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Dossier Mendes : Un agent prophète en son pays

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 25/06/2013 à 10:47 GMT+2

A Porto, à Lisbonne, et même au coeur de la sélection portugaise : Jorge Mendes est partout là où le foot se joue au Portugal.

Cristiano Ronaldo macht den Unterschied

Crédit: SID

Portuguese connection
Comme ses "confrères" les plus puissants, Jorge Mendes a des clients privilégiés. Sa réputation il l’a aussi et forcément forgée au bled. Parmi ses clients préférés, le Sporting de Braga et le Benfica. Depuis qu’António Salvador est président du club du Minho (2003), Jorge y multiplie les affaires. Et les bons résultats des Guerriers du Minho l’encouragent à poursuivre. Salvador est le patron d’une grosse entreprise de BTP : Britalar. C’est sa société qui a fait sortir de terre le centre d’entraînement du Benfica. Un chantier à 13M€…
Les transactions entre les deux clubs sont devenues une tradition. Et Mendes y est pour beaucoup. Ces dernières saisons, il a rapporté plus de 80M€ au SLB rien qu’en vendant Fábio Coentrão, Angel Di Maria (Real Madrid) et Ramires (Chelsea). Il espère faire de même avec le jeune Nélson Oliveira
Si Jorge aime autant bosser avec le SLB c’est parce que son président est Luis Filipe Vieira. Depuis qu’il a englouti José Veiga, Mendes s’est rapproché de l’homme d’affaires. Vieira est un touche-à-tout qui, comme tout bon Portugais qui se respecte, a des billes dans le BTP. L’une de ses succursales a récemment remporté l’un des marchés du nouveau stade de l’Atletico Madrid. Un club avec lequel travaille beaucoup… Mendes. Les transferts entre les Colchoneros et les deux clubs portugais s’accumulent : Simão, Reyes, Roberto, Pizzi, Silcio, Ruben Micael ou le transfert le plus cher de l’histoire plus que centenaire du Benfica : Salvio (13,5 millions d’euros).
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Salvio und Benfica wollen ganz hoch hinaus

Crédit: Imago

Jorge Mendes n’est pas étranger aux bons résultats des Guerriers du Minho de ces dernières saisons. Il en récolte aussi les fruits. La saison 2012/13 est moins juteuse que les précédentes. Le SCB a terminé dernier de son groupe de Ligue des champions malgré deux bons matches contre le grandissime favori, Manchester United. Le folklorique Paulo Futre affichait, fin octobre, une photo de Mendes sur son compte facebook. La légende : "Indépendamment du résultat, il faut féliciter la qualité de jeu que le SC Braga a présenté à Old Trafford. Une équipe montée par cet homme."
Bebé et le Sporting
La Gestifute aime beaucoup travailler avec des clubs dont les patrons sont dans la construction ou l’immobilier. Mendes entretenait d’excellents rapports avec Emilio Macedo, l’ex-président du Vitoria de Guimarães. Mais tout n’était pas très clair… Les 3,6 millions d’euros disparus sur le transfert de Bebé pour Manchester United (près de 9 millions d’euros) traduisent l’obscurantisme entretenu avec certains clubs. Macedo faisait fructifier son affaire immobilière en vendant des appartements à ses joueurs… qui galéraient pour recevoir leurs salaires…
Et le Sporting ? Mendes en est. Il travaillait étroitement avec Carlos Freitas, lorsque celui-ci était le directeur sportif des Lions. Les comptes de la formation d’Alvalade sont plombés et Mendes en profite pour réaliser quelques bons coups. Certains sont fumants mais c’est surtout la gestion des dirigeants sportinguistes qui laisse place au doute. En 2012, le Sporting s’offre Elias. Malgré le passif abyssal dans lequel s’enfoncent les Lions, ses dirigeants déboursent 8,85 millions d’euros pour arracher l’international brésilien de l’Atletico Madrid (où Mendes a ses entrées). Un investissement record.
Quelques jours plus tard, il revend la moitié de ses droits pour 3,85 millions d’euros. Soit une perte de près de 1,15 millions d’euros… Et l’heureux acquéreur est un fond d’investissement : Quality Football Ireland Limited. Celui-là même que Kenyon a monté et pour lequel Jorge Mendes est "consultant". Le fameux fonds a aussi pris des parts sur le prometteur Van Wolfswinkel, Diego Rubio, Schaars et les jeunes João Mario Eduardo, Chaby et Cristian Ponde. QFIL a dévolu les 50% qu’il détenait sur Eric Dier au Sporting. Depuis, Elias a été prêté au Flamengo et Ricky a été vendu à Norwich pour une dizaine de millions. Les Lions qui ne détiennent plus que 35% de ses droits, mangeront les miettes. QFI partage le magot avec le Sporting Portugal Funds.
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Ricky van Wolfswinkel

Crédit: Imago

ESAF, le fond des Grands
Il n’est pas rare que les joueurs sur lesquels Jorge Mendes détient des parts soient aussi investis par l’ESAF, le fonds d’investissements lié à la puissante banque Espirito Santo. Ce fut le cas avec Di Maria ou Fabio Coentrão. L’ESAF est l’entité qui gère le Benfica Sport Fund et le Sporting Portugal Fund. Ces deux fonds basés au Luxembourg sont propriétaires de parts minoritaires de joueurs du Benfica et du Sporting. Leurs composantes restent mystérieuses. Leur but est très clair : elle permet aux clubs nommés de dégager des liquidités de façon immédiate. Et de brasser de l’argent. Beaucoup et souvent. Au cours d’une saison, les droits d’un même joueur peuvent être vendus puis rachetés par ces fonds à des prix variables.
Le lien avec Jorge Mendes n’est pas direct. Mais l’agent et certaines de ses meilleures tête d’affiche (Costinha et Maniche) n’ont pas manqué la course pour la Seleção organisée en juin dernier par… la banque Espirito Santo. Dans son communiqué de presse, l’entité bancaire n’a cité parmi les "15.000 participants" que cinq noms liés au monde du foot : "Jorge Mendes, Costinha, Maniche, Nélson Oliveira et Cristiano Ronaldo." Tous ont été ou sont toujours liés à la Gestifute. Même la femme de Jorge, la discrète Sandra, était présente.
L’influence de Jorge Mendes n’épargne personne au Portugal. Pas même la "Nation FC Porto." Janvier 2002. Le FC Porto piétine en Liga. Octavio Machado est sur la sellette. Et l’entraîneur l’a mauvaise. Pas contre ses joueurs, ni ses dirigeants mais contre l’agent Jorge Mendes. Sur TSF, il envoie : "La pyramide est inversée, que l’entraîneur n’est pas important, le club, les dirigeants non plus. Ce qui compte c’est l’agent." Octavio ne s’arrête pas là : "Il m’a invité à travailler avec lui quand j’arrêterai le football. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Un jour, il faudra qu’il m’explique."  L’entraîneur accuse Mendes de gérer le vestiaire des Dragons. A l’époque, la Gestifute détenait plus d’une douzaine de joueurs au FCP (Ibarra, Ricardo Carvalho, Jorge Andrade, Mario Silva, Paredes, Costinha, Fredrick, Quitana, Pavlin, Deco, Capucho, Cândido Costa, Clayton) ! 
L’accusé rétorque : "Ce monsieur est en train de tromper les socios de Porto, il trompe tout le monde. C’est honteux, il n’y pas d’explication. Jamais je n’ai assisté à une chose pareille. Je donne ma parole d’honneur que je dis la vérité et j’ai des témoins." Mendes était pourtant plus qu’incrusté au FCP. Il lui arrivait même d’effectuer les déplacements avec la délégation bleu et blanche lors des matches de coupe d’Europe. Les écoutes téléphoniques captées dans le cadre de la vaste affaire de corruption du "Sifflet Doré" laissent entendre la belle entente qui régnait entre Pinto da Costa et Jorge Mendes.
La polémique va toutefois enfler sur le dossier de Jardel. Après un passage fructueux en Turquie, "Super Mario" voulait rentrer au Portugal où il avait fait mouiller les portistes et pleurer ses adversaires. Mendes tente de faire revenir le Brésilien dans la cité invicta. Mais Octavio balance (encore) : "Je n’ai jamais parlé avec monsieur Jorge Mendes sur Jardel et je n’avais pas à le faire puisqu’il n’est pas le représentant de Jardel. Que je sache, il ne s’est jamais assis à la table des négociations." Mendes reproche à Octavio d’avoir préféré Esnaider. Le Brésilien finira par retourner en Liga… mais au Sporting. Et c’est José Veiga – le pire ennemi de Mendes – qui le place là-bas. Octavio finira par se faire virer et sera remplacé par Mourinho. Celui qui deviendra la tête de gondole de… Mendes.
Mais le président Pinto da Costa n’avalera jamais le transfert de Jardel chez le rival lisboète. Le haut dirigeant nordiste était le grand absent lors de l’hommage rendu à Mendes en mai 2012 même si les relations entre PdC et Jorge Mendes se sont normalisées. L’arrivée de Paulo Fonseca au poste d’entraîneur à l’intersaison 2013/14 le traduit à merveille. La Gestifute est toujours la bienvenue au Dragon si elle trouve de bons acheteurs à ses joueurs. Porto possède ses propres réseaux mais surtout ses propres fonds d’investissement.
Il "gère" la Seleção
L’influence de Jorge Mendes s’est étendue jusqu’à la Seleção. Et ça n’a échappé à personne. Au Mondial 2010, seuls huit joueurs n’étaient pas sous le contrôle de la Gestifute : Beto (António Teixeira), Miguel (Paulo Barbosa), Meireles (José Caldeira), Zé Castro (Nuno Patrão), Rolando (Cardoso da Silva), Pedro Mendes (Thomas Zorn), Liedson (Gilmar Veloz) et Daniel Fernandes (Janni Papadopoulos). Meireles est un ami de longue de date de Jorge, comme il l’avoue lui-même.  Lors du dernier Euro, seuls sept éléments échappaient son contrôle (Eduardo, Beto, Ricardo Costa, Miguel Lopes, Rolando, João Moutinho et Varela). Moutinho l’a rejoint depuis. Jorge a su se rapprocher des hommes providentiels du foot portugais. Comme Gilberto Madaíl qui a été le président de la fédé entre 1996 et 2011. C’est Mendes qui a facilité la venue de Scolari. Mais surtout son départ.
En 2008, il propulse le Brésilien à Chelsea. L’entente entre les deux hommes est telle que le sélectionneur permet à l’agent de se balader dans l’hôtel, en pleine compétition. Histoire de faciliter le transfert de Deco, là aussi, chez les Blues. Le successeur de Carlos Queiróz, c’est encore lui qui l’a trouvé. Après avoir rêvé de José Mourinho, c’est Paulo Bento qui a été choisi. Et juste avant que l’ancien entraîneur du Sporting ne soit nommé, il a changé d’agent. Deviniez qui il a choisi ? Jorge Mendes… Finalement, comme l’a dénoncé l’ancien sélectionneur António Oliveira, peu de choses ont changé. A l’Euro 96, c’est José Viega qui gérait la plupart des joueurs portugais. Aujourd’hui c’est Jorges Mendes.
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Paulo Bento

Crédit: Sharkfoot

L’omniprésence de Jorge Mendes suscite admiration et… agacement. Certains de ses confrères se sentent exclus. Et leurs poulains avec. Juste avant le dernier Championnat d’Europe, Paulo Barbosa s’emportait dans O JOGO au sujet de Varela, son attaquant du FC Porto : "Je ne pense que le sélectionneur l’appelle parce que Varela ne fait pas partie du club des amis de Paulo Bento." Barbosa se plantera. Varela ira en Pologne et en Ukraine. Et il plantera.
Mais le hasard continue de bien faire les choses. Pour l’amical du Portugal face à l’Equateur, en février dernier, Hugo Almeida et Ruben Micael – tous deux dans le portefeuille de la Gestifute – ont dû déclarer forfait. Ils ont été remplacés par Nélson Oliveira et André Gomes. Le premier n’est même pas titulaire à La Corogne, scotché au plancher de la Liga, et le second n’a joué qu’une dizaine de bouts de matches avec l’équipe première du Benfica. Et il vient de rejoindre l’écurie Mendes. "Il a une maturité au-dessus de la moyenne pour son âge", justifie Paulo. En bon capitaine Cristiano Ronaldo l’appuie : "André Gomes est le bienvenu au sein de la Seleção." Le Portugal s’inclinera 2-3 chez lui, à Guimarães. Mais une simple cape peut rapporter gros. Un appel en équipe national engendre une inflation importante de la valeur du joueur. Une bonne nouvelle pour son club qui, depuis peu, est dédommagé lorsqu’il met son actif à disposition de la sélection. L’UEFA a réparti 100M€ aux équipes du Vieux Continent "prêteuses" pour l’Euro 2012 et ses qualifications.
Il est brillant, riche, malin et maintenant célèbre. Jorge Mendes a de quoi faire des jaloux. Le meilleur agent sait surtout s’entourer. Des meilleurs joueurs et des meilleurs conseillers. Après tant d’années, le succès ne peut plus être qu’une question de hasard même si celui-ci gardera à jamais une part d’ombre.
Enquête réalisée par NICOLAS VILAS
Documents icono : CEDRIC GRANEL, GEOFFREY STEINES, BENOIT VITTEK
Videos : DOMINIQUE SIDIROPOULOS
Jorge Mendes, joueurs
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