Pourquoi les débuts en MotoGP de Toprak Razgatlioglu peuvent bouleverser tout le paradigme de la compétition moto
Publié 20/11/2025 à 00:02 GMT+1
Le triple champion du monde de Superbike Toprak Razgatlioglu a réalisé ses premiers tours de roues en MotoGP lors des essais à Valence ce mardi. En s'exportant de la catégorie reine d'un championnat du monde à un autre, le pilote turc prend un pari à vocation presque philosophique. Celle de définir la valeur d'un championnat perçu comme une sorte de seconde division. A tort ou à raison ?
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Video credit: Eurosport
Ses premiers pas en tant que pilote MotoGP lors des tests de présaison ce mardi ont plus eu l'air de ceux d'un rookie voulant se faire bien voir que d'un triple champion du monde. Il a l'air d'être comme ça, Toprak Razgatlioglu. Plutôt du genre à ramener une boîte de baklava à ses ingénieurs qu'un gros melon dans le paddock. Le Turc aurait pourtant toutes les raisons de se la péter un peu. Parmi les pilotes en activité, seul Marc Marquez compte plus de couronnes mondiales que lui dans une catégorie reine. Mais les siennes ont été remportées en Superbike, l'autre circuit international de compétition moto couramment considéré comme une sorte d'ersatz pour recalés et préretraités.
Lui n'est pourtant pas un rejeton du MotoGP. Il n'a jamais pris part à ses catégories de promotion – la Moto3 et la Moto2, et ses ancêtres – et a fait ses armes dans la pyramide du Superbike. Une pyramide qu'il vient d'écraser avec la manière sur les cinq dernières années : trois fois champion et deux fois vice-champion derrière la Ducati d'Alvaro Bautista sur un autre monde en termes de performance. Tout cela en étant un pilote toujours relativement jeune (29 ans), pour un championnat dont l'âge moyen des champions se rapproche plutôt des 32 ans depuis le début du XXIe siècle.
Ce qui ne l'empêche pas d'aborder ce grand saut avec humilité. Lui ne le dira pas pour des raisons contractuelles – étant sous contrat avec BMW jusqu'à la fin de l'année, il ne peut s'exprimer en tant que pilote Yamaha -, mais ceux qui le côtoient l'appuient sans hésiter. Parce que ce genre de transition ne s'est plus vue depuis un petit moment maintenant. Elle se faisait plutôt durant les années 2000 à l'époque où le Superbike était un vrai concurrent au MotoGP. Et aussi parce que, de ce fait, il est investi malgré lui d'une drôle de mission philosophique. Celle de représenter, en quelque sorte, le championnat Superbike. En clair : permettre au monde de savoir si le niveau des pilotes de ce championnat est sous-estimé à tort, ou non.
La question est forcément très intrigante après une saison écrasée par Marc Marquez. Ses premiers tours de roues lors des essais d'après-saison à Valence ce mardi étaient donc sans doute les plus scrutés du paddock. Et il n'a pas déçu. A commencer par le directeur de sa future écurie Pramac Yamaha, Gino Borsoi : "Je suis assez surpris et impressionné par son état d'esprit et son style de pilotage, a-t-il apprécié ce mardi. Nous savons tous qu'il est incroyable sur les points de freinage, mais il a montré qu'il est capable de changer son pilotage très rapidement. Nous lui avons donné quelques 'trucs' et il est capable d'apprendre très vite."
Il va surpasser mes attentes
Surtout, c'est son chrono qui a épaté dans son équipe. Car même si le nom de Toprak Razgatlioglu ne s'est pas affiché plus haut qu'à la 18e position de la séance, il s'est approché à un peu plus de sept dixièmes de Fabio Quartararo, la référence absolue chez Yamaha, et a devancé les deux autres pilotes de la marque, Alex Rins et Jack Miller. "J'ai été plutôt surpris de sa vitesse aujourd'hui, l'a adoubé le Français à la fin de la journée. Je pense qu'il va surpasser mes attentes l'année prochaine." Tout cela, pour son tout premier test en conditions officielles sur une machine extrêmement différente de sa moto de SBK. Tout cela, aussi, sans avoir réussi de tour rapide selon Gino Borsoi : "Il n'a pas attaqué, dans aucun tour. Et c'est quelque chose de bien pour nous parce que même sans avoir vu sa vitesse réelle, nous avons vu son caractère, sa manière de travailler, et il est déjà bon pour notre style MotoGP."
Le meilleur pilote du championnat Superbike, pourrait donc être directement l'un des meilleurs pilotes du championnat MotoGP ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais il y a des indices. Pas forcément dans la performance de Toprak Razgatlioglu ce mardi aux essais, mais plutôt dans celle de son ancien adversaire Nicolo Bulega. Celui qui a été son dauphin lors des deux derniers championnats du monde SBK vient de terminer la saison en Grand Prix avec Ducati. Et même s'il n'était là que pour dépanner en l'absence de Marc Marquez, il a tout de même inscrit plus de points que son coéquipier Francesco Bagnaia – certes, au fond du seau mentalement.
Tout cela pourrait être à tempérer, sachant que ce ne sont en vérité que deux petits points marqués grâce à une quinzième place. Mais l'Italien vient de réaliser, à ces mêmes tests d'après-saison, le huitième chrono de la séance à moins de trois dixièmes du meilleur temps. Comme quoi, même un pilote n'arrivant pas du Superbike avec l'aura d'un talent générationnel pourrait bien lui aussi briser les lignes et les préjugés qui vont avec malgré les énormes différences entre les machines. Et s'il n'y a pas de place chez Ducati, avec qui il est sous contrat, en 2026 en MotoGP, il pourrait bien y en avoir une en 2027. D'ici là, Toprak Razgatlioglu aura peut-être déjà envoyé valser toutes les certitudes qui s'étaient construites depuis une quinzaine d'années quant à l'ordre des choses de la compétition moto. Et si les talents du Superbike valaient mieux que ce que l'on croit ?
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