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La revanche du très élégant Mister Roy Hodgson

Bruno Constant

Mis à jour 08/01/2018 à 18:16 GMT+1

PREMIER LEAGUE - Souvent moqué, rarement pris au sérieux et surtout enterré après le fiasco de l’Angleterre face à l’Islande à l’Euro, Roy Hodgson a prouvé, en remontant Crystal Palace de la 20e à la 14e place, qu’il est avant tout un technicien de qualité, même à 70 ans.

Roy Hodgson à la tête de Crystal Palace

Crédit: Getty Images

Nous sommes beaucoup à nous être trompés, moi le premier. Le 12 septembre dernier, lorsque les dirigeants de Crystal Palace ont abrégé les souffrances de Frank De Boer après seulement quatre journées de championnat, autant de défaites et aucun but marqué, puis nommé Roy Hodgson, toute l’Angleterre a esquissé un sourire, pour être poli. Même les supporters des Eagles n’étaient guère emballés à l’idée de voir leur club sortir de sa retraite un vieux monsieur de soixante-dix ans dont la carrière semblait s’être achevée à jamais sur le fiasco de l’équipe d’Angleterre à l’Euro, un an plus tôt, face à l’Islande.
Ses débuts ont été épouvantables (3 défaites, 10 buts concédés, 0 marqué) peu aidés par un calendrier qui l’était tout autant (déplacements à City et United). Mais l’équipe, qui comptait neuf défaites lors des onze premières journées, en a concédé une seule lors des onze dernières - face à Arsenal (2-3) - après avoir été tout près de renverser cette rencontre dans le petit chaudron de Selhurst Park, le seul stade anglais à avoir un kop. Lanterne rouge à son arrivée, voilà les Londoniens quatorzièmes. Certes, la zone rouge n’est pas si éloignée (2 points seulement sur le premier relégable, Stoke) mais Palace est revenu à un rang plus conforme à ses ambitions de première moitié de tableau.
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Wilfried Zaha of Crystal Palace celebrates victory after the Premier League match between Leicester City and Crystal Palace at The King Power Stadium

Crédit: Getty Images

Longtemps moqué pour son accent

En l’espace de quatre mois, Hodgson a retourné la situation et redoré une partie de son image. C’est évidemment une belle revanche pour ce vieux sage et cet homme trop bien élevé dans un monde du football cruel et sans manière. "Sur la voie de la rédemption" titrait The Daily Telegraph, le 17 décembre dernier. Car rien a été épargné à cet homme, souvent moqué, jugé comme "l’un des pires coaches de l’histoire du football anglais" par certains et un "serial loser" pour d’autres.
Tout le monde se souvient du 1er mai 2012, jour de la nomination de Roy Hodgson à la tête de l’Angleterre. Ce qui devait être la récompense suprême et le plus beau jour d’un technicien longtemps expatrié s’est transformé en une ignoble campagne de dénigrement, laissant remonter à la surface ce qu’il y a de pire au sein de la presse britannique et notamment The Sun. Le tabloïd avait lancé les hostilités dans un vomi de vulgarité en titrant à la Une de son journal : "Bwing on the Euwos !" (We’ll see you in Ukwaine against Fwance)*, en référence à l’accent du technicien, originaire de Croydon et surnommé affectueusement « Woy » par les supporters de Fulham, qui a tendance à ne pas prononcer les "r". Un rédacteur en chef du journal, présent à la conférence de presse, ira même jusqu’à lancer haut et fort à Hodgson qu’il n’était pas son choix pour le poste ayant longtemps milité pour son copain "Arry" Redknapp, favori déchu des bookmakers.

Le dernier britannique à avoir conduit un club anglais en finale européenne

C’est une manière étonnante (et basse) de se moquer d’un homme qui parle cinq langues et reste l’un des rares techniciens anglais à avoir su s’exporter et réussir à l’étranger, de la Suède (Halmstad, Oddevold, Malmö), à la Suisse (Neuchâtel, Grasshoppers) qu’il n’a notamment qualifié pour la Coupe du monde (1994), du Danemark (Copenhague) à l’Italie (l’Udinese et surtout l’Inter Milan). Hodgson a conduit les Nerazzurri de Djorkaeff et Zanetti en finale de la Coupe UEFA (1997) et on a tendance à oublier qu’il est le dernier entraineur anglais à avoir porté un club anglais en finale d’une coupe d’Europe.
Une idée ? Fulham, en 2010, en Europa League, après avoir éliminé le Shakhtar Donetsk, Wolfsburg, Hambourg et surtout la Juventus Turin en huitièmes de finale. Battus à l’aller en Italie (1-3) et mené 0-1 au bout de deux minutes au retour à Londres, les Cottagers avaient renversé l’équipe de Trezeguet, Del Piero, Cannavaro et Zebina au terme d’un match épique (4-1) ! Et l’une des plus belles ambiances qui m’ait été donnée de vivre dans le petit stade plein à craquer de Craven Cottage.
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Roy Hodgson in the dugout before his first match at Crystal Palace manager

Crédit: Getty Images

S’il a échoué à Liverpool où la planche semblait savonnée par un certain Kenny Dalglish qu’il avait devancé en juillet 2010 mais qui le remplaça six mois plus tard, il a réussi à West Bromwich qu’il a porté, en 2012, à son plus haut classement (10e) depuis 1981 avant de rejoindre la sélection anglaise. S’il a conduit les "Three Lions" en tête de son groupe à l’Euro 2012, devant la France, avant d’être éliminés aux tirs au but par l’Italie, futur finaliste, son parcours de sélectionneur reste marqué par l’élimination au premier tour du Mondial brésilien puis par le naufrage face à l’iceberg islandais que personne n’avait vu venir à l’Euro 2016.
Hodgson fut la cible privilégiée de violentes critiques alors que le problème de l’Angleterre était avant tout physique. "Je ne pense pas que Roy savait ce qu’il faisait", avait lancé l’ancien des Spurs Jermaine Jenas, oubliant au passage la série de vingt matches d’invincibilité des Anglais (16 victoires et 4 nuls). "C’était le pire match de l’Angleterre que j’ai vu de ma vie", avait ajouté Alan Shearer.

Il a fait vaciller l’invincibilité du City de Guardiola

Congédié et enterré, Hodgson a donc pris le risque de revenir sous le feu des critiques en venant au chevet de la lanterne rouge, Crystal Palace. L’Anglais a hérité d’un effectif marqué par les passages successifs d’Alan Pardew et Sam Allardyce et pour lequel le pari du tiki taka sur le modèle barcelonais prôné à son arrivée par Frank De Boer était perdu d’avance. Hodgson a redonné l’organisation collective et la solidité défensive qui ont fait son succès à Fulham. Le 4-4-2 à plat a été remplacé par un 4-1-4-1 dans lequel Benteke a succédé à Zamora dans le rôle du point de fixation et qui voit les virevoltant faux ailiers Zaha et Townsend jouir d’une plus grande liberté offensive. Yohan Cabaye y a retrouvé des couleurs tandis que Mamadou Sakho devrait bientôt y apporter à nouveau son expérience.
Avec ses nombreux internationaux et ses talents offensifs, Palace a d’ailleurs davantage le visage d’un prétendant au Top 10 qu’un candidat à la relégation. Pour preuve, ses résultats face aux formations de tête. En dehors des lourdes défaites à City (0-5) et United (0-4), Palace a résisté à Liverpool (0-1, 76e) et à Tottenham (0-1, 64e), battu Chelsea (2-1), fait trembler Arsenal jusqu’à la 89e minute (2-3) et fait vaciller l’invincibilité du leader, City (0-0), à Selhurst Park. Profitant du long arrêt de jeu qui voyait De Bruyne et Puncheon sortir sur civières, Guardiola était allé s’asseoir à côté de Hodgson qui allait le priver du record de victoires consécutives. Une jolie image et une marque de respect pour le travail accompli par un vieux sage qui mérite décidément davantage que le peu de respect montré à son égard par l’Angleterre jusqu’à aujourd’hui.
(*) Traduction : "Amenez (l’Angleterre) à l’Euro ! (On se voit en Ukraine contre la France);"
Bruno Constant fut le correspondant de L’Equipe en Angleterre de 2007 à 2016. Il collabore aujourd’hui avec RTL et Rfi en tant que spécialiste du football anglais et vous livre chaque sa semaine sa chronique sur la culture foot de Sa Majesté.
Pour approfondir le sujet, retrouvez son Podcast 100% foot anglais sur l’actualité de la Premier League et du football britannique.
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