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Serie A : Le scandale Muntari ne change rien, l'Italie est gangrénée

Valentin Pauluzzi

Mis à jour 09/05/2017 à 12:51 GMT+2

L’affaire Muntari a secoué le football italien la semaine passée, mais se scandaliser ne suffit pas ou plus. De tels comportements ne sont que l’expression d’un contexte éternellement agité.

Sulley Muntari of Pescara reacts during the Serie A match between Cagliari Calcio and Pescara Calcio at Stadio Sant'Elia on April 30, 2017 in Cagliari, Italy.

Crédit: Getty Images

"La Cour Sportive d’Appel, après avoir auditionné l’arbitre, et en considérant la délicatesse particulière du thème inhérent aux droits très personnels de l’homme avant encore ceux du joueur, reconnait l’admissibilité du recours ordinaire, l’accueille, et par conséquent annule la suspension d’une journée." Tout est bien qui finit bien ? Non. L’affaire Muntari a eu le temps de faire le tour de la toile et du monde, provoquant la réaction et l'indignation publiques, entre autres, de la Fifpro (syndicat international des footballeurs), du commissaire des droits humains au conseil européen et même du haut-commissaire des nations unies. Malgré l'épilogue heureux, cette histoire ne doit pas faire oublier l'inculture dans laquelle baigne le football italien.

Muntari a fait ce que tous devraient faire

C’est un classique, un insupportable rituel auquel j’assiste devant ma télé ou au stade. J’entends régulièrement des cris de singe à l’encontre des joueurs noirs (souvent après une faute ou une action loupée), mais les commentateurs ne les relèvent que très rarement tandis que mes collègues de la tribune de presse restent impassibles. Pourtant, ces beuglements sont parfaitement audibles.
Au fond de moi, j’espère à chaque fois que le joueur pris pour cible plaque tout et quitte le terrain, accompagné par ses semblables voire tous les autres joueurs. Koulibaly ne l’a pas fait, Keita non plus, Rüdiger encore moins. Muntari, lui, ne s’est pas fait prier lors de ce Cagliari-Pescara dimanche dernier. Ça lui a valu un jaune pour protestations véhémentes envers l’arbitre (qui devait toutefois attendre l’avertissement via les haut-parleurs) et un autre pour être sorti du rectangle vert sans autorisation (d’où l’expulsion préalable), mais cela a permis de mettre un gros coup de projo sur un fléau toujours présent. D’autant que se trouvait un gamin parmi les auteurs de ces cris odieux.
Les insultes de cet enfant m’ont fait enrager, s’ils font cela assis à côté de leurs parents, il n’y a pas de futur, a déclaré l’international ghanéen.
Comment ne pas souscrire à de tels propos. Malheureusement, le petit et son père reviendront au stade dès la prochaine fois. C’est là où le bât blesse, les moyens pour mener ce combat sont inefficaces. Pis, ils ont été revus à la baisse.
Rappelez-vous il y a quelques années et l’intolérance zéro lorsque des pans entiers de tribunes avaient été fermés pour manifestation de discrimination raciale et même territoriale. Les clubs avaient pesté pour que la norme soit revue prétextant la possibilité de subir le chantage de la part de leurs propres supporters ultras. Désormais, il faut qu’au moins 1% des personnes présentes au stade se lancent dans une imitation d’orang-outan afin qu’une mesure soit prise (les inspecteurs de la Ligue se chargent de quantifier). Et encore, il s’agit d’un sursis qui dure un an. Les dix attardés du Sant’Elia n’ont donc pas suffi. Certes, concocter la règle parfaite pour épargner les innocents est délicat, mais qu’en est-il des coupables ? Impossible de les identifier.
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Des messages contre le racisme sur les écrans géants du Juventus Stadium

Crédit: Eurosport

L’exemple ne vient surtout pas d’en haut

Y’a-t-il vraiment la volonté de le faire ? En effet, les dirigeants dépensent une énergie incroyable pour éviter la stigmatisation de leurs supporters, exemple récent avec Maurizio Setti, président du Hellas Verona qui s’apprête à remonter en Serie A : "Nous ferons tout pour annuler la fermeture du kop, une décision injuste." Après que, pour une fois, la justice sportive ait enfin pu passer à l’acte. Quant aux joueurs, aucun d’entre eux n’a le courage de prendre position ou alors ils sont tous atteints d’une surdité précoce.
Et quid de Carlo Tavecchio président de la fédération dont le début de mandat a été marqué par une suspension de six mois par la FIFA suite à des propos racistes ? Quelle est la crédibilité de ce monsieur qui a évidemment condamné ces cris tout en citant la campagne de sensibilisation menée avec Fiona May, ex-championne italienne d’athlétisme ? Le genre d’initiative préventive totalement vaine.
Depuis la nuit des temps, certains homo sapiens se distinguent par leur racisme, à n’importe quelle échelle. Rien n’y changera. Un ignorant reste un ignorant même si on lui met du savoir à disposition, la paresse intellectuelle est trop forte. Auditionné par la commission antimafia qui enquête sur l’infiltration du crime organisé dans les kops, Franco Gabrielli, chef de la police transalpine, a récemment affirmé que 27 % des abonnés de la Curva Sud de la Roma possédaient un casier judiciaire. N’est-ce pas peine perdue ?

Personne ne peut jeter la pierre

La culture tribunes qui fait partie intégrante du football italien est désormais bien trop politisée pour effectuer un pas en arrière, or, la pointer du doigt comme unique coupable serait bien trop simpliste. D’une parce qu’on a vu avec Muntari que cela concerne aussi les tifosi en herbe, et de deux car c’est un laxisme global qui entretient cet environnement délétère.
Et cela ne concerne pas seulement les manifestations xénophobes. La semaine passée toujours, Simone Inzaghi a été tout bonnement incapable de condamner avec fermeté le triste spectacle des mannequins de la Roma pendus devant le Colisée par les ultras de la Lazio. En contrepartie, Gigi Buffon est rentré dans le lard des juventini outrageant la mémoire des martyrs du Grande Torino, néanmoins, bougerait-il le petit doigt si des chants à la gloire d’une nouvelle catastrophe aérienne venaient à être entonnés au Juventus Stadium ? Bien sûr que non.
Le calcio est un zoo. C’est pire ou pas mieux ailleurs ? C’est possible, mais je m’en fiche, car ce raisonnement est un premier pas vers l’approbation de tels comportements. Inutile d’être "corporate" et défendre mon bifteck, encore moins vu le dernier scandale en date : l’insulte raciste qu’a entendu Mehdi Benatia dans son oreillette lors d’un duplex avec la Rai en zone mixte. Alors oui, ce n’est peut-être pas mieux ailleurs, mais il faut avouer que l’Italie met la barre très haute.
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Sulley Muntari (Pescara)

Crédit: Getty Images

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