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Pour Mourinho, l'enfer c'est les autres...

Bruno Constant

Mis à jour 22/03/2018 à 10:30 GMT+1

De l’élimination en Ligue des champions face à Séville à la qualification en Cup contre Brighton, le Special One s’est attaqué à l’institution United, puis à ses joueurs, sans jamais faire le moindre mea culpa. Une attitude qui fragilise son vestiaire plus qu’elle ne le renforce autour de lui, avec les conséquences que l’on connaît au moment de sa troisième saison au club…

Jose Mourinho

Crédit: Getty Images

Jose Mourinho est décidément incorrigible. Il arrive toujours dans son nouveau club avec un large sourire, déclarant qu’il a changé, qu’il s’est assagi et repart toujours avec perte et fracas avec pour seule progression celle de précipiter un peu plus tôt le moment du divorce. A Chelsea (chapitre I, 2004-2007), le Special One s’était fâché avec ses dirigeants au début de la quatrième année (septembre). Au Real Madrid (2010-2013), au bout de la troisième (mai). A Chelsea (chapitre II, 2013-2015), au beau milieu de la troisième (décembre). Vous me direz : et à l’Inter Milan ? Mourinho a eu la bonne idée de partir après deux saisons pleines et sur un triplé historique (Serie A, Coppa Italia, Ligue des champions).
Deux années c’est souvent ce que Mourinho a de mieux à offrir. An I : remise en ordre. An II : succès. An III : divorce. Enfin, plus tout à fait. A Manchester United, le Portugais n’a pas encore achevé sa deuxième saison qu’il est déjà en guerre contre la terre entière. Contre les anciens joueurs de United qu’il accuse de déstabiliser le club par leurs critiques ("Scholes restera dans l’histoire comme un joueur phénoménal, pas comme consultant"), contre les médias à qui ils reprochent d’inventer des histoires, contre Antonio Conte, qui n’avait rien demandé, contre Paul Pogba, qui il y a peu était le "meilleur milieu de terrain au monde", et, désormais, une partie de son vestiaire qui lui reproche son "man management", sa gestion humaine. Et c’est souvent cette dernière qui a provoqué sa chute, à Madrid comme à Chelsea. J’y reviendrai plus bas…
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8es - Mourinho : "Ce n'est pas la fin du monde"

Il a eu tout faux face à Séville et pourtant…

Jose Mourinho sort d’une semaine au cours de laquelle ses apparitions médiatiques ont eu davantage d’écho que les performances sportives de son équipe : une élimination grotesque face à Séville (0-0, 1-3) en Ligue des Champions pour avoir trop calculé et totalement déjoué, une qualification sans convaincre face à Brighton en Cup. Contre Séville, Mourinho a eu tout faux sur toute la ligne, de sa composition où il s’est privé de joueurs qui auraient pu lui offrir davantage de maîtrise au milieu (Mata, Pogba) à son approche, trop attentiste.
0-0 n’est jamais un bon résultat à l’extérieur à l’aller mais son équipe, qui devait s’imposer à Old Trafford pour passer, aurait dû emballer la rencontre, jouer pour entraîner le public avec lui et marquer un voire deux ou trois buts quitte à en prendre. Sa formation a fait tout le contraire, jouant petit bras, et est sortie sans gloire. Mais plutôt que faire profil bas et assumer ses erreurs, Mourinho a préféré contre-attaquer lâchant qu’il ne fallait "pas en faire un drame", en se plaçant au-dessus de l’institution Manchester United ("j’ai déjà été dans ce fauteuil après avoir éliminé MU avec Porto et le Real") et donc qu’il n’y avait "rien de nouveau" dans l’élimination du club. Les supporters ont apprécié…

L’"héritage", c’est aussi Salah et De Bruyne dont il n’a pas vu le talent à Chelsea

Attendu au tournant avant Brighton et trois jours après Séville, Mourinho a débarqué en conférence de presse tout sourire, bras levés, en s’exclamant "I’m alive !" ("Je suis vivant") avant de se lancer dans ce fameux speech de douze minutes. Pas tout à fait un monologue puisqu’il a attendu la cinquième question, portant sur la déception des supporters. Son numéro était préparé. En s’appuyant sur des notes qu’il avait écrites sur une feuille de papier, il a mis en avant le "football heritage". Celui que ne lui a pas laissé ses prédécesseurs, de Ferguson à Van Gaal en passant par Moyes dont il a énuméré les échecs européens successifs.
Mais comment comparer son élimination face à une équipe somme toute moyenne de Séville, qui ne disputera pas la Ligue des Champions la saison prochaine (6e de son championnat), avec celle de 2013 face au Real Madrid qui a basculé sur l’expulsion de Nani alors que MU menait 1-0 à OT et 2-1 sur l’ensemble des deux matches ? Ou celle de 2014 chez le champion d’Europe en titre (Bayern Munich, 1-1, 1-3), en quarts, après avoir ouvert le score en Allemagne ? Comment ne pas admettre que Moyes et Van Gaal ont essuyé les plâtres de l’après-Ferguson qui, de l’avis de tous, serait une traversée du désert inévitable ? Comment mettre en avant le "football heritage" dont a bénéficié Guardiola à son arrivée à Manchester City (Otamendi, De Bruyne, Silva, Agüero…) et omettre celui qu’il n’a pas laissé à Chelsea en ne donnant pas sa chance à De Bruyne et Salah partis sous ses ordres en 2014 et 2015 ? Aujourd’hui, le Belge, à City, et l’Egyptien, à Liverpool, sont les deux meilleurs joueurs du championnat d’Angleterre et figurent à n’en pas douter dans le Top 5 mondial.
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Luke Shaw et José Mourinho

Crédit: Getty Images

L’héritage, comme il dit, c’est pourtant ce qui lui a permis de battre Liverpool à Old Trafford grâce à un onze composé de six joueurs déjà présents au club avant son arrivée et aidé d’un gamin (Rashford) lancé par Van Gaal. Un gamin talentueux qu’il avait pourtant laissé au placard depuis le 26 décembre (sa dernière titularisation en Premier League) sans explication.
Après Brighton et malgré la qualification, Mourinho a préféré, cette fois, attaquer ses joueurs, tous ses joueurs, sauf deux : Matic, "une île de personnalité entouré par un manque d’envie", et McTominay, "qui a joué son plus mauvais match mais a tout donné comme un joueur de United doit le faire". Et, surtout, très peu ont goûté le traitement infligé à Shaw, remplacé à la pause et que Mourinho a tendance à infantiliser. "C’est une chose d’essayer d’obtenir une réaction, c’en est une autre d’humilier un joueur, a déploré l’ancien Gunner Martin Keown. Mourinho devrait considérer ses joueurs comme ses fils. Comment aurait-il réagi si son propre fils avait été traité aussi mal ?" Luke Shaw n’est pas grand chose à Manchester United, seulement le deuxième choix à gauche de la défense, mais il pourrait vite devenir le grain de sable qui dérègle la machine et fissure un vestiaire lassé par la gestion humaine du Portugais.

Ce qui était sa force est devenu un handicap

Le "man management" était la force du Special One à Chelsea puis à l’Inter. Il ne fonctionne plus depuis quelques années déjà et semble même devenu un handicap. La preuve, encore, avec Pogba. Mourinho a le droit d’être déçu. Nous sommes nombreux à l’être. Mais comment le Français est-il passé du statut de "meilleur milieu de terrain au monde", selon Mourinho lui-même fin décembre, à doublure du jeune McTominay, inconnu il y a encore trois mois ? Pogba est devenu tout l’opposé de l’Ecossais, vanté pour sa simplicité par son entraîneur. Si c’était une manière de piquer le Français, Mourinho doit admettre que cela n’a pas fonctionné.
Il a souvent opéré de la sorte, partout où il est passé. Si le joueur réagit, c’est grâce à lui. Si le joueur sombre, c’est la faute du joueur. On pourrait ajouter la gestion de Martial, meilleur Red Devil jusqu’à l’arrivée d’Alexis Sanchez qui a plombé le Français et le collectif de United. Mourinho passe d’une mode à l’autre en se désintéressant complètement de ceux qui ne lui servent plus. Où est passé Darmian, cette saison ? Blind ? Herrera ? Sans doute le meilleur joueur de United lors de la saison précédant l’arrivée de Mourinho et si bon dans un rôle de sangsue accrochée aux mollets de Hazard face à Chelsea l’an passé. C’est ce qu’on appelle la gestion humaine, maintenir tout le monde concerné. Et c’est souvent les dégâts qu’il laisse en quittant un club. Demandez à Chelsea ou à Madrid. C’est aussi ça l’héritage.
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FA Cup - Matic, la seule vraie satisfaction pour Mourinho

Mais qu’on se le dise : la deuxième saison de Mourinho à MU n’est pas un échec en termes de résultats, loin de là, en tout cas pas encore. Hormis la sortie prématurée en Ligue des Champions, son équipe est deuxième du championnat avec un total de points (65 après 30 journées) qui lui permettrait d’être champion ou de disputer le titre lors des cinq dernières années et lui assure presque d’ores et déjà une place en Ligue des champions la saison prochaine. Elle est également qualifiée pour les demi-finales de la Cup.
Mais, contrairement à ce que pense le Portugais, il n’y a pas que les résultats en football. Et surtout pas quand on est sur le banc de Manchester United. C’est davantage la manière, à l’image de son succès sur Liverpool grâce à deux buts venant de deux dégagements de son… gardien, l’absence de progression de son collectif et de certaines individualités qui lui sont reprochées. La question est de savoir si la méthode Mourinho, qui semble belle et bien dépassée, est encore capable de rapprocher MU du City de Guardiola la saison prochaine. Les dirigeants n’ont pas à se la poser, ils ont prolongé, dès janvier, leur manager jusqu’en 2020. Un peu vite, peut-être.
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