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La vibrante tribune de Gasly pour "tourner la page" de la disparition de son ami Anthoine

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 26/03/2021 à 19:29 GMT+1

GRAND PRIX DE BAHREIN - Pierre Gasly a choisi de s'exprimer juste avant le début du championnat pour parler une dernière fois de son copain Anthoine Hubert. Dire pourquoi et comment sa disparition avait fait de lui un pilote différent. Qui a trouvé l'énergie de se remettre aussi de sa rétrogradation chez Toro Rosso pour exprimer son potentiel jusqu'à la victoire de Monza. Qui en appelle d'autres.

Pierre Gasly (AlphaTauri) lors des tests à Sakhir 2021

Crédit: Getty Images

C'est une douleur que Pierre Gasly voulait exprimer une dernière fois avant de la garder pour lui et tourner la page. Celle de la cruelle absence d'Anthoine Hubert, emporté dans un accident sur le circuit de Spa-Francorchamps, le 31 août 2019, lors d'une course de Formule 2. Le pilote d'AlphaTauri était l'ami intime du malheureux, son copain d'enfance, son "frère" avec qui il partageait les mêmes rêves de jeune pilote.
Dans The Players Tribune, le Normand se confie dans un long récit vibrant publié il y a quelques jours. Il y raconte les émotions qui l'ont étreint depuis la disparition du natif de Lyon. Le choc que cela a représenté et tout ce qui a changé pour lui. "Je vous le promets : dans cette tribune, je vais vous dire la vérité. Il y a ce que vous avez entendu, ce qui vous avez lu, ce que vous pensez. Et puis il y a la vérité. La vraie, indéniable vérité. Et je vous le promets : dans ce récit, je vais vous dire la vérité", écrit-il en propos liminaires.
Pourquoi l'écrire ? "Il y beaucoup de choses que je voulais dire depuis longtemps. Nous nous en tiendrons là. Mais pour que vous me connaissiez, pour que vous compreniez vraiment qui je suis, nous devons revenir sur le jour qui a changé ma vie à jamais, le jour où la vie de mon vieil ami a pris fin, et qu'une nouvelle a commencé."
Hommage à Anthoine Hubert à Spa

"En mon for intérieur, je sentais quelque chose de très mauvais"

"C'était le samedi du Grand Prix de Belgique, rappelle-t-il. Le jour de qualification. Le jour de la vitesse. Le jour du fun. Spa était mon circuit préféré. Un superbe tracé. Je le décrirais comme parfait. Les week-ends de course, mon agenda est surchargé, minuté (…) J'essaie toujours de regarder le départ de la course de Formule 2 le samedi. J'adore quand la rampe de feux s'éteint. Je m'assure d'avoir toujours un œil sur l'un de mes amis, Anthoine Hubert."
"Au deuxième tour, dès que la caméra a coupé sur des débris, il fut clair qu'il y avait eu du grabuge en haut d'Eau Rouge, poursuit-il. J'ai de suite su que quelque chose de mauvais s'était passé. Il y avait des morceaux de voitures partout, et je savais que sur cette partie de la piste, ces voitures étaient sorties à plus de 250 km/h. Si ça se passe mal à cette vitesse, ça tourne très mal. C'était difficile de savoir qui avait été impliqué, et Jenny (son attachée de presse) et moi nous nous sommes dirigés vers le debrief (de son équipe Toro Rosso) avant qu'on en parle. Pendant que nous marchons, le drapeau rouge a été déployé. Je me rappelle avoir pensé que peut-être quelqu'un avait été sérieusement blessé et serait out pour la fin de saison. En mon for intérieur, je sentais quelque chose de très mauvais, et mon corps le savait."

"C'est aussi une partie de moi qui s'en est allée"

C'est alors que son manager lui a indiqué qu'il s'agissait d'Anthoine Hubert et Juan Manuel Correa. Pierre Gasly raconte comment il s'est alors mis à trembler, ne plus sentir ses mains, ne plus entendre ce qui se disait lors de la réunion technique. Le debrief terminé, il a foncé à l'hôpital et immédiatement compris en voyant ses proches ce qui était arrivé. "J'étais complètement détruit. J'ai pleuré jusqu'à ne plus pouvoir pleurer. Je n'avais jamais été aussi mal de ma vie. Jamais. Je n'étais pas préparé à ça. J'avais laissé mon esprit vagabonder, je pense qu'Anthoine était dans le coma ou quelque chose comme ça. Mais la mort ? La mort ? Je n'avais jamais pensé que c'était possible. Quand Jules Bianchi s'était tué en 2015, c'était la première fois depuis longtemps qu'un pilote de notre génération, à tout niveau, mourrait."
Le portrait d'Anthoine Hubert sur le circuit de Spa-Francorchamps, où le pilote français a trouvé la mort, le 31 août 2019.
Pierre Gasly garde en mémoire ce dernier dîner entre copains partagé avec Anthoine Hubert un mois plus tôt, au Grand Prix de Hongrie. Du message reçu - "Montre leur qu'ils ont tort. Sois fort mon frère. Tu vas leur montrer que tu mérites un baquet dans un top team" - de son ami d'enfance lorsqu'il s'était fait débarquer de Red Bull. Ce rendez-vous de Spa-Francorchamps était celui de son retour à la case départ, chez Toro Rosso, et on comprend mieux aujourd'hui la portée de cette victoire à Monza l'an dernier.
Dans cette tribune, pour laquelle il a dit avoir reçu beaucoup de témoigne du monde de la course, sur les réseaux sociaux et bien au-delà, Pierre Gasly voulait montrer qu'un tel événement change la vie mais qu'on peut les affronter et qu'il y a toujours un après. "Ce samedi, mon monde s'est renversé. Anthoine et moi étions tellement liés. Nous avons partagé ce parcours, cette aventure. En disparaissant, c'est aussi une partie de moi qui s'en est allée. Cette période de ma vie m'a façonné dans ce que je suis aujourd'hui."
Pierre Gasly avait besoin de parler pour clore le chapitre et avancer, et on n'imagine finalement pas à quel point un tel drame peut influencer une carrière. La stopper même. Voilà pourquoi l'ambition qu'il a affichée à l'aube de cette saison 2021 raisonne autrement, aujourd'hui : "C'est sûr qu'à l'intérieur de moi, j'ai envie d'aller en chercher une deuxième."
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