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Les sept histoires les plus folles des Jeux d'hiver

Laurent Vergne

Mis à jour 14/09/2021 à 17:47 GMT+2

La magie de l'Olympisme ne tient pas qu'à sa ruée vers l'or. Elle se niche aussi, parfois, dans des destins improbables, que seuls les Jeux rendent possibles.

Montage Histoires folles widescreen

Crédit: Eurosport

1. Jayaram Khadka, du Népal à l'Olympe

Salt Lake City. 8 février 2002. Devant 50000 personnes, les athlètes de quelques 80 pays défilent. Le Népal n'a qu'un seul représentant. Il entre dans le stade, drapeau en main. Derrière lui, un homme plus âgé, visiblement d'origine européenne. Personne ne prête vraiment attention à ce tandem improbable. Le destin qui mène sur l'Olympe est parfois bien étrange et alambiqué. Cette histoire commence 18 ans plus tôt. Richard Morley, homme d'affaires britannique d'une trentaine d'années, est en voyage au Népal. Un jour, il marche trop vite, trop longtemps, trop haut. Il tombe malade. Infection pulmonaire. Morley tousse et crache du sang, n'est pas au mieux. Il est secouru par un ancien policier, un certain monsieur Khadka. Une fois remis sur pied, Morley demande à son sauveur comment il peut le remercier. Il apprend alors que son hôte est lui-même extrêmement malade. Il n'a que deux demandes: que Richard Morley lui donne une photo de lui et qu'il s'occupe de son fils, Jayaram. Morley laisse la photo puis quitte le Népal.
Il y retourne six ans plus tard. En rendant visite à Khadka, il apprend que celui-ci est mort depuis plusieurs mois. Il se met alors en quête de Jayaram et le retrouve dans un restaurant, à Bakhtapur, où il récure les toilettes et lave le sol, celui-là même où il dort la nuit. Le jeune garçon reconnait l'homme sur la photo que lui avait légué son père. C'est après une deuxième rencontre que Richard Morley décide de proposer à Jayaram Khadka de venir avec lui en Angleterre, d'abord pour une durée de six mois. Là, c'est un changement de monde digne de Crocodile Dundee lorsque, le 1er décembre 1990, le Népalais découvre ce nouveau monde. "Quand je suis arrivé, c'était comme atterrir sur mars pour moi, racontera Jayaram. Il y avait des choses comme des escalators, des portes automatiques, de la nourriture bizarre. D'ailleurs, je suis tombé malade au début."
Finalement, le jeune Népalais finit par s'adapter. Adopté par Richard Morley après une longue bagarre juridique avec le gouvernement britannique, Jarayam devient Jay. A cet instant, il est encore bien loin des Jeux Olympiques. Puis Morley, ancien bon skieur, va l'initier aux joies des sports d'hiver. "Jay avait besoin et envie de faire du sport, il avait ça en lui, explique l'Anglais. Mais la seule chose que j'étais capable de lui apprendre, c'était le ski". Au fil des ans, Jay Khadka commencé à envisager sérieusement une participation aux Jeux Olympiques. Mais pour cela, il devra, outre sa propre préparation, monter de toutes pièces une fédération de ski au Népal, afin de pouvoir concourir pour son pays d'origine. Elle n'existait pas. Finalement, une blessure l'empêchera de disputer les qualifications pour les Jeux de Salt Lake City en ski alpin. Du coup, fin 2001, il décide de se mettre au ski de fond. Défi improbable mais qu'est-ce qui ne l'est pas dans son histoire?
Malgré son inexpérience, Jayaram Khadka est autorisé à s'aligner à Salt Lake City, devenant officiellement le premier athlète à disputer les Jeux d'hiver sous la bannière népalaise. Richard Morley, son père adoptif mais aussi son entraineur, défile à ses côtés lors de la cérémonie d'ouverture. Khadka termine 69e du sprint et 79e du 10 kilomètres classique. Aucune importance. C'est en levant les bras qu'il coupera à chaque fois la ligne d'arrivée.
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2002JO Jayaram Khadka

Crédit: AFP

2. Eddy the Eagle

Son nom est Michael Edwards mais, pour tout le monde, il est et restera "Eddy the Eagle". Eddy l'Aigle. Surnom flatteur, attribué au plus fameux sauteur à ski britannique de l'histoire. Son rêve olympique, Edwards doit pourtant d'abord y renoncer lorsque, en 1984, il rate de peu la qualification pour les Jeux de Sarajevo. C'est alors en ski alpin, sa discipline de formation, qu'il espère aller aux J.O. Pour mettre toutes les chances de son côté dans l'optique des Jeux de Calgary, il prend deux décisions: il s'installe à Lake Placid, aux Etats-Unis et décide de se mettre au saut à ski, sport dans lequel la concurrence n'existe pas en Grande-Bretagne. Un pari un peu fou dans la mesure où Edwards n'a pas du tout le physique de l'emploi. Il est trop lourd. Après bon nombre de péripéties et quelques galères financières, il obtient finalement son ticket pour les Jeux de 1988 grâce à sa participation aux Championnats du monde 1987. Il y termine à la 55e et dernière place mais en tant qu'unique représentant britannique, il valide sa sélection.
A Calgary, Edwards ne fait pas de miracle. Il termine à nouveau dernier, et il s'en faut de beaucoup, sur les tremplins de 70 et 90 mètres. Mais l'aspect cocasse de son parcours fait de lui une des vedettes des Jeux de l'Alberta. Lors de la cérémonie de clôture, Frank King, le patron du Comité organisateur, glisse dans son discours une phrase faisant référence à l'aventure de Michael Ewdards. "Certains d'entre vous ont gagné des médailles d'or, d'autres ont battu des records du monde. Et certains ont même volé comme des aigles." De ce jour, Michael Edwards devient "Eddy the Eagle".
Un quart de siècle plus tard, les images de son saut font osciller entre admiration et sourire. Mais il n'y eut plus d'autre Michael Edwards. En 1990, le CIO a décidé d'adopter une règle instaurant des performances minimales en termes de résultats pour pouvoir disputer les Jeux. Cette règle est connue sous le nom de "Eddy the Eagle rule". Edwards n'a jamais plus réussi à se qualifier pour les Jeux, malgré trois tentatives en 1992, 1994 et 1998. Depuis, Edwards, 50 ans, entretient un semblant de notoriété à travers des émissions comme Splash, dont il a été un des participants en Angleterre. Il a aussi porté la flamme olympique avant les Jeux de Vancouver, en souvenir du bon vieux temps canadien.
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1988 cALGARY jo mICHAEL eDWARDS eDDY eAGLE

Crédit: Imago

3. Steven Bradbury, l'homme le plus chanceux du monde

La médaille d'or la plus improbable de l'histoire des Jeux d'hiver. Le shortrack est certes une épreuve aléatoire, où les chutes sont monnaie courante. Mais bénéficier d'un concours de circonstances aussi invraisemblable que celui qui a amené Steven Bradbury au titre olympique sur 1000 mètres en 2002 à Salt Lake City n'était pas envisageable même dans le scénario le plus audacieux. L'Australien était déjà entré dans l'histoire en 1994 à Lillehammer. Bronzé sur 5000m, il avait tout simplement décroché à cette occasion la première médaille de l'histoire de l'Australie aux Jeux d'hiver. Mais c'est bien son triple miracle de Salt Lake City qui allait le rendre mondialement célèbre. Triple miracle car, avant même d'arriver en finale, Bradbury allait bénéficier de deux énormes coups de pouce du destin.
En quarts de finale, il ne termine que troisième de sa course. Seuls les deux premiers sont qualifiés pour le tour suivant. Mais Bradbury passe grâce à la disqualification d'un de ses adversaires. En demi-finales, distancé, l'Australien voit tous ses rivaux pris dans une chute, ce qui lui ouvre les portes de la finale. Du coup, lors de celle-ci, Bradbury, sachant qu'il n'a pas la vitesse pure nécessaire pour rivaliser, reste exagérément en retrait pour se protéger d'une éventuelle chute collective qui pourrait servir ses desseins.
Dans l'ultime virage, les quatre autres finalistes, dont Apolo Anton Ohno, se retrouvent au tapis. Incroyable strike qui permet à Bradbury de franchir seul la ligne, bras levés, regard incrédule. Il est champion olympique. Le premier champion olympique issu de l'hémisphère Sud aux Jeux Olympiques d'hiver. Steven Bradbury est entré dans la légende olympique et, en prime, dans le langage courant australien. Là-bas, on parle de "faire une Bradbury" lorsqu'un évènement improbable se déroule.
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JO 2002 Salt Lake City Steven Bradbury

Crédit: Imago

4. Drame, injustice et happy end, voici Dan Jansen

Un vrai mélo hollywoodien que l'histoire olympique de Dan Jansen. Une histoire bordée de drames, de frustrations, d'injustices mais avec, au bout, un happy end salvateur. Difficile d'imaginer plus cruel que le destin de Jansen, star américaine du patinage de vitesse, lors des Jeux Olympiques de Calgary, en 1988. Favori du 500m et du 1000m, il apprend le 14 février, à 6 heures du matin, que sa sœur est mourante. Atteinte d'une leucémie, elle vit ses dernières heures. Au téléphone, Jansen essaie de lui parler mais, trop faible, elle ne peut répondre. Quelques heures plus tard, juste avant d'entrer en piste pour le 500m, il apprend le décès de sa sœur. "Sur la glace, je ne sentais plus mes jambes. J'avais l'impression que la glace allait se dérober sous mes pieds", raconte-t-il. Après un faux départ, il va chuter dès le premier virage. C'est fini pour lui. Quatre jours plus tard, sur le 1000m, il tombe à nouveau en finale à 200m de la ligne. Il reste incrédule, assis sur la glace. Jansen est le héros (très) malheureux de ces Jeux de Calgary.
A Albertville, en 1992, Dan Jansen se contente d'une médaille en chocolat sur 500m. Viennent enfin les Jeux de Lillehammer, en 1994. Archi-favori du 500m, l'Américain ne termine que huitième. Il lui reste le 1000m. Là encore, il manque de tomber mais parvient à se rétablir. Finalement, il décroche l'or. Sa première médaille, son premier titre olympique, au prix d'un record du monde. La fin d'une incroyable poisse. "C'était plus qu'une course, plus qu'une victoire", dira-t-il. Jansen avait fini de voir la pitié sur le visage des autres. "J'en avais marre que les gens soient désolés pour moi. C'était sincère, mais je n'en pouvais plus de ces têtes qui me disaient 'nous sommes tellement désolés pour toi'. Maintenant, ils me disent qu'ils sont heureux et je préfère ça".
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JO Calgary 1988 Dan Jansen

Crédit: Imago

5. Rasta Rockett

Sans doute la plus célèbre de ces histoires auprès du grand public. Si incroyable qu'on en fit un film, Rasta Rockett, qui prend d'ailleurs quelques libertés avec la réalité, même si l'essentiel y est. En 1987, deux hommes d'affaire américains, George Fitch et William Maloney, ont l'idée saugrenue de monter pour les Jeux de Calgary une équipe de bobsleigh… jamaïcaine après avoir assisté à une session de pushcart. Deux équipes sont formées, une en bob à deux, l'autre en bob à quatre. Jamais la Jamaïque n'avait mis les pieds aux Jeux d'hiver. En quelques semaines, les membres de l'équipe doivent tout apprendre de leur nouvelle discipline.
"Je savais que c'était rapide et dangereux, mais c'est à peu près tout ce que je savais du bosleigh", explique Devon Harris, recruté avec quelques autres pour prendre part à cette aventure délirante. Elle le devient encore un peu plus une fois sur place au Canada. Chris Stokes, venu pour encourager son frère Dudley, doit ainsi remplacer au pied levé Caswell Allen, blessé, trois jours avant le début de l'épreuve de bob à quatre. Stokes n'avait encore jamais vu un bobsleigh de sa vie.
L'image célèbre du bob à quatre jamaïcain, se retournant dans un virage et chutant, a fait le tour du monde et offert une place à la postérité à ces aventuriers un peu fous mais si sympathiques. "Je me souviens juste que ma tête a heurté la glace, reprend Harris. Je me souviens aussi m'être dit que c'était la honte de se crasher comme ça devant le monde entier." Mais la foule se mit à hurler "we love you, we love you". Les bobeurs jamaïcains étaient tout simplement devenus des stars de ces Jeux de 1988. Pour le meilleur et pour le pire.
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1988 JO Calgary Bobsleigh Jamaïque

Crédit: Imago

6. Eugenio Monti, le grand seigneur

Eugenio Monti ou l'athlète le plus fair-play de l'histoire des Jeux. A Innsbruck, en 1964, le bobeur italien dépanne les Anglais Robert Dixon et Tony Nash (ici en photo avec Monti), qui avaient cassé un écrou sur leur engin. "Pas de problème, venez me voir ce soir et je vous aiderai", promet Monti, qui va tenir parole. Le lendemain, avec un bob réparé, Nash et Dixon passent dans les premiers et signent le meilleur temps. Ils n'imaginent pas une seconde remporter la médaille d'or mais la dégradation de la piste va leur permettre de rester devant. Un ami vient les chercher alors qu'ils sont en train de boire un café (ou du schnaps, selon les versions) pour les informer qu'ils sont toujours en tête avant le passage des derniers concurrents.
Le duo britannique remonte juste à temps sur la piste pour voir Eugenio Monti terminer… à sept dixièmes de leur chrono. "Le plus incroyable, c'est qu'il était sincèrement heureux pour nous", a confié Dixon. Fait incroyable, Monti réitérera son geste avec les Canadiens en bob à quatre et, là encore, les Canadiens gagneront. Eugenio Monti obtiendra la médaille Pierre de Coubertin, en récompense de son fair-play. Quatre ans plus tard, à Grenoble, l'Italien obtiendra l'or à la fois en bob à deux et en bob à quatre. Ses premiers titres olympiques, à près de quarante ans. Un juste retour des choses.
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1964 JO Eugenio Monti Tony Nash Bobsleigh

Crédit: Eurosport

7. Philip Boit, l'idole de Bjorn Daehlie

A 25 ans, Philip Boit n'avait encore jamais vu la neige. Deux ans plus tard, le Kenyan disputait les Jeux d'hiver à Nagano. "Je suis tombé tellement de fois", s'amuse-t-il. Avec son compatriote Henry Bitok, Boit va s'entrainer pendant deux ans en Finlande dans l'optique de préparer les jeux d'hiver. Tous deux sont d'anciens athlètes, spécialistes du demi-fond. Mais l'extrême concurrence régnant au Kenya dans ce domaine leur barre la route du rêve olympique. Alors, va pour le ski de fond. Le Kenya ne disposant que d'un unique ticket, seul Boit verra le Japon en 1998. Lors du 10 kilomètres classique, il finit 92e et bon dernier, à vingt minutes et une seconde du vainqueur, Bjorn Daehlie. La légende Daehlie qui, au cours de ces Jeux de Nagano, établit le record du plus grand nombre de médailles aux Jeux d'hiver.
Après sa victoire, Daehlie, grand seigneur, va faire décaler la cérémonie protocolaire de remise des médailles. Bluffé par le courage de son confrère africain, il décide d'attendre son arrivée et c'est lui qui accueillera Philip Boit à son passage sur la ligne. "Je voulais honorer ce courageux skieur", dira simplement Daehlie. Entre la surprise et la fatigue, Boit ne semble pas comprendre sur le coup la portée du geste. "Je ne pouvais pas croire qu'un aussi immense champion soit là pour m'accueillir, moi." Philip Boit disputera encore les Jeux de Salt Lake City et Turin. Touché au plus profond de lui-même par l'attention de Bjorn Daehlie, il prénommera son premier fils Daehlie. Daehlie Boit. On voit ici la légende norvégienne avec toute la famille Boit.
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Philip Boit Bjorn Daehlie

Crédit: Getty Images

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