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Montpellier: le lundi noir

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 02/10/2012 à 07:51 GMT+2

La garde à vue de 15 des 18 interpellés a été prolongée de 24 heures, après une journée où le parquet a explicité de graves suspicions. Les avocats des joueurs et de leurs proches ne nient plus que des paris ont eu lieu en dépit du droit et du bon sens. Le point sur le dossier.

Cesson, Montpellier

Crédit: AFP

16 GARDÉS A VUE, MISES EN EXAMEN PROBABLES
L’affaire des paris truqués de Montpellier n'a fait vraisemblablement que commencer pour ses protagonistes, dimanche quand ils ont dû suivre des policiers en civil pour satisfaire à leur interpellation. Les personnes gardées à vue depuis dimanche ont vu leur placement prolongé de 24 heures, lundi soir, pour quinze d’entre elles selon une source proche de l’enquête, Issam Tej étant à son tour gardé à vue tandis que Mickaël Robin, Vid Kavticnik et Wissem Hmam étaient remis en liberté. Parmi les personnes qui restent entre les mains des enquêteurs, six autres joueurs (dont Nikola Karabatic), trois de leurs proches, et une dernière personne dont l’existence a été révélée par le procureur de la République Brice Robin : un étudiant en kinésithérapie actuellement interrogé hors de métropole. La mise en examen de nombreux acteurs du dossier était décrite comme probable par le procureur de la République de Montpellier et certains avocats des individus poursuivis lundi en fin de soirée. Ce sera "pour le délit de corruption", a dit Brice Robin. Les compagnes de Luka et Nikola Karabatic, Jenny Priez et Géraldine Pillet, seront présentées au juge d'instruction mardi matin avec mise sous contrôle judiciaire.
LES ÉLÉMENTS DU DOSSIER
Tous les gardés à vue de l'affaire Cesson - Montpellier bénéficient à ce stade du principe de la présomption d'innocence, mais c'est un euphémisme de dire que les révélations faites lundi par des sources officielles dessinent le tableau au mieux d'une erreur de jugement stupéfiante, au pire d'un acte de corruption délibéré. Le terme, fort, "grave", a été employé par le représentant du parquet à Montpellier, qui a aussi évoqué, en s'arrêtant sur chaque syllabe, "de très fortes suspicions sur le non-respect de l’éthique sportive". Durant une demi-heure, il a présenté aux médias les quatre éléments qui ont conduit la Française des Jeux à tirer le signal d'alarme dès le matin du match Cesson - Montpellier, le 12 mai, notamment le fait que 99,94% des très nombreux paris enregistrés avant 11 heures du matin prévoyaient que Montpellier serait mené.
Il a enchaîné avec trois exemples qui ont conduit les enquêteurs à investiguer sur le possible trucage du match, coordonné entre plusieurs acteurs liés de très près à plusieurs joueurs du club. Dragan Gajic, présent sur le terrain ce jour-là, fait partie des individus qui fragilisent la position de la défense. "Peut-on jouer normalement un match quand on a engagé personnellement des sommes aussi importantes sur la défaite de son club, même à la mi-temps?" a interrogé le procureur. Les avocats des joueurs, eux, ont défendu ensemble la thèse de la "grosse bêtise", exprimée en ces termes : oui ils ont parié et ils n'auraient certes pas dû, non ils n'ont pas levé le pied pendant la rencontre. "La sanction est acceptée d’avance, la faute elle-même sera reconnue" a indiqué sur LCI Jean-Yves Liénard , l'avocat de Mickaël Robin, en référence à l'acte du pari. A noter que l'attitude exacte, pendant les interrogatoires, des personnes poursuivies n'est pas très claire à ce stade. Si les avocats affirment que leurs clients ont été transparents sur la démarche du pari, le procureur de la République a affirmé qu'ils avaient choisi la stratégie du silence.
LES SANCTIONS ENCOURUES
Les joueurs qui auraient fauté dans ce dossier sont passibles de deux types de sanction : la sanction sportive qui marquerait le simple fait qu'ils ont parié (un à six matches de suspension, 1 à 25 000 euros d'amende) et la sanction pénale, susceptible de concerner tous les interpellés. Celle-ci, beaucoup plus lourde, serait prononcée si la Justice retenait la thèse d'un match joué en absence de sincérité, même une simple mi-temps. La loi de février 2012 prévoit des peines pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Les sept joueurs encore sous contrat à Montpellier risquent par ailleurs le licenciement pour faute lourde. En conférence de presse, Rémy Lévy et Patrice Canayer ont fait comprendre qu'ils agiraient sans faiblir s'ils estiment que les joueurs ont failli à leurs devoirs au regard du club. "Ceux qui ont trahi nos valeurs assumeront leurs responsabilités" a indiqué le manager général. Le président Rémy Lévy a refusé de condamner définitivement ses joueurs à l'avance, mais il a tenu à être limpide : "On respecte leurs droits, même s'ils n'ont pas respecté les nôtres, du point de vue moral en tout cas. (…) Nous sommes dans le cadre d'un contrat de travail. (...) Des joueurs qui parient sur la défaite de leur équipe, c'est quoi pour vous?" a-t-il répondu à une question sur la possibilité de retenir la faute grave.
LE MOBILE, LA BÊTISE HUMAINE ET L'INFINI
Le mobile d'escroquerie en bande organisée n'a pas été retenu par les autorités pour qualifier les faits qui les ont alertées. Même si de nombreux éléments de coordination semblent intervenir dans le déroulé des événements entre Montpellier, Rennes et Paris au matin du 12 mai, le "simple" qualificatif d'escroquerie renvoie à la dimension artisanale, presque kamikaze, de l'entreprise des joueurs et de leurs proches. Les gains de l'opération se sont élevés à quelques milliers d'euros par tête. Les frères Karabatic n’auraient misé que 1500 euros et 4500 selon leur avocat (sur les plus de 80.000 euros concernés). Le club en tant qu'entité a été lavé de tout soupçon par Brice Robin. Seul un basique "appât du gain" serait en cause.
Dans une sortie très théâtrale, le procureur de la République a qualifié de "bête" et "affligeant" le comportement des acteurs et donné une leçon de morale visiblement très préparée en gratifiant l'assistance de son propre pronostic sur l'avancée de l'enquête : "La bêtise humaine est la seule chose qui donne une certaine idée de l’infini, et en l’espèce je crains qu’ils (les enquêteurs) découvrent que la roche tarpéienne n’est pas si éloignée que ça du capitole"... Ce laisser-aller micro ouvert n'a d'ailleurs pas échappé aux défenseurs des Montpelliérains. Ceux-ci, qui disent ne pas avoir eu connaissance des éléments additionnels dont disposent les enquêteurs (des correspondants de presse parlent d'écoutes téléphoniques), ont accusé le procureur de violation du secret de l'instruction. Une affaire dans l'affaire qui risque de radicaliser les positions jusqu'au probable procès, dont la date éventuelle reste à ce stade impossible à prévoir.
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