JO Paris 2024 - Les chances de médailles de la France : Faut-il s'attendre à un carton des Bleus à Paris ?

La barre a sans doute été mise un peu trop haut, un peu trop tôt. Sitôt les JO de Tokyo bâchés sur un triste bilan (33 médailles dont 10 en or), la délégation française a vu la montagne Paris 2024 se dresser devant elle. Objectif martelé par Emmanuel Macron himself : 80 breloques, rien que ça. Un horizon qui, hier, comme aujourd'hui et sans doute encore plus demain, paraît bien illusoire. Combien de médailles peuvent raisonnablement récolter les Français chez eux ? Difficile d'être catégorique, sans manquer de respect à la glorieuse incertitude du sport. Mais les dynamiques enclenchées dans les sports olympiques et les derniers résultats récoltés au cours des grandes échéances internationales permettent de dresser un tableau de la situation assez optimiste.

Si les 80 médailles semblent inaccessibles, battre le record des JO modernes (43 médailles à Pékin, 15 titres à Atlanta) est dans les cordes du sport français. La vérité se situera sans doute entre les 43 breloques de 2008 et les 80 espérées. La semaine dernière, un classement de médailles virtuel publié par Gracenote et basé sur l'analyse de données plaçaient la France, 8e à Tokyo, au troisième rang des nations mondiales avec 52 médailles, dont plus de la moitié en or (27).

Mathématiquement, le nombre de médailles doit gonfler, compte-tenu du home advantage, à savoir la tenue de JO à domicile. Traditionnellement, l'effet booster existe. Les Japonais ont remporté 41% de médailles en plus entre Rio et Tokyo. Un pourcentage qui se situe dans la moyenne depuis 30 ans. Si on l'applique aux Bleus en se basant sur leurs performances décevantes de 2021, le total monte déjà à 46 médailles. En considérant que les Français ont sous-performé au Japon (pire total depuis 1992), il n'est pas saugrenu de penser que le total des 50 voire 60 médailles est atteignable. Encore faut-il déterminer des talents capables de surgir.

Cela tombe plutôt bien, les trois années qui nous séparent de Tokyo ont vu l'émergence de nouvelles stars du sport français. Aujourd'hui, Léon Marchand, 6e du 400 4 nages à Tokyo, est le grand favori sur les deux distances (200 et 400 m) de sa spécialité, le 4 nages. La modification du calendrier des épreuves par World Aquatics lui permet, même si la concurrence sera plus rude, d'envisager désormais des podiums sur 200 m brasse et papillon. Dans toute l'histoire du sport français, seul un athlète a réussi l'exploit de cumuler au moins quatre médailles sur des mêmes JO d'été (Roger Ducret, escrime)… en 1924. C'est dire si Marchand arrive au bon endroit, au bon moment.

Pour regarder dans les yeux les meilleures nations du monde, il faudra compter sur les sports traditionnellement fort de l'olympisme français. Bonne nouvelle là encore, le judo, porté par la densité de son équipe féminine et ses valeurs sûres (Riner et Agbegnenou), peut viser raisonnablement un record et une moisson de dix médailles selon le souhait fédéral. Malgré les soubresauts dans sa fédération, l'escrime française reste une référence, avec notamment Romain Cannone, champion olympique en titre à l’épée, Sara Balzer, numéro 1 mondiale et, plus largement, une équipe de sabre féminin bien placée pour l'or.

"Pour la première fois, toutes les équipes de France sont qualifiées dans les trois armes, nous renseigne le DTN Jean-Yves Robin, qui veut dépasser le total de Tokyo (5 médailles). Cela prouve la densité et la contenance de l'escrime française." Et augmente le nombre de médaillables. Le VTT avec Loana Lecomte et Pauline Ferrand-Prévot propose deux chances énormes de titre sur une même course. Alors que la voile, qui a déjà rapporté 12 titres à la France dans son histoire, avancera de sérieux arguments. Lors du test event un an avant les Jeux, les Bleus s'étaient montrés les plus performants avec cinq médailles dont quatre en or. Après le zéro pointé de Tokyo, le canoë-kayak vise, lui aussi, un retour de flamme. "On va surtout jouer pour l'or, je préfère une médaille d'or que cinq de bronze, annonce Ludovic Roye, un DTN ambitieux et offensif. On peut tout perdre bien sûr mais on ne va pas assurer pour faire des podiums : on veut des titres."

Triomphants au Japon, les sports collectifs français (six médailles dont trois en or) peuvent espérer surfer sur la même dynamique et réussir encore une meilleure édition. Les deux équipes de handball (champions d'Europe pour les hommes et du monde pour les filles) seront toujours les grands favoris. Les arrivées de Victor Wembanyama en basket et d'Antoine Dupont en rugby à 7 dopent mécaniquement les chances de médailles. Le foot, qui court depuis 40 ans après une récompense, pourra vraisemblablement compter sur la meilleure équipe olympique de son histoire avec Kylian Mbappé et Antoine Griezmann alors que les filles figurent sur le podium du classement FIFA (3e).

Parce que tout n'est pas rose, de vrais doutes entourent la compétitivité de l'athlétisme français qui voit son leader fragilisé par les blessures (Kevin Mayer) et une relève qui tarde à se dessiner. En dehors des hurdlers et des relais, les espoirs de podium sont minces. Le cyclisme sur piste, traditionnel hangar à médailles du sport français, a signé des Mondiaux décevants en 2023 (cinq médailles, aucun titre).

Alors, pour atteindre le top 5 mondial, l'objectif majeur, et même viser plus haut, il faudra donc nécessairement arracher des médailles que personne n'attend. Par définition difficilement anticipables, celles-ci pourraient intervenir soit dans des sports qui ont peu de place dans le palmarès des Bleus aux JO, soit dans ceux dont on n'espérait pas grand-chose il y a quelques mois encore. Le tennis de table fait partie de cette dernière catégorie. Si l'or, par équipes et en simple, reste promis aux Chinois, l'émergence des frères Lebrun en général, et de Félix en particulier, laisse espérer un exploit monumental.

Le podium, pour celui qui sera sans doute tête de série numéro 3 du tournoi olympique, est un vrai horizon et le titre plus seulement un rêve inaccessible. Le tennis de table français a "deux chances de médailles raisonnables et quatre dans (l)es rêves les plus fous", de son DTN, Jean-Nicolas Barelier. Voilà qui relève du miracle. Le trampoline, présent aux JO depuis 2000, n'a jamais offert le moindre podium à la France mais, si les épreuves ne sont pas olympiques, les Français sont champions du monde par équipes en titre chez les hommes et vice-championnes chez les femmes.

Le water-polo bleu, lui, ne vise plus de médaille olympique depuis un siècle mais il vient d'atteindre les demi-finales des Mondiaux et voit éclore une génération prête à rivaliser avec les Américains, les Hongrois ou les Croates. "On vise des médailles dans toutes nos disciplines, nous confie le DTN de la natation française, Julien Issoulié. Aussi bien en natation sportive, qu'en eau libre, en natation synchronisée, en water-polo et en plongeon. Ce serait une première. Aujourd'hui, on est exactement là où on voulait être en termes de performance et d'accompagnement des sportifs."

La France possède aussi des références en BMX (triplé bleu lors des derniers Mondiaux) et en triathlon (quatre champions du monde français sur les cinq dernières éditions), deux sports qui n'ont rapporté que trois médailles dans toute leur histoire. Les nouveaux sports, le surf avec Johanne Defay, l'escalade avec les frères Mawem ou le breakdance avec Dany Dann, doivent eux-aussi participer au butin national. Si toutes les planètes s'alignent alors la France peut espérer une compétition historique et exploser son record moderne de médailles (46) et de titres (15). La fourchette raisonnable s'étale de 45 à 55 médailles. Au-dessus, ce serait inespéré. En dessous, ce serait décevant. Avec Léon Marchand, Maxime Grousset, Teddy Riner, Clarisse Agbegnenou, Romane Dicko, Marie-Florence Candassamy, Sara Balzer, Romain Cannone, Romain Mahieu, Sofiane Oumiha, Pauline Ferrand-Prévôt et les équipes de hand, entre autres, la France a les armes pour grimper dans le classement et passer un été en or.