Diaz a forcé le respect

Reste que son physique rachitique inquiète encore les médecins de la Fédération, alors qu'il figure parmi les candidats au championnat sud-américain U20 de 2017. Ses entraîneurs finiront toutefois par passer outre l'avis médical. Au-delà de sa vitesse et de ses dribbles chaloupés, ils sont convaincus par son attitude. A Barranquilla aussi, Diaz force le respect. Dans une ville où on s'entraîne parfois à 7h du matin pour ne pas débuter les séances trempé par l'humidité étouffante des Caraïbes, il ne rechigne jamais à l'effort, prêt à tout pour réussir dans son club de coeur. "J'ai eu la chance de travailler avec des milliers de jeunes colombiens, a confié à Sky Sports, Octavio Rivera, ex-responsable du centre de formation du Junior, mais en terme de caractère, de résilience et de capacité à lutter, je n'ai connu personne comme Lucho".
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Luis Diaz

Crédit: Getty Images

A force de travailler, le jeune Wayuu est fin prêt quand il est lancé avec le Junior de Barranquilla, en 2017, à 20 ans. A partir de là, tout ira aussi vite pour Luis Diaz que pour les défenseurs chargés de le marquer. "Quand il a commencé c'était un jeune comme les autres, timide, avec beaucoup de progrès à faire, se souvient le journaliste d'El Heraldo, José Palma, mais match après match on le voyait s'améliorer, et rapidement ses coéquipiers les plus expérimentés ont commencé à lui dire qu'il pourrait devenir un des meilleurs joueurs du monde s'il s'entraînait sérieusement".

Battu par Lucho Gonzalez mais repéré

En 2018, n°10 dans le dos, Diaz est déjà l'acteur principal d'une saison faste : il contribue au neuvième titre de champion d'El Tiburón, ce qui en fait le cinquième club le plus titré du pays, mais aussi à une campagne historique en Copa Sudamericana (équivalent Europa League), où les Colombiens atteignent pour la première fois la finale, perdue aux tirs au but face à l'Atlético Paranaense de Lucho Gonzalez et Renan Lodi (Atlético de Madrid). Il a alors encore ce visage creusé comme les chemins de terre d'El Guajira et ces yeux exorbités. Mais plutôt que de s'inquiéter de son rachitisme, on loue désormais son agilité, sa vitesse et cette force de frappe que ne laissent pas soupçonner ses jambes de demi-fondeur. Cerise sur le gâteau, la sélection l'appelle pour la première fois, alors que l'Europe commence à s'intéresser à lui et que le River Plate de Marcelo Gallardo le désire.
Luis Diaz n'est pas un joueur formaté. Quand on le voit voler avec la légèreté d'une biche vers le but et éliminer avec une facilité assez sidérante ses adversaires, on a même envie de le classer dans la catégorie des Garrincha, Neymar, talents indomptables. Mais ce fan de Ronaldinho figure aussi l'attaquant moderne, aussi appliqué dans le travail de récupération que dans l'attaque de l'espace libre.
Il remplit même complètement le cahier des charges fixé par Jurgen Klopp pour sa position : attaquant de côté attiré vers l'axe, amateur de profondeur et doté de la caisse suffisante pour contre-presser activement. Liverpool n'a pas lâché 45 millions d'euros et tout fait pour l'avoir à son service dès le mercato d'hiver pour rien. "C'est un joueur qui a faim et qui sait qu'il faut se battre pour parvenir à ses fins", a loué Klopp. Avec les Reds, Diaz compte déjà sept titularisations en Premier League et ressemble au successeur naturel de Sadio Mané.
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