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Après 30 ans à la tête de Montpellier, Canayer va raccrocher : "J’espère que mes joueurs comprennent pourquoi j’arrête"

François-Xavier Rallet

Mis à jour 13/09/2023 à 19:02 GMT+2

Mythique coach du Montpellier Handball depuis 1994, Patrice Canayer débute sa trentième et dernière saison à la tête du MHB. Pour Eurosport, Canayer s’est longuement confié sur ses trois décennies passées dans l’Hérault, à quelques heures du début de la campagne de Ligue des champions contre le FC Barcelone (coup d'envoi mercredi à 20h45, à suivre sur Eurosport). Entretien.

Patrice Canayer : "Ne pas avoir peur de Barcelone"

Cette saison 2023-24 sera votre 30e à la tête du MHB… ça sera aussi votre dernière sur le banc de Montpellier. Qu’est-ce qui a dicté votre choix ?
Patrice Canayer : C’est une longue réflexion. Ce n’était pas une décision simple à prendre. J’étais en fin de contrat en 2024. Le club a 40 ans, j’aurai fait 30 saisons. On a défié le temps pendant très longtemps. Parfois, il ne faut pas le défier outre-mesure. Il est nécessaire de passer à autre chose pour le club, mais également pour moi. Mais je garde en tête la formidable aventure humaine qu’on a vécue et c’est important que cette aventure extraordinaire se termine bien pour tout le monde. A ce niveau-là, c’est une sage décision, une bonne décision.
Vous serez en fin de contrat en 2024. Votre président Julien Deljarry a-t-il tenté de vous prolonger, de vous retenir ?
P. C : Oui, oui… Pour être tout à fait clair, le président et les actionnaires m’ont proposé de prolonger mon contrat. On ne se sépare pas car on n’est pas en phase ou pour des raisons financières. Il faut savoir ne pas aller trop loin. Il fallait peut-être que quelqu’un dise stop et ce quelqu’un, ce fut moi.
Si on a besoin de mon avis (ndlr, à propos du choix de son successeur), je le donnerai.
Comment avez-vous annoncé votre départ à vos joueurs ?
P. C : Cela a été l’exercice le plus compliqué. C’est une équipe avec laquelle j’ai beaucoup d’affinités. J’aime beaucoup cette équipe, composée de gens bien et très investis. Ce fut difficile de leur dire donc j’ai choisi le mode de la franchise. J’ai essayé de leur faire comprendre mon cheminement de réflexion. Je leur ai dit que je ne leur demandais d’approuver cette annonce, mais d’essayer de comprendre ce qui m’a amené à prendre cette décision. J’espère qu’ils ont compris pourquoi j’arrêtais. Il y a eu de la surprise chez certains, de la déception chez d’autres. Émotionnellement, c’était très chargé. J’ai terminé en leur disant qu’ils pouvaient compter sur moi jusqu’au 30 juin pour les amener aux plus hauts sommets.
Avez-vous un droit de regard sur votre successeur à la tête du club ?
P. C : Envers le MHB, je n’ai aucun droit. Je n’ai que des devoirs. Je suis salarié de ce club depuis trente ans. C’est un club qui m’a fait confiance tout ce temps. Aussi bien sur la partie sportive que sur la partie managériale. Si on a besoin de mon avis, je le donnerai. Mais ça ne sera pas un problème si on ne me demande rien.
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Patrice Canayer face à ses joueurs : "Comptez sur moi jusqu’au 30 juin"

Vous l’avez dit : "ce n’est pas une retraite..." Quels sont vos autres projets ? Sont-ils sportifs ? Politiques ?
P. C : Depuis trente ans, à Montpellier et avant ça lors de mes cinq ans au PSG Handball, j’ai fait 35 ans consécutifs d’entraînement au plus haut niveau, avec deux matches par semaine, en étant européen systématiquement. Aujourd'hui, j’ai envie que ma vie ne soit pas automatiquement réglée par des calendriers sportifs. Je suis engagé auprès de la présidente de région Carole Delga. C’est un engagement qui me plaît beaucoup. J’ai aussi une société de consulting avec des interventions dans le monde de l’entreprise que je vais étendre au monde du sport. Je dis aussi que ce n’est pas un au revoir à l’entraînement, que je ne partais pas de Montpellier pour aller dans un autre club, mais que si jamais le manque est là, je ne m’interdis pas de revenir un jour à l’entraînement. Quel qu’il soit…
Par exemple, vous n’avez jamais été à la tête de l’équipe de France…
P. C : A partir de maintenant, tout est ouvert. Je ne suis plus sous contrat avec Montpellier donc tout est possible, mais ce n’est pas un manque. Je ne pars pas de Montpellier comme si ça pouvait être une possibilité. J’ai voulu clôturer une histoire extraordinaire et je ne veux pas trop me projeter sur l’avenir.
Vous avez tout gagné avec le MHB : deux Ligues des champions, 14 titres de champion… Un trophée sort-il du lot à vos yeux ?
P. C : Ce qui m’a beaucoup marqué, ce sont les relations que j’ai pu établir pendant trente ans. Que ce soit avec les dirigeants, des partenaires ou avec les joueurs. On a vécu une histoire avec beaucoup d’émotions. C’est ça le plus important à mes yeux. Après, d’un point de vue sportif, les deux Ligues des Champions ont une place à part, le premier titre de champion de France (ndlr, en 1995) aussi. Et j’ajouterai la Coupe de France gagnée en 2013 après l’affaire des paris, dans des conditions très difficiles. C’était à Berçy, contre le Paris Saint-Germain (35-28). Cette Coupe a une saveur particulière. Chaque titre a été de bons moments, mais il n'y a pas eu que des titres en trente ans…
L'affaire des paris ? J'ai perdu certaines illusions sur le monde du sport...
L’affaire des paris truqués en 2012 reste votre plus mauvais souvenir à la tête du MHB ?
P. C : C’était un moment très difficile. Pas parce que l’affaire était gravissime. C’était une grosse connerie. Beaucoup d’erreurs ont été commises. Pour moi, ç’a été un moment difficile car j’ai perdu certaines illusions sur le monde du sport. Je ne parle pas des joueurs là, mais plutôt de l’environnement général. Peut-être que j’étais trop naïf. Ça m’a permis de m’endurcir et de l’être moins (il sourit…)
Vous avez formé de nombreux très grands joueurs. Vous avez été celui qui a fait découvrir Nikola Karabatic au monde. Quel est le joueur qui vous a le plus marqué dans votre carrière ?
P. C : J’ai eu le bonheur d’entraîner beaucoup des plus grands joueurs de la planète qu’ils soient français ou étrangers. Ça a commencé avec Jackson Richardson, avec qui j’ai joué pendant un an puis que j’ai entraîné. Vous avez cité Nikola… C’est un joueur hors-norme. Mais je pense aussi à Michael Guigou qui est d’une autre dimension. Aujourd’hui, je pense à Valentin Porte et j’en passe.... Ça serait difficile de tous les citer, mais au-delà des grands champions que j’ai pu coacher, ce que je retiens le plus, c’est ce que les gens deviennent après. C'est ce qui est fantastique dans ce métier. On peut participer à l’éclosion de ces sportifs, mais petit à petit, ce sont des hommes qui grandissent. Il n’y a rien qui ne me rende plus heureux de revoir d’anciens joueurs dix ou quinze ans après et de savoir que, modestement, on a réussi à les faire grandir.
Parfois, j’entends que les calendriers sont difficiles. Ce matin, je l’ai dit à mes joueurs : "ne me dîtes pas ça… Si vous trouvez ça difficile, alors, ne venez pas à Montpellier. Allez jouer ailleurs !"
Votre campagne 2023-24 de Ligue des champions débute ce mercredi contre le Barça (20h45, à suivre sur Eurosport). Vous êtes tout de suite dans le bain…
P. C : C’est ça qui est formidable avec les saisons que l’on mène, c’est que tout va s’enchaîner à un rythme infernal, avec un match tous les trois jours. Parfois, j’entends que les calendriers sont difficiles. Ce matin, je l’ai dit à mes joueurs : "ne me dîtes pas ça… Si vous trouvez ça difficile, alors, ne venez pas à Montpellier. Allez jouer ailleurs !" Ce retour en Ligue des Champions, ce n’est que du bonheur honnêtement. Le Barça arrive. C’est une belle équipe, un beau club, mais on ne doit pas avoir peur de Barcelone. On est tout à fait capable de poser des problèmes à cette équipe et de les battre. L’an dernier, on a battu deux fois Paris à domicile. On n’a aucune raison d’avoir des angoisses. On va attaquer ce match avec beaucoup d’ambition et beaucoup d’humilité. Il faudra jouer et se libérer complètement.
Terminer à l’une des deux premières places du groupe (directement qualificatives pour les quarts de finale) est-il l’objectif affiché ?
P. C : Ce qui est important c’est qu’à Noël, on arrive à être bien placé dans toutes les compétitions. L’objectif, ce n’est pas d’être premier dans une et mal classé dans l’autre. Être bien positionné pour qu’à partir de février, après l’Euro en Allemagne, on soit en mesure de jouer sur tous les tableaux. Cette semaine, on a le Barça mercredi, mais on a Chambéry qui se profile dimanche et c’est tout aussi important (rires). Il faut gérer tous ces matches de façon très indépendante.
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Karabatic en visite au village olympique : "Les JO à Paris, ça donne très, très envie"

Vous avez recruté trois nouveaux joueurs pour cette saison : un jeune Brésilien Bryan Monte, l’ancien Nîmois Ahmed Hesham et un ailier suédois Sebastian Karlsson…
P. C : Ce sont de beaux joueurs qui ont un vrai potentiel. Le petit point d’interrogation, c’est qu’ils n’ont jamais disputé la Ligue des Champions et qu’ils ne connaissent pas les enchaînements de matches qu’on va vivre à partir de maintenant. Mais le talent est là. A nous de leur apporter cette expérience qu’il peut leur manquer. Ils ont toute notre confiance et puis l’équipe ne repose pas uniquement sur leurs épaules à eux. Il y a un socle de joueurs qui ont une histoire commune et c’est cet amalgame qui doit faire du MHB une très bonne équipe.
Une équipe qui va devoir se passer de Yanis Lenne et Diego Simonet quelques temps…
P. C : En effet, c’est le gros point noir de notre début de saison. On a un effectif important avec dix-huit joueurs pro et quatre-cinq joueurs du centre de formation capables de venir s’insérer dans notre groupe. On sait que, pendant l’année, on a deux ou trois blessés de manière récurrente. C’est inéluctable dans les sports d’engagement comme le nôtre. Là, le problème, c’est que ça touche des joueurs majeurs de notre équipe. Yanis a repris ce lundi de façon très légère à la salle, mais il en a pour trois mois d’arrêt. Quant à Diego, ça sera beaucoup moins long et d’ici un mois, on devrait l’avoir à nouveau avec nous, dans le groupe.
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