Les 4 erreurs que Paris ne devra surtout pas rééditer pour avoir les Jeux en 2024

Laurent Vergne

Mis à jour 23/06/2015 à 12:26 GMT+2

JEUX OLYMPIQUES - PARIS 2024 - L'échec cuisant et frustrant de 2012 a laissé apparaitre des failles diverses et variées dans la candidature parisienne. A l'heure où la capitale française se relance dans la course aux Jeux pour 2024, elle devra veiller à ne pas retomber dans certains panneaux.

Paris 2012 au temps de l'espoir...

Crédit: AFP

1. TROUVER UNE PERSONNALITE POUR INCARNER DURABLEMENT LA CANDIDATURE

C'est une des principales raisons de la victoire londonienne il y a 10 ans. Sebastian Coe a incarné et porté la candidature anglaise, lui permettant de sortir de l'ornière dans laquelle elle se trouvait six mois avant le vote de Singapour. En embrassant ce projet, et surtout en le personnifiant, l'ancien demi-fondeur a rassuré le C.I.O. "Il consacrait 100% de son temps à la candidature des Jeux, nous explique Jean-François Lamour, ministre des Sports en 2005. De notre côté, nous étions plusieurs à donner du temps et de l'énergie à la candidature parisienne, mais nous avions tous d'autres occupations, que ce soit moi, qui étais ministre, Bertrand Delanoé ou Jean-Paul Huchon. Chacun vaquait à ses occupations et à ses responsabilités. Coe, lui, ne faisait que ça."
Maintenant que Paris retourne au charbon pour 2024, il lui faudra une figure de proue pour porter le projet jusqu'à son terme. Pas seulement jusqu'en 2017, mais jusqu'en 2024. "Au-delà de la candidature, poursuit Jean-François Lamour, le CIO savait qu'il serait l'homme de l'organisation. Il livrerait les Jeux de Londres, irait jusqu'au bout. Chez nous, le CIO ne savait pas qui incarnerait Paris 2012 au-delà de 2005. "
Cette incarnation, a priori, viendra de Bernard Lapasset. Président du Comité français du sport international (CFSI) et ancien patron du rugby mondial, Lapasset a remis l'étude d'opportunité à la mairie de Paris il y a quatre mois. Il sera le garant auprès du C.I.O. de la continuité du dossier parisien sur la durée, indépendamment des alternances politiques. Il sera épaulé par Tony Estanguet, triple champion olympique de canoë-kayak, qui a intégré le C.I.O. il y a deux ans, où son assiduité est apprécié.
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Sebastian Coe, l'homme fort de la candidature londonienne en 2012.

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2. LE MOUVEMENT SPORTIF DOIT PORTER LA CANDIDATURE

Cet élément découle directement du précédent. Le dossier Paris 2012 avait non seulement le tort de ne pas être incarné par une figure identifiable, mais également d'être défendu essentiellement par des personnalités politiques. Trois, principalement : le maire de Paris, Bertrand Delanoë, le président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, et le ministre des Sports d'alors, Jean-François Lamour. Une mauvaise idée. Non que ce trio n'ait pas pris le projet à cœur, bien au contraire. Mais il avait le défaut d'être du sérail politique. Pour 2024, il faudra impérativement que le mouvement sportif s'approprie la candidature.
"C'est un préalable indispensable, juge Lamour. Le mouvement sportif survit aux alternances politiques, qui sont inévitables. Dans quelques années, on ne sait pas qui sera maire de Paris, ministre des Sports, président de la région ou président de la République. Le politique devra être en appui, rien de plus." C'est capital car, à en croire l'ancien sabreur, le C.I.O. est à la fois sensible et attentif à ce genre de considérations. Il a besoin de garanties sur la durée. Et de continuité en matière d'interlocuteurs.
Les Jeux sont attribués sept ans en amont. L'instance dirigeante doit voir loin. "Il faut arrêter de croire que les membres du C.I.O. sont des espèces de baltringues qui viennent juste pour prendre un peu de blé, ajoute Lamour. Ce sont des chefs d'entreprises, des sportifs qui ont réussi une remarquable reconversion. Ils savent analyser une situation politique et économique. Ils prennent tout en compte, croyez-moi."
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Le clan tricolore désabusé après l'annonce de la ville organisatrice des Jeux de 2002, à Singapour, en 2005.

Crédit: AFP

3. LE LOBBYING N'EST PAS UN GROS MOT

Pour gagner les Jeux Olympiques, il faut avoir du savoir-faire et du faire-savoir. Sur le premier élément, pas d'inquiétude à avoir. Jean-François Lamour, encore : "En 1992, le dossier parisien était très bon. En 2008 aussi. En 2012, il n'était pas loin d'être parfait. Mais ça ne suffit pas." Pour gagner, il faut aussi savoir procéder à un lobbying efficace auprès du C.I.O. et de ses membres.
Une réalité parfaitement maitrisée par les Anglais il y a 10 ans, au contraire de leurs rivaux français. "Le lobbying, poursuit Jean-François Lamour, c'est la capacité à vendre l'évènement. Oui, c'est une forme de négociation, toujours dans le respect des règles, évidemment. Le lobbying, ce n'est pas la tricherie. Le lobbying, c'est Londres 2012. La tricherie, c'est Salt Lake City 2002."
Le lobbying, c'est convaincre de se faire soutenir en échange d'un soutien sur un autre évènement futur, par exemple. C'est s'engager auprès d'un pays, d'une fédération. C'est nouer des relations durables. Qui paient à l'heure des votes. Il n'est pas là question de dessous de tables, mais sa force de conviction. C'est de la politique. Si on n'accepte pas de jouer ce jeu, inutile de se (re)présenter.
Sur ce plan, la présence de Bernard Lapasset, homme de réseaux, est un atout. Celle de Tony Estanguet, fraichement élu au C.I.O., aussi. "Nous sommes un peu mieux armés qu'il y a 10 ans dans ce domaine", note Jean-François Lamour. On a plus de représentants qu'en 2005."
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Bernard Lapasset, l'homme fort du dossier Paris 2024 ?

Crédit: AFP

4. NE JAMAIS SE CROIRE ARRIVES

Il faut bien l'admettre, dans la course aux Jeux de 2012, Paris a longtemps cru que l'affaire était dans le sac. Presque jusqu'au bout, en fait. Et c'est vrai que la candidature française a longtemps joui d'un net avantage, avant de se faire avaler dans la dernière ligne droite par Londres.
"Après notre passage devant la commission d'évaluation, qui avait été très positive, sans doute nous sommes-nous vus un peu trop beaux", admet aujourd'hui Jean-François Lamour. Un dossier en béton armé est une base absolument indispensable, mais avoir le meilleur dossier (ce qui, de l'avis général, était le cas de Paris pour 2012) n'est pas (ou plus) une garantie de succès.
Sortir avec une évaluation en béton est un plus. Pas l'arme absolue. Et le statut de favori, Paris l'aura compris, est un piège massif. Il faudra s'en souvenir pour 2024. "Il faudra se battre, et se battre jusqu'au bout et sur tous les détails", conclut l'ancien ministre.
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Le démontage des lettres en couleurs du logo "Paris 2012" après l'échec de la candidature parisienne en 2005.

Crédit: AFP

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