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Badoer, expérience pilote

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ParEurosport

Publié 26/08/2009 à 07:15 GMT+2

Pourquoi et comment Ferrari en est arrivée à titulariser un pilote dépassé dans tous les compartiments du jeu ? Par précipitation, imprévoyance et sympathie incompatibles avec la gestion d'une équipe de F1. Bref, une erreur de casting qui fera date.

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Crédit: Eurosport

D'emblée, nous avions exclu Luca Badoer de notre liste des candidats au remplacement de Felipe Massa après l'accident du Brésilien en Hongrie. Partant du principe qu'à l'été 1999, Jean Todt, le directeur de la Gestion sportive de Ferrari, lui avait préféré Mika Salo. Contre toute attente, le Finlandais avait été transféré de Tyrrell pour palier le forfait de Michael Schumacher, blessé à Silverstone (out six GP). Partant du principe que l'Italien n'était plus depuis dix ans un pilote de course dans sa tête, parfaitement content de roder des pièces et de bouffer du pneu dans le hui clos de Fiorano ou de Mugello. Rarement à Montmelo, Valence, Jerez et autres Sakhir, avec les véritables acteurs du Mondial. Partant du principe que la Formule 1 avait beaucoup changé en dix ans, et qu'un pilote qui n'avait jamais connu une grande équipe (Scuderia Italia, Minardi, Forti), jamais scoré en 48 tentatives, ne pourrait supporter d'être jeté dans le grand bain rouge, exposé à une cohorte médiatique prête à se retourner au moindre tête-à-queue. C'était sûr, Nicolas Larini allait rester le dernier employé italien depuis ses dépannages de 1994. Pas un hasard, une politique. Le fier Cavalino rampante trop occupé à servir sa seule légende ; occupé à bien autre chose qu'à former un espoir du cru façon McLaren/Hamilton, qui serait un jour capable de lui faire de l'ombre ; et pire : ailleurs. Voilà donc pour la litanie de l'impossible...
"Il n'y avait pas de pilote disponible sur le marché"
Personne n'avait pensé à ce pauvre Badoer -il faut bien le dire comme ça maintenant - sauf Luca di Montezemolo, boss de Maranello, revenu aux affaires en qualité de tenace président de la FOTA (le G8 des écuries dissidentes) face à la FIA, dans un énième remake de "Max et les ferrailleurs". Dans le rôle du vainqueur, donc. Une force qui guide. Une intuition, une bonté aussi, puisque c'est en remerciement des services rendus que Noël est tombée avant l'heure pour "Bad", ainsi résumé pendant trois jours sur les moniteurs de chronométrage du Grand Prix d'Europe valencien. Dernier en essais libres, dernier en qualification, à 1.9 sec du débutant Jaime Alguersuari (Toro Rosso), à 2.5 sec de son équipier Kimi Räikkönen... Une humiliation consommée, perdu devant les boutons de sa F60 avant de démarrer, perdu sur une piste aux mille trajectoires qu'il inventa dans la torture urbaine à 25 virages. Il n'y avait pourtant qu'une façon de faire.
Bref, une monumentale une erreur de casting. Assumée, pas très adroitement. "Il n'y avait pas de pilote disponible sur le marché" , a argumenté Stefano Domenicali, le successeur de Jean Todt. Un peu court. La Scuderia était pourtant prête à régler un million d'euros par course à Michael Schumacher -mais c'est Schumi-, qui émarge déjà à 4.5 millions en rythme annuel pour ses conseils, tests de GT d'exception et opérations d'ambassadeur. A ce tarif, il n'en aurait quasiment rien coûté de casser un contrat ailleurs. "Nous n'avons pas été contacté", a attesté Enrico Zanarini, le manager de Giancarlo Fisichella, respectable 12e dimanche sur sa Force India. Le meilleur ratio performance/expérience libérable sur le marché peut attendre.
Gené a déjà échoué
En fait, la chance de "Fisico" est peut-être passée dans la précipitation à signer Badoer après le mélo du faux-vrai retour de Schumacher. Une promotion express qui a aussi servi à cacher une absence de réelle stratégie. Car Ferrari savait pertinemment qu'il lui faudrait un nouveau titulaire pour au minimum trois Grands Prix, presque à coups sûr cinq et voire sept vue la gravité des blessures de l'infortuné Felipe Massa. Bref, il y avait la possibilité de mener un projet cohérent plutôt qu'aller à l'aventure. Louer Fisichella pour cinq GP aurait été logique, plutôt qu'expérimenter Badoer sur deux ou trois meetings, et d'avoir à griller une autre cartouche (Marc Gené) sur deux courses, au risque d'être encore déçu. Illogique, mais au moins l'Espagnol, l'autre essayeur de Maranello, garde-t-il toutes ses chances. Vainqueur des dernières 24 Heures du Mans 2009, il est indéniablement plus affûté. Mais, paradoxalement sa victoire dans la Sarthe l'a peut-être desservi aussi, en tant que pilote identifié Peugeot. Sa nationalité aussi. Les journaux transalpins n'auraient pas manqué de reprocher à Montezemolo de l'avoir préféré à un Italien.
Dans ce concert de récriminations médiatiques, il faut néanmoins signaler que Ferrari n'est pas la première écurie à avoir cru qu'un essayeur estimé pouvait se transformer en convenable intérimaire. Williams avait payé pour voir avec Marc Gené et Antonio Pizzonia. Très satisfaite des tests menés à longueur d'année par son essayeur espagnol, l'équipe anglaise avait fait appel à lui en 2003 puis 2004 pour remplacer Ralf Schumacher. En 2003, à Monza, Gené (5e) avait encaissé 0.8 sec de la part de Montoya (2e) en qualif. Sur un circuit ne comptant réellement que quatre virages (Lesmo 1, Lesmo 2, variante Ascari et Parabolica), tout le reste se résumant à du "stop and go". L'année suivante, le constat s'était répété, deux fois. S'il 'était tenu à 0.2 sec du Colombien en qualif à Magny-Cours, Gené avait calé à 1.0 sec aux essais à Silverstone. Avant d'exploser à chaque fois en course et d'avouer ses limites à reproduire 60 tours à une cadence de qualif le dimanche. Grove s'était alors retournée vers son autre essayeur, Antonio Pizzonia, sans plus de succès. Pour une bonne raison : elle entretenait une vision fausse des capacités de ses pilotes, installés en tests dans une voiture très performance, sans vice de comportement, et invités à tourner sur des circuits qu'ils connaissaient par c&oeligur. Généralement Montmelo, Cheste et Jerez. Des habitudes bien ancrées n'ayant rien à voir avec la pression de la compétition, ses exigences d'adaptation et de réactivité. C'est exactement ce qui est arrivé à Badoer à Valence, sachant que la valeur intrinsèque du pilote est loin de celle d'alors de l'Espagnol ou du Brésilien.
"Je serai bien meilleur à Spa"
"Il faut souligner ses progrès continuels, jour après jour, tour après tour. Nous sommes confiants qu'il peut être dans une meilleure forme en Belgique", a plaidé le corporate Chris Dyer, responsable de l'Activité piste de Ferrari. "Je me sens une seconde plus confiant, car ce fut ma marge de progrès à Valence. C'est un progrès raisonnable sur une telle piste. Je pense que je serai bien meilleur à Spa", a promis Luca Badoer. La nature même du tracé lui donne déjà raison, avec 19 virages dont beaucoup ouverts, à haute vitesse. Or on sait que c'est dans les parties lentes qu'il y a le plus à perdre. On devrait donc y voir le vétéran de 38 ans en meilleure forme. De quoi gagner peut-être son ticket pour Monza, le circuit de loin le plus avantageux pour lui.
Néanmoins, l'urgence de la situation de Ferrari en aura peut-être décidé autrement. "Clairement, considérant nos choix et ceux des autres équipes en termes de développement de la voiture cette année, notre objectif de conserver la 3e place au championnat Constructeurs devient plus difficile", a admis Stefano Domenicali.
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