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Comment Ronaldo Koeman a redressé les Pays-Bas

Johann Crochet

Mis à jour 06/06/2019 à 11:53 GMT+2

Après des années d'errements, la sélection néerlandaise a renoué avec le succès et une certaine idée du football ayant trop longtemps été négligée. Architecte de ce projet, Ronald Koeman a permis à la sélection Oranje de s'offrir le scalp de la France et de l'Allemagne ces derniers mois, envoyant son équipe en phase finale de la Ligue des Nations.

Ronald Koeman lors de Pays-Bas - Allemagne le 24 mars 2019

Crédit: Getty Images

La nomination de Ronald Koeman au poste de sélectionneur en février 2018 avait été accueillie comme une bénédiction. L'ancien entraîneur du Feyenoord et de Southampton se voyait confier une mission précise : relever le niveau de l'équipe, la rajeunir, obtenir des résultats et recréer de l'enthousiasme autour de la sélection. Les Bataves sortaient de plusieurs saisons catastrophiques, ratant même les phases finales de l'Euro 2016 et de la Coupe du monde 2018. Un « doublé » vécu comme une humiliation dans ce petit pays de 17 millions d'habitants, habitué à surperformer et à voir ses dignes représentants mettre le nom des Pays-Bas sur le planisphère du football.
Tandis que Guus Hiddink, Danny Blind et Dick Advocaat avaient tenté de faire fructifier l'héritage de Louis van Gaal (2012-2014) et de reproduire ses idées pragmatiques, la rupture dans le jeu fut consommée après les quatre premiers matches amicaux de l'ère Koeman. Abandonnant la défense à 3 usée jusqu'à la corde, malgré son affection pour ce système - en témoigne son passage au Feyenoord au début des années 2010 -, l'ancien joueur du Barça a changé de cap, réinstallant quelques préceptes fondateurs du jeu à la néerlandaise, où la prise de risque côtoie la technicité et la mobilité.
Memphis Depay lors de Pays-Bas - Allemagne le 24 mars 2019

Un rajeunissement nécessaire et la fin des privilèges

Il n'est pas toujours facile de tourner la page d'une génération dorée. Les Pays-Bas en savent quelque chose. Si les trentenaires Robben, Sneijder et Van Persie ont beaucoup apporté à la sélection néerlandaise avec en points d'orgue les Coupes du monde 2010 et 2014 (finaliste puis demi-finaliste), la suite a été plus compliquée. Souvent hors de forme, usés physiquement, les trois joueurs ont continué à être les capitaines d'une sélection à la dérive, la faute à des sélectionneurs incapables de gérer une transition générationnelle pourtant nécessaire, Advocaat rappelant même l'ancien buteur d'Arsenal à 34 ans, en août 2017.
L'une des premières tâches de Koeman et de son staff a donc été de procéder à cette révolution. Si Robben avait pris sa retraite internationale quelques semaines avant sa nomination, le nouveau sélectionneur a rencontré Wesley Sneijder pour lui expliquer ce besoin de rafraîchissement. L'ancien meneur du Real et de l'Inter a mis un terme à sa carrière avec les Pays-Bas dans la foulée, tandis que Van Persie, lui, n'a jamais été convoqué. En difficultés en club, à la Roma puis à Marseille, et malgré un statut de leader incontesté, Kevin Strootman a, de son côté, goûté au banc.
Ces décisions ont libéré de la place sur le terrain mais aussi médiatiquement pour d'autres joueurs. Gros point noir des dernières saisons, le milieu de terrain est désormais un point fort. L'émergence de Frenkie de Jong a grandement facilité le travail de Koeman qui lui associe un milieu très au point tactiquement, important dans les phases défensives, Marten de Roon, et un joueur d'espace, jouant plus haut sur le terrain, Georginio Wijnaldum.

Du caractère, un staff bien organisé et un maître tacticien

Le sélectionneur ressemble au joueur de caractère qu'il était. Ronald Koeman est très exigeant, à la fois avec son staff et avec ses joueurs. Il est un leader respecté et son travail avec les jeunes joueurs s'en retrouve facilité. Il n'a jamais hésité à lancer des grands espoirs dans sa carrière et il affiche la même continuité avec la sélection des Pays-Bas. Denzel Dumfries, Steven Bergwijn, Frenkie de Jong, Donny van de Beek et Arnaut Groeneveld peuvent en témoigner. Tous ressentent la confiance du sélectionneur mais savent aussi que les attentes sont à la hauteur de cette confiance accordée. Les bienfaits de cette personnalité marquante et exigeante dans cette phase de reconstruction sont l'une des explications du renouveau, souffle-t-on à la fédération. Après la victoire face à la Biélorussie (4-0) en mars dernier, il avait surpris en avouant que ses joueurs avaient été nonchalants et qu'il avait vu lors de la première période plus de talonnades que durant toute sa carrière. Un moyen de garder ses joueurs sous pression.
Aux côtés de Koeman, son staff technique très proche a été conçu dans cet objectif précis de rajeunissement et de volonté d'être performant très rapidement. Dwight Lodeweges a une grande carrière d'adjoint au pays avec des expériences marquantes au PSV où il a même été intérimaire lors de la saison 2008-2009. Kees van Wonderen est le deuxième assistant de Koeman et a été choisi notamment pour son travail avec les jeunes à la fédération, où il était en charge des moins de 17 ans avec qui il a remporté l'Euro 2018. Un œil idéal pour faire la passerelle entre les A et les catégories inférieures et garder un œil sur l'évolution de chacun. Enfin, Patrick Lodewijks est un habitué, ayant déjà travaillé à Everton avec l'actuel sélectionneur. Tout a été conçu pour faire émerger la nouvelle génération et Koeman a gagné du temps en choisissant son staff avec précision.
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Ronald Koeman lors de Pays-Bas - Allemagne le 24 mars 2019

Crédit: Getty Images

Il a alors pu se concentrer sur le jeu en prenant des décisions fortes. Tandis que les Pays-Bas cherchaient en vain un numéro 9 et multipliaient les expériences avec Luuk de Jong, Vincent Janssen et Bas Dost, toutes aussi peu concluantes les unes que les autres, Ronald Koeman a pris le temps de faire des tests avant d'installer Memphis Depay dans un rôle de faux numéro 9. Le jeu instinctif de l'attaquant de l'OL lui permet de combiner avec ses ailiers, la plupart du temps Babel et Bergwijn, sans oublier Wijnaldum dont la capacité à se projeter et prendre les espaces fait des merveilles ces derniers mois. La connexion entre le joueur lyonnais et son coéquipier de Liverpool lors du second but face à la Biélorussie (4-0) en mars témoigne de cette nouvelle entente. Le milieu des Reds est d'ailleurs le premier bénéficiaire de l'arrivée de Frenkie de Jong en sélection. Le futur barcelonais dicte le rythme et aimante les ballons. Les autres joueurs ont alors plus de possibilités de se mettre en mouvement autour de lui, comme à l'Ajax cette saison. Il est loin le temps où les différents sélectionneurs demandaient à Wijnaldum, Klaassen, Strootman ou Clasie de faire le jeu.

Un plan sans accroc ?

Si Ronald Koeman a tâtonné lors des cinq premiers matches amicaux, l'évolution de la sélection batave suit une ligne de conduite depuis un an, autour d'un 4-3-3, de l'installation de jeunes prometteurs (Dumfries, Bergwijn, De Jong) et d'un collectif fort, avec de la personnalité et sans aucune crainte de prendre des risques. Et cela paye. Les Pays-Bas ont terminé premier de leur groupe en Ligue des Nations (devant la France et l'Allemagne) et se retrouvent en phase finale dont le premier match, la demi-finale, les opposeront à l'Angleterre ce jeudi. Surtout, ils ont retrouvé de la crédibilité sur la scène internationale en battant largement l'Allemagne (3-0) et la France (2-0) ces dernières semaines.
La défaite face à ces mêmes Allemands dans les arrêts de jeu (2-3) le 24 mars dernier, lors de la deuxième journée des qualifications à l'Euro 2020, montre qu'il reste encore du chemin à parcourir pour cette sélection, à qui il suffit de terminer dans les deux premières places de son groupe (Allemagne, Estonie, Biélorussie, Irlande du Nord) pour renouer avec la phase finale de l'Euro. En attendant, Ronald Koeman a déjà réussi son premier pari : redonner de la fierté au peuple néerlandais à travers un jeu ambitieux et des victoires face à des rivaux. Et sa mission ne s'arrête pas là puisqu'il a réaffirmé sa volonté de continuer à la tête de la sélection, écartant les rumeurs d'une arrivée au Barça en cas de départ d'Ernesto Valverde. Après des années à manger leur pain noir, les Pays-Bas entrevoient enfin la lumière.
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