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Le jour où les Anglais ont inventé l'anti-Coupe d'Europe : la Full Members Cup

Four Four Two

Mis à jour 14/09/2017 à 15:35 GMT+2

Créée à la suite du drame du Heysel, la Full Members Cup s’est jouée en Angleterre de 1985 à 1992. Elle ne suscite aucune nostalgie chez les supporters mais a quand même fait quelques heureux. FourFourTwo vous raconte l’histoire de cette compétition dont personne ne voulait.

Glenn Keeley (Blackburn)

Crédit: Getty Images

"La Zenith System…" Howard Kendall marque une pause. "Le trophée Zenith Systems. Enfin Zenith quelque chose. Qu’est-ce que c’était déjà ?" La Zenith Data Systems Cup, lui rappelle-t-on. "Oh mer…, lâche-t-il en riant. Ce n'était pas exactement la Ligue des Champions d’aujourd’hui, hein !" Howard Kendall n’est pas le premier venu. L’ancien coach d’Everton a remporté deux Premier League, une Cup et la Coupe des Vainqueurs de Coupes au milieu des années 80 avec les Toffees. Mais c’est également lui qui a conduit son club à une finale moins prestigieuse : celle de la Zenith Data Systems Cup en 1991. Une compétition étrange qui a vu le jour après le drame du Heysel et pour laquelle Kendall s'efforce encore de feindre un certain enthousiasme.
La Zenith Data Systems Cup a été la dernière version de la Full Members Cup, qui avait été lancée en 1985 et qui portera également le nom de Simod Cup pendant deux ans (1987-89). Créée par le comité de gestion de la Football League (présidé par Ken Bates, le boss de Chelsea), elle regroupait les clubs des deux meilleures divisions anglaises et se voulait être un moyen de combler le manque à gagner pour les équipes privées de joutes continentales. Mais en Angleterre cet été-là, le ballon rond était devenu une honte nationale.
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Simon Barker

Crédit: Getty Images

Le foot derrière le snooker

Le drame du Heysel avait été le dernier évènement tragique d’une longue série pour le football anglais. Et si l’exclusion de la scène européenne a été le plus retentissant, d’autres incidents avaient secoué le pays : bagarres entre supporters, incendie du Valley Parade (56 morts),… Les présidents de clubs ont quand même décrété qu'en dépit de la situation, les 17 millions de livres de droits TV n’étaient pas suffisants. Les chaînes pensaient évidemment autrement.
"Elles estimaient que le snooker attirait plus de monde", rappelle Graham Kelly, le secrétaire de la Football League. Aucun match de foot n'a d’ailleurs été télévisé jusqu'en janvier 1986. Le nombre de fans présents dans les tribunes était tout aussi inquiétant. Lors de la saison 1985-86, seulement 16,5 millions de supporters étaient venus voir un match du championnat anglais. Ils étaient 41,3 millions en 1948-49 au sortir de la guerre.

Remontage de bretelles

"C'était une période terrible, se souvient Graham Kelly. On m'a emmené au 10 Downing Street sur demande de Margaret Thatcher et j'ai dû m'expliquer. Quand Ken Bates a eu l'idée d'une nouvelle compétition, j'étais sceptique. Depuis que j’étais devenu secrétaire de la Football League en 1979, j'avais toujours soutenu que nous jouions trop de matches. Nous voulions réduire le nombre d’équipes en Première Division. Mais Ken a soutenu que les fans voudraient voir davantage leur équipe."
Bates trouve un allié de poids en la personne de Ron Noades, président de Crystal Palace. Ce dernier se souvient que convaincre les autres clubs a été étonnamment facile, à l’exception des grands d’Angleterre. "Les clubs les plus moyens étaient enthousiastes à l’idée de ces matchs supplémentaires", rappelle-t-il. Mais tout le monde n’adhère pas.
Vingt-et-une équipes participent à la campagne inaugurale, dont seulement cinq de l’élite (Chelsea, Coventry, Manchester City, Oxford et West Brom). Quatre formations du Big Five de l’époque (Liverpool, Everton, Tottenham et Manchester United), qualifiées pour l'Europe mais recalées par l’UEFA, refusent de rejoindre la nouvelle compétition.
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Blackburn Rovers captain Glenn Keeley holds the Full Members Cup

Crédit: Getty Images

Des tribunes vides

Arsenal a également décliné l’invitation, malgré les efforts de Bates et Noades pour convaincre les Gunners. "Ils ne nous ont donné aucune raison, rappelle Noades. Je suppose que comme tous les autres grands clubs à l'époque, ils pensaient que cette compétition n’était pas digne d’eux. De la même manière qu'ils se sentaient plus importants que les autres quand on parlait des droits TV". Le public semble également partager ce snobisme et boude la compétition. Mais pas au point de faire douter Bates, résolument optimiste.
Les gradins sont pourtant vides, à l’image de ce triste record de 4 029 spectateurs à Maine Road pour un match de Manchester City. Pire encore, ils ne sont que 817 pour une rencontre de Charlton un an plus tard. Mais encore une fois, l’optimisme de Bates n’est pas ébranlé, convaincu que certains derbys trouveraient leur public. Lors de la saison 1989/1990, un match entre les deux équipes de Sheffield réunit ainsi 30 500 personnes à Hillsborough, permettant de porter l’affluence moyenne de la compétition au-dessus de la barre des 10 000 pour la seule fois de ses sept ans d’existence. Le reste du temps, elle stagne aux alentours de 8 000…

La Super Cup débarque à son tour

Tout cela n’empêche pas Bates d’avoir le sourire à la fin de la saison, Chelsea remportant la première finale de cette nouvelle compétition à l’issue d’une rencontre palpitante contre Manchester City (5-4). Mais l'absurdité de la Full Members Cup est également mise en avant, les deux formations ayant disputé un match de championnat 24 heures auparavant. "Cela ne me dérangeait pas, se souvient Pat Nevin, l’ailier écossais de Chelsea. J'aimais simplement jouer au football."
Bates pouvait se vanter d'avoir offert une belle finale, ce qui n’était pas le cas d’une autre compétition lancée à l'époque : la Super Cup. Elle a rassemblé les six formations initialement qualifiées pour les Coupes d’Europe (Liverpool, Everton, Tottenham, Manchester United, Southampton et Norwich), divisées en deux groupes de trois avant des demi-finales et une finale. Une compétition également boudée par le public et qui ne sera pas renouvelée après une édition initiale qui a sacrée Liverpool.
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Conte : "La Ligue des champions, c'est encore plus difficile pour les équipes anglaises"

Trois mois pour disputer une demi-finale aller-retour

Les Reds et Norwich avaient disputé leur demi-finale aller en février. Mais en raison du calendrier, il a fallu attendre le mois de mai pour jouer la manche retour. Quant à la finale entre Liverpool et Everton, elle ne s’est déroulée… qu’en octobre ! "Nous sommes allés un soir à Norwich, se souvient Howard Kendall, ancien coach d’Everton. Nous aurions dû affronter les meilleures équipes d’Europe et au lieu de cela, nous étions dans le Norfolk pour disputer une coupe dont tout le monde se moquait".
Comble de l’ironie, le trophée remporté par les Reds est aujourd’hui introuvable. "On nous a remis la coupe sur la pelouse de Goodison, se souvient Ian Rush, auteur de cinq buts lors de cette finale aller-retour. Les supporters d’Everton avaient quitté le stade et nous sommes allés face à notre kop. J’ai donné le trophée à un supporter qui l’a glissé dans son manteau. Et on ne l’a jamais revu."

L’amertume de la plupart des joueurs

Comme son trophée, c'était déjà la fin de la Super Cup. En revanche, l’aventure s’est poursuivie pour la Full Members Cup, désormais sponsorisée par le fabricant de chaussures de sport Simod et boostée par un nombre d'équipes participantes croissant (de 30 à 40, avec 14 équipes de D1 en 1986-87 puis 17 en 1987-88). Jimmy Case, vainqueur de trois coupes européennes avec Liverpool, se souvient de cette période. "J'ai joué contre Johan Cruyff, Johan Neeskans et Berti Vogts… Affronter des équipes étrangères vous fait progresser, mentalement et techniquement. Avec la Simod Cup, cela n’était pas le cas."
Qu’importe certaines critiques : le format de la compétition a changé (tours à élimination directe) et en 1987, même Everton était de la partie. "Ils ont accepté de participer alors qu’ils étaient les champions en titre", se souvient fièrement Ron Noades, le président de Crystal Palace. Mais toujours pas d’Arsenal ou de Manchester United…
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Chelsea captain Colin Pates with the trophy after winning the Full Members Cup Final against Manchester City

Crédit: Getty Images

La Coupe de Mickey Mouse

Malgré le snobisme et le scepticisme qui entourent la compétition, les clubs des échelons inférieurs l'ont, eux, adorée et ont connu leur heure de gloire. A l’image de Reading. Relégués lors de la saison 1987/1988, les Royals se hissent jusqu’à Wembley et s’imposent face à Luton. Les photos de la victoire ornent toujours les murs du Madjeski Stadium.
"J’ai encore des frissons en parlant de ce moment, affirme le capitaine des Royals, Martin Hicks. Franchir chaque tour et aller chercher le trophée était tout simplement incroyable. Il y avait 40 000 fans pour nous soutenir. Les mauvaises-langues parlaient de la 'Coupe de Mickey Mouse' mais personne ne m’enlèvera ce moment de joie." Le club de Ron Noades, Crystal Palace, a attrapé une fièvre similaire en 1991, battant Everton en finale d’une compétition désormais sous le parrainage de l'entreprise Zenith Data Systems.

Clap de fin avec l’arrivée de la Premier League

"J'ai toujours les photos de ce jour, affirme Ron Noades. Et voir mes joueurs brandir un trophée à Wembley reste l'un des plus beaux jours de ma vie dans le football. Alors c’est vrai, les plus grands clubs n’étaient pas là et les stades étaient parfois un peu vides. Mais demandez à ceux qui sont allés à Wembley grâce à cette compétition et qui n’auraient jamais pu y aller autrement… Ils vous diront tous la même chose : c'était un énorme succès."
L'enthousiasme de Noades n'est d’ailleurs pas totalement déplacé. La compétition a atteint son sommet en 1990 lorsque la finale entre Chelsea et Middlesbrough a attiré une foule plus importante (76 369) que lors de la finale de la Coupe de la Ligue. "Mais quand la Premier League est arrivée, il n’y avait plus de place pour une compétition comme celle-ci", semble regretter Noades. En 1992, clap de fin sur la Full Members Cup. Ou appelez-la Simod Cup ou encore Zenith Data Systems Cup. Une anti-Coupe d’Europe dont personne ne voulait. Mais qui a malgré tout fait quelques heureux…
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